L'impact climatique sur la supply chain
Le dérèglement climatique en cours impacte de manière croissante les chaînes d'approvisionnement. Les directions achats se retrouvent confrontées à des difficultés logistiques, et doivent ainsi s'adapter en utilisant des outils pour limiter les perturbations.
Je m'abonneLa multiplication des événements climatiques extrêmes (inondations, cyclones, sécheresses...) directement liée au changement climatique, impacte de plus en plus l'activité des directions achats. En effet, bon nombre d'entre elles se retrouvent confrontées à des perturbations en raison de la fragmentation de leurs chaînes logistiques. Les fournisseurs ou filiales étant présents dans différentes régions du monde, certains d'entre eux peuvent être fortement exposés au risque climatique. Pour autant, afin de gagner en résilience, il existe des outils à destination des acheteurs pour limiter l'impact des conséquences du changement climatique sur leur supply chain.
Perturbation des chaînes d'approvisionnement par les effets du changement climatique : bilan actuel et perspectives
Comme annoncé et anticipé par les différents rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), notre planète connaît depuis plusieurs décennies un dérèglement climatique. Les différents scénarios modélisés par le GIEC prévoient tous une hausse des températures à la surface du globe, allant de 1.4° pour le plus optimiste à 5.7° pour le plus pessimiste d'ici à 2100. D'après les scientifiques, cette tendance de fond devrait donc s'accélérer dans le futur, avec des phénomènes plus extrêmes et plus récurrents, qui viendront davantage impacter les supply chain. Ces données doivent dès à présent être prises en compte dans la stratégie des entreprises, car la question de la réorganisation de certaines filières pourrait se poser dans un futur relativement proche (exemple de l'industrie du textile très présente au Bangladesh, pays menacé de submersion).
Or, force est de constater que ces dernières années, de nombreux évènements climatiques extrêmes, directement imputés au changement climatique, sont déjà venus impacter les chaînes logistiques. Rien qu'en 2022, Toyota estime avoir perdu 1 milliard USD suite à une inondation ayant entraîné une perte de production de 45 000 véhicules dans son usine en Afrique du Sud ; tandis que l'ouragan Ian qui a touché les États-Unis et Cuba en octobre 2022 aurait coûté 1 000 milliards USD de réparations en raison d'importants dommages aux infrastructures. Certains évènements vont même jusqu'à paralyser une région ou un pays entier, à l'instar de l'ouragan Harvey en 2017 qui a impacté l'économie américaine à la suite de son passage sur le Texas. En effet, cet État abrite un tiers des raffineries de pétrole aux États-Unis, et les dommages causés sur les raffineries texanes ont suspendu 40% des capacités américaines de raffinage de pétrole durant plusieurs semaines.
Quelles solutions pour gagner en résilience ?
Divers outils et bonnes pratiques existent pour les directions achats afin de limiter les impacts néfastes du réchauffement climatique sur leurs supply chain. Tout d'abord, ces dernières doivent penser à diversifier géographiquement leurs panels fournisseurs ainsi que leurs filiales. En effet, ne pas concentrer ces derniers sur une zone géographique définie permet de limiter le risque qu'un même phénomène climatique ne vienne impacter une trop grande partie de la chaîne logistique. Afin d'implanter ses filiales ou ses fournisseurs dans les zones les moins exposées, il convient de se renseigner sur les prévisions scientifiques qui permettent d'anticiper l'évolution des potentiels risques climatiques d'une zone géographique. Certaines sociétés de conseil spécialisées dans la décarbonation, comme Carbone 4, proposent une analyse des risques physiques et climatiques et une diversification par type d'approvisionnement.
Il convient, par ailleurs, de s'assurer de la résilience de ses fournisseurs, et de mesurer leurs capacités à continuer leur activité, même en mode dégradé (présence de plusieurs sites, solidité financière, partenariat de longue date...). Afin d'évaluer son fournisseur, il est par exemple possible de lui demander si un plan d'action est élaboré en cas de survenance d'un phénomène extrême ? A-t-il effectué une analyse des principaux risques pour son activité ? Etc. En complément de ces informations, un des meilleurs indicateurs sur la résilience de son fournisseur est la norme ISO 22301 sur la continuité d'activité, qui vise à protéger les organisations des événements perturbateurs, réduire leur probabilité et leur criticité, s'y préparer, y répondre et de s'en rétablir lorsqu'ils surviennent.
De plus, il est à présent possible de s'assurer contre le risque climatique. En effet, à la suite d'une multiplication des difficultés logistiques dues au changement climatique, il est à présent possible de souscrire à une couverture assurantielle associée aux risques climatiques. Certaines couvertures assurent jusqu'à 50% de la perte du chiffre d'affaires liée à un aléa climatique, avec un plafond de 500 000€ (en France). Il convient malgré tout de bien faire attention aux clauses stipulées dans le contrat car l'application de cette assurance reste soumise à diverses conditions, et l'accélération du dérèglement climatique oblige les assureurs à mettre à jour régulièrement leurs méthodes de calcul, grâce à de nouvelles modélisations.
Enfin, la meilleure solution pour se prémunir de toute perturbation sur la chaîne d'approvisionnement reste de se constituer un stock de sécurité, lorsque la période économique le permet. Bien que sécuritaire, cette solution peut coûter cher à l'entreprise en raison de la variation des cours des matières premières. Il est également possible de conclure un contrat, certes plus onéreux avec son fournisseur, mais qui garantit que l'on sera livré en premier en cas de problèmes d'approvisionnement.
Pour aller plus loin :
Romain Nocente, diplômé de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS SUP') et de l'IPAG de Brest, a rejoint SVP Information Décisionnelle en qualité d'analyste marché.