Equipes achats : participer à la formation des futures recrues
Pour les jeunes, l'alternance offre l'avantage de pouvoir allier études et vie en entreprise. La grande majorité des directions achats y ont recours, car les achats sont un métier où les missions s'y prêtent bien. Explications.
Je m'abonneEn raison du contexte économique et sanitaire, l'emploi des jeunes est fortement menacé. C'est pourquoi, aujourd'hui, le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour lutter contre le chômage des jeunes en mettant l'accent sur l'alternance. Au sens large du terme, l'alternance désigne un système de formation qui consiste à alterner des périodes d'enseignement théorique dans un établissement de formation et des périodes de mise en pratique en entreprise. Il existe deux types de contrats en alternance : le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation.
Une formule gagnant-gagnant
Ce type de formation qui allie études et vie en entreprise est souvent perçu comme un vrai gage de qualité pour les entreprises qui participent ainsi à la formation d'une potentielle future recrue. En retour, c'est avantageux pour l'étudiant qui voit ses études financées par l'entreprise en question. D'autant que les masters sont souvent onéreux. Ainsi, le Desma de Grenoble propose l'alternance à partir du master 2. "Nous avons une promotion de 33 étudiants en alternance 2020-2021. Et il y a 96% d'insertion professionnelle dans les 6 mois après l'obtention du diplôme", explique Mathilde Boulloud, responsable pédagogique au Desma.
Des étudiants très vite "opérationnels"
L'alternance permet aux jeunes de se jeter dans le grand bain du monde professionnel. Ce que confirme Coumba-Marie, aujourd'hui acheteuse opérations, optimisation et performance au sein du groupe Covea. "J'ai rejoint le groupe dans un premier temps dans le cadre d'un contrat d'apprentissage en master 1, avant d'obtenir un MBA et d'être embauchée en CDI". Elle a effectué deux années d'alternance chez Covea. Un parcours qu'elle juge "enrichissant" grâce aux rencontres professionnelles et le fait qu'elle ait pu "mettre à profit ses connaissances théoriques en les expérimentant et en les testant sur le terrain". Un avis partagé par Ernestine Ngono, 23 ans qui a effectué l'ensemble de son parcours en alternance (DUT technico-commercial, licence éco gestion et un master achat) pour des raisons "financières" notamment. Actuellement en alternance chez Alstom à Belfort au sein du service achats, elle réalise des indicateurs achats (sur l'avancement du passage des commandes), et participe à la rédaction de contrats achats, la négociation, la rédaction de commandes, l'analyse des besoins SAP.
Si les jeunes y trouvent leur compte, quels sont les bénéfices côté entreprise. Pour Olivier Wajnsztok du cabinet AgileBuyer et président des anciens du MAI de Bordeaux (Kedge Business School), "L'alternance permet d'avoir de jeunes acheteurs qui connaissent déjà l'entreprise et sont très vite opérationnels. Ils ont une vraie maîtrise de soft skills." La grande majorité des écoles et/ou universités qui proposent des masters achats comme Kedge Business School ou le Desma à Grenoble encouragent leurs étudiants à choisir l'alternance. Il est cependant amusant de constater que les directeurs achats d'aujourd'hui ne sont majoritairement pas issus de l'alternance. Si on ne parle pas de choc de générations, gageons que cette rencontre des deux mondes soit gagnante pour tout le monde.
Tendance - "L'alternance est un véritable sésame pour décrocher un emploi"
Brice Malm, Partner Senior chez Michael Page
Du côté des recruteurs, l'alternance séduit beaucoup et présente de nombreux avantages. "L'alternance maximise l'employabilité. C'est un véritable sésame", explique Brice Malm, Partner Senior au sein du cabinet Michael Page. "L'alternance dans les achats est devenue un passage obligé. Très peu d'organisations achats n'ont pas un alternant ou un stagiaire dans leur service. L'alternance est d'ailleurs idéale pour développer les compétences d'un acheteur, car c'est un métier où les missions s'y prêtent bien car très orientées en mode projets". Toujours selon Brice Malm, c'est aussi un mode d'apprentissage qui "permet de préparer in situ les acheteurs en devenir à un métier en pleine transformation. Cela permet de mieux les sensibiliser au monde de l'entreprise, à ses valeurs et aux enjeux de demain."
Zoom - "La crise a donné un coup d'accélérateur à la politique d'alternance chez Covea"
Aline Jule, responsable du pôle recrutement et parcours chez Covea
Le groupe d'assurances mutualiste Covea compte plus de 4 000 recrutements par an (dont mobilité interne) pour 21 000 salariés. "Nous avons pris à bras-le-corps le sujet de l'alternance en raison de la crise sanitaire qui impacte les jeunes et l'emploi. Une volonté relayée par le Comex et notre président. Nous voulions apporter un soutien particulier à l'emploi des jeunes". C'est davantage "un coup d'accélérateur qui va dans le sens du groupe collectif pour une économie plus inclusive" dans lequel le groupe Covea est engagé. "Nous avons ainsi un volet régulier dans le prérecrutement où nous participons à l'embauche d'un jeune et nous participons à sa formation."
