Achats publics : comment être performant?
Comment rendre l'achat public performant? Mutualiser les savoirs, échanger, innover, ... autant de pistes dressées par les acheteurs lors d'une journée dédiée à l'achat public organisée par l'Ugap, le 25 juin au siège de la Chambre de commerce et d'industrie d'Ile-de-France.
Je m'abonneEntre 2014 à 2017, les collectivités vont perdre 28 milliards d'euros de dotations de l'Etat. Un énorme manque à gagner qui ne sera pas sans conséquence sur les budgets des villes. "Les agents publics sont sous pression, que faire?" s'interroge Olivier Régis, président délégué du forum pour la gestion des villes et des collectivités territoriales et animateur du débat lors du colloque sur la performance de l'achat public, organisé par la centrale d'achat Ugap, au siège de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) d'Ile-de-France, le 25 juin dernier. Un des nombreux rendez-vous consacré à la thématique dans le cadre d'un tour de France de la centrale d'achats sur le sujet.
Investir dans le marketing achats...
Rendre plus performant l'achat public. C'est notamment la question qui s'est posée au sein de la CCI pour réussir à obtenir une baisse 20 millions d'euros pour un budget achats annuel de 180 millions d'euros. Pour cela, l'organisme a élaboré dès 2012 une nouvelle stratégie achats pour 5 ans. Pour Alain Buat, délégué du président de la CCI d'Ile-de-France et président de la commission des marchés de cette dernière, il faut investir dans le marketing achats pour challenger les services prescripteurs, "trop souvent conservateurs et routiniers".
Mais avoir une stratégie achats n'est pas la seule source de performance achats, il faut également faire baisser les coûts de fonctionnement. Des coûts de fonctionnement dans les collectivités souvent imputables à l'augmentation de masse salariale. Ce que pointe du doigt la Cour des Comptes dans son rapport du 14 octobre 2014. Soit une augmentation de 3,1% en 2013 (contre 3,5% en 2012) due notamment à "la triple hausse des effectifs, les rémunérations indiciaires (sous l'effet des avancements d'échelon et de grade) et des régimes indemnitaires.
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Entre 2014 et 2020, la ville de Boulogne-Billancourt va perdre 124 millions d'euros de budget pour un budget annuel de 170 millions d'euros. "Si la municipalité ne veut pas augmenter les impôts, il faut agir sur la maîtrise des dépenses", précise Christine Lavarde-Boeda, maire adjointe chargée des finances à la ville de Boulogne-Billancourt. "Dans cette logique de gains achats, la municipalité ne réfléchit plus au remplacement de certains de ses équipements (ex : les copieurs) mais en termes d'externalisation dans le cadre du fameux TCO (total cost of ownership)".
Un grand classique : le TCO
Sans surprise, la notion de TCO ou coût global s'impose dans le débat. "Il faut avoir une stratégie achats et notamment apprendre à décomposer le prix d'achat", analyse Yves-René Guillou, associé gérant chez Cabinet Earth Avocats et maître de conférence à l'Université Lille III, avant de poursuivre, "Il faut se pencher sur la chaîne de valeur du produit ou service pour atteindre la performance achat. Ainsi, le prix d'un ordinateur doit être analysé en décortiquant le coût des logiciels liés, sa consommation d'électricité, ...". Une pratique répandue dans les pays nordiques selon lui " où 50% des achats sont décomposés en TCO". Alors, "pourquoi ne pas se benchmarker avec d'autres pays?"
Mutualiser les savoirs
Faut-il mutualiser pour mieux acheter? La mutualisation des achats soulève naturellement la question des (trop?) nombreuses centrales d'achats. Pour Sébastien Taupiac de l'Ugap: il faut éviter la "guéguerre sur la mutualisation des centrales qui doivent être solidaires car au final, toutes sont dans le même bateau de la commande publique". Et de citer le service des achats de l'Etat qui collabore avec l'Ugap et inversement sur des sujets où chacun a son domaine d'expertise. "On évolue vers un nouveau modèle de mutualisation".
"Il faut éviter la guéguerre des centrales d'achats et penser un nouveau modèle de mutualisation"
Certes, le terme de mutualisation peut faire peur. Mais "on ne parle pas de mutualisation sur l'achat stricto sensu qui s'apparente à la massification. Mais bien de mutualisation de retours d'expériences et de savoirs", énonce l'avocat Yves-René Guillou, "Il faut cesser d'acheter chacun dans son coin!" Dans cette optique, la direction de l'information légale et administrative (DILA) lancera, à la rentrée, le site internet clubdesmarchespublics.fr avec un accès privé pour les acheteurs publics afin qu'ils puissent échanger sur leurs bonnes pratiques.
Enfin, la mutualisation peut s'envisager sous un angle RH avec des acheteurs compétents dans leurs domaines au service de différentes entités. Une réflexion notamment mise en place pour le métier d'acheteur "dans le cadre de la fusion des communautés d'agglomération", souligne Florence Baco-Ambrass, directrice générale des services au sein de la Mairie de Palaiseau et membre du bureau national du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGTC). Ainsi, à la ville de Paris, le maire de l'époque Bertrand Delanöe avait recruté des acheteurs de la grande distribution avec un certain succès.
Même écho du côté du Ministère de l'Intérieur dont le sous-directeur en charge des achats, Yves Bentolila, plaide pour "s'appuyer sur des milliers de spécialistes achats pour faire avancer stratégie achats pour l'ensemble de la sphère publique".
Bien connaître son marché fournisseurs
La performance achat passe aussi par "la connaissance du marché et de ses fournisseurs et de l'intensité concurrentielle", souligne Yves-René Guillou. La performance achats engendrera-t-elle une complexification des offres et par là même une baisse de la concurrence et un manque de réponses des fournisseurs aux appels d'offres? "Ne vous préoccupez pas de la consistance concurrentielle. Anticipez!", prévient Frédéric Lalung, responsable pôle vente au sein de la DILA. "De leur côté, les acheteurs doivent être conscients qu'ils sont classés par les fournisseurs. Il existe un véritable management des achats".
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Des conditions d'exécution des marchés à la loupe
Autre piste de gains possibles dans les achats publics : les clauses d'exécution des marchés. "Des clauses trop souvent limitées à la passation des marchés", explique Christine Lavarde-Boeda, maire adjointe chargée des finances à la ville de Boulogne-Billancourt. De plus, des clauses de progrès dans le contrat peuvent être ajoutées en demandant par exemple au prestataire des aides sur comment mieux consommer le papier dans le cadre d'un marché lié à la reprographie. Et les clauses de progrès doivent impliquer une évaluation constante dans l'exécution de ces dits contrat. "La clé, c'est le contrôle", conclut-elle.
Mais tous ces pré-requis pour des gains achats dans le secteur public ne sont rien sans "le soutien de la direction générale et la volonté politique. La fonction achat doit être en position de force dans la collectivité", pour Florence Baco-Ambrass, directrice générale des services de la mairie de Palaiseau.
Dans l'attente du nouveau CMP...
Beaucoup d'acheteurs publics attendent le nouveau Code des marchés publics (CMP) annoncé pour la fin d'année 2015. Un nouveau Code qui devrait permettre de mettre en place des remises de fin d'année avec ses fournisseurs (chose interdite actuellement), notamment dans le cadre des allotissements. C'est à dire la possibilité pour un acheteur de demander une remise de prix à un fournisseur si celui-ci remporte plusieurs lots. Mais de l'avis de certains, ce nouveau Code ne sera pas une révolution! Cependant, pour l'avocat Yves-René Guillou, "Le nouveau CMP donnera plein d'outils pour améliorer les achats publics".