L'IA et l'automatisation garantes d'une supply sécurisée
Le raz-de-marée de l'automatisation et de l'IA touche également les chaînes d'approvisionnement. Dans ce domaine plus qu'ailleurs, les avancées technologiques sont de véritables aubaines.
Je m'abonneDepuis 2020, les crises internationales successives ne cessent de souligner la nécessité de mieux maîtriser sa chaîne d'approvisionnement. Les promesses de l'IA et des solutions d'automatisation sont une aubaine dans ce contexte et font d'ores et déjà évoluer les métiers liés aux activités supply.
Environ 40 % des dirigeants dans le monde estiment que leur entreprise ne sera économiquement plus viable dans 10 ans si elle ne se transforme pas selon une étude du cabinet PwC parue début 2023. L'inflation, la volatilité macroéconomique et les conflits géopolitiques sont décrits étant comme les premières menaces. Des facteurs qui pèsent directement sur les activités des supply chains pour lesquelles la gestion du risque occupe une place toujours plus importante.
L'IA au secours de l'efficacité
Qu'il s'agisse des acheteurs ou des approvisionneurs, le besoin d'accorder moins de temps à la gestion des risques tout en gagnant en pertinence sur ce plan devient criant. Les solutions technologiques se présentent dès lors comme une aubaine. « De nombreux domaines d'activité sont désormais très demandeurs d'outils intelligents pour mieux gérer la supply chain. Si certains acteurs en sont encore aux POC (Proof of concept), d'autres sont plutôt en phase d'industrialisation des solutions », indique Stéphane Roder, président de la société AI Builders, spécialiste du conseil en stratégie data et IA. La grande distribution, l'agroalimentaire ou l'industrie plus généralement sont souvent mentionnés comme des secteurs les plus à l'avant-garde en termes de solutions innovantes au service de leur chaîne d'approvisionnement.
L'élimination de tâches rébarbatives, en confiant celles-ci à des robots, devient peu à peu une priorité pour toutes les organisations. « Dans le sillage des fonctions d'automatisation, une promouvons aujourd'hui une approche très personnalisée pour comprendre le besoin, avant toute chose, avant de mettre en place la réponse robotique la mieux adaptée au processus concerné, en intégrant désormais de l'intelligence artificielle et du machine learning », explique Matthieu Leroux, expert Retail chez UiPath, qui édite des logiciels d'automatisation pour les activités de supply chain. Il décrit notamment une évolution rapide des solutions d'automatisation non intelligente vers l'IA. Une tendance qui répond à une nécessité d'efficacité toujours plus marquée.
Les observateurs du domaine s'accordent sur le fait qu'il existe d'importantes demandes de la part des activités achats / supply qui ont parfois beaucoup de données à leur disposition sans pour autant pouvoir les valoriser. Un travail d'interprétation des données rendu encore plus complexe par le devoir de limitation des empreintes carbone, et les problèmes d'immobilisation dans les entrepôts. « La motivation affichée par les clients quant au recours à des outils innovants concerne souvent des besoins d'analytique, comme par exemple des problèmes de collecte et d'interprétation de données qu'ils souhaitent résoudre. Ils veulent aussi améliorer la nature et l'origine des données, leur fiabilité. L'IA est une aide précieuse sur ce plan car elle permet de procéder au nettoyage et au tri des données qui s'imposent. Les acheteurs approvisionneurs sont souvent soumis à des volumétries importantes, ce qui fait que les données non structurées sont d'autant plus problématiques », décrypte Christelle Courant, directrice du développement de l'éditeur de solutions d'IA Digitalent.
Des arguments supplémentaires pour la négociation
La gestion des négociations, de la dconformité des fournisseurs, de la prise en compte de contraintes administratives ou de normes sont autant d'éléments sur lesquels l'IA apporte des informations affinées synonymes de gains de temps. « Est-ce qu'on achète suffisamment bien, par rapport à ce qu'on pourrait faire ? Le niveau des prix est-il maîtrisé ? Les technologies innovantes apportent des réponses constructives à ce type de question, ainsi que des arguments supplémentaires pour parfaire les négociations », indique Matthieu Leroux.
L'intelligence artificielle fournit des tendances de prix plus fines. Grâce aux informations disponibles qui sont couplées avec les cours de matières premières, on aboutit à des enrichissements de données pertinents, tenant compte par exemple des conséquences indirectes de l'augmentation des prix de l'énergie. « Rappelons que le prix des containers avait été multiplié par 4 en 2022, avec une hausse considérable du gazole. Dans un contexte où le coût total d'un produit acheté est très fortement touché par les coûts directs, la fiabilité des prévisions est cruciale. Des éléments géopolitiques, comme dans le cas du prix du blé qui subit de plein fouet les effets de la guerre en Ukraine, entrent aussi en ligne de compte et peuvent être mieux maîtrisés », illustre Christelle Courant. Plus en aval, il s'agit aussi de mieux optimiser des tâches relatives aux délais de paiement, au recouvrement, en respectant mieux les contraintes et la particularité des situations.
En matière de sourcing fournisseurs, les pratiques sont également amenées à évoluer rapidement. Pour Stéphane Roder, « rien ne perturbe plus les activités supply que l'indisponibilité d'un fournisseur, pour des raisons de pénurie par exemple. Le sourcing est inévitablement lié au fait de trouver le bon article pour le bon achat. Avec l'intelligence artificielle, des chatbots mènent des recherches multicritères au sein de catalogues dans un temps record. » Pour tous les approvisionnements correspondant à des achats indirects et non stratégiques, il est souvent particulièrement difficile de procéder à des comparaisons dans ce domaine. Grâce au libellé et à la description des produits, l'IA aide à chercher des similitudes entre produits et propose ainsi des alternatives pertinentes lors de ruptures d'approvisionnement.
Vers des expérimentations tous azimuts ?
La volonté de mieux maîtriser et de mieux comprendre les aléas d'une filière régulièrement tourmentée donne lieu à des pratiques innovantes variées. « L'un de nos clients nous a contactés avec le souhait de pouvoir prédire les dates de séjour des containers, en fonction de différentes variables », illustre Christelle Courant. « En étudiant les données internes disponibles, il s'agissait de savoir comment il est possible d'apporter une nouvelle vision, en étudiant les catégories de données qui peuvent être intéressantes à mettre en corrélation avec d'autres informations comme la météorologie, ou les périodes de l'année concernées. L'entreprise utilisait des outils du passé, souffrait des goulots d'étrangement importants au sein des ports. Grâce à l'IA, les experts métiers peuvent comprendre pourquoi certains containers restent à quai pendant plusieurs mois. »
Matthieu Leroux constate lui aussi une appétence toujours forte à l'expérimentation : « nous avons mis à disposition de clients des fonctionnalités d'interprétation de documents tels que des bons de commande. Grâce à l'intelligence artificielle embarquée, l'outil est en mesure de reconnaître des éléments à enregistrer automatiquement dans le système d'information, relatifs aux fournisseurs, à leurs caractéristiques, leur statut, leur ancienneté dans la collaboration... L'IA est ainsi l'occasion d'être plus créatif et plus concentré sur des activités à plus haute valeur ajoutée, permettant de faire grandir les organisations. »
Vers des plans de sécurisation grâce à l'IA générative
Jusqu'à un passé encore récent, l'attention des acheteurs / approvisionneurs était principalement focalisée sur les problématiques de coûts, de qualité et de délai. Si ces aspects sont bien sûr toujours importants, le management du risque est devenu prépondérant dans leur quotidien. L'intelligence artificielle générative pourrait rapidement être une opportunité, notamment pour sécuriser les approvisionnements en se tournant plus facilement vers de nouveaux acteurs. « ChatGPT donne des résultats