Chez Covea, les deux modes d'alternance sont intégrés. Et le groupe compte en moyenne 3 % de ses effectifs en alternance. "L'alternance est une pratique ancienne au sein du groupe. Il n'a pas fallu convaincre les directions sur le bien-fondé d'y avoir recours mais plutôt les aider à anticiper l'intégration de ces derniers dans leurs équipes", indique la responsable du pôle recrutement. Ainsi, une fois les alternants intégrés, ils bénéficient à la fois d'une formation interne globale sur le fonctionnement et les valeurs du groupe mais aussi d'une formation spécifique de la part de la direction qu'ils ont intégrée. Il y a entre 300 et 500 alternants chez Covea avec une moyenne d'âge de 25 ans. "Nous avons créé une communauté d'alternants afin qu'ils puissent se rencontrer entre eux. Car ils sont "éclatés" sur les trois sites du groupe (Levallois, Le Mans et Niort) et aussi près de la gare Saint-Lazare à Paris. Nous leur présentons des trucs et astuces, mais aussi une vision du groupe afin qu'ils connaissent les différents métiers qui existent au sein de celui-ci."
Lire la suite en page 2 : "L'alternance est un énorme vivier d'embauche chez L'Oréal" - le témoignage de Cécile Mien, directrice internationale recrutement opérations chez L'Oréal :
Interview - "L'alternance est un énorme vivier d'embauche chez L'Oréal"
Cécile Mien, directrice internationale recrutement opérations chez L'Oréal (entité qui regroupe les métiers des achats, de la production, de la supply chain, entre autres...)
"L'alternance est au coeur de la stratégie de L'Oréal pour l'ensemble des métiers du groupe. Cette politique d'alternance a été renforcée depuis 2020 en raison de la crise sanitaire et économique pour aider les jeunes qui sont la source vive du futur". Ainsi, malgré le contexte, le groupe a décidé de maintenir tous les contrats. En France, L'Oréal compte près de 2 000 étudiants (stages, CDD, CDI et alternants compris). "Notre ambition est de signer plus de 1 000 contrats d'apprentissage d'ici à 2022 (soit + 20 % qu'en 2020)". Et malgré le contexte, le groupe souhaite maintenir ses objectifs en 2021 dont 15 % des alternances pour les QPV (Quartiers de la politique de la ville).
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Aujourd'hui, la direction des achats compte 250 personnes et recrute plus de 80 étudiants (stages, alternance, CDI). L'Oréal mise sur la proximité du maître d'apprentissage désigné pour chaque alternant au sein de son propre service mais aussi sur un programme plus général de développement et intégration. Ainsi, dès leur arrivée, les jeunes bénéficient d'une vision globale de la culture et des valeurs du groupe pour construire leur réseau. "Ce que l'on appelle le "parcours FIT" ou la mise en relation car nous avons une culture collaborative chez L'Oréal."
Une communauté d'alternants
Le maître d'apprentissage se dégage du temps pour accompagner son alternant et l'associe à des missions concrètes sur le terrain. "Ils ont de vraies missions et des responsabilités avec de l'impact. Ils contribuent de manière concrète à un projet", poursuit Cécile Mien. Le groupe a créé également une communauté de stagiaires et d'alternants en leur donnant accès à des conférences, à l'ensemble de l'écosystème de l'entreprise mais aussi pour les faire travailler ensemble sur des projets afin qu'ils développent leurs soft skills.
Une plateforme de formation en interne
L'Oréal met à leur disposition une plateforme baptisée "MyLearning" offrant des formations certifiantes. "Nous voulons les faire grandir sur leurs deux jambes : l'une plus technique et l'autre axée sur les soft skills". Sur la plateforme MyLearning, sont à disposition des ressources en ligne, portant à la fois sur les achats, mais aussi sur les soft skills ou encore des ressources sur le management, le bien-être. Ils ont également accès gratuitement à des MOOCs de la plateforme de Coursera comme une formation à la négociation avec un partenaire externe ou encore une formation "Sourcing Strategy & Implementation", avec un partenaire externe axé sur la stratégie d'achat L'Oréal (catégorie et business). "Nous recrutons des étudiants de tous horizons et misons sur la diversité des parcours", précise la directrice. Ainsi, sur l'ensemble des métiers du groupe, plus de 300 écoles et universités sont représentées. Au niveau des achats, il s'agit d'une cinquantaine d'écoles en France. "Nous avons aussi un partenariat avec le Master Kedge de Bordeaux qui présente de grosses promotions. Et nous cherchons des étudiants qui ont le sens de l'entrepreneuriat et qui sont à l'aise pour travailler en mode collaboratif."
Parcours croisés
La force d'un grand groupe comme L'Oréal est de pouvoir proposer "des parcours croisés" et donner la possibilité de passer d'un métier à un autre ou encore d'aller travailler à l'international dans l'un des 10 pays où est présent le groupe. "Les achats sont une vraie porte d'entrée pour accéder à l'ensemble des métiers car ils sont très connectés en interne (avec le marketing, la finance...) comme en externe avec l'écosystème fournisseurs." Aujourd'hui, l'alternance est "un énorme vivier d'embauche" pour le groupe. Ainsi, en moyenne, chaque année, 70% des postes juniors sont pourvus par des anciens stagiaires ou alternants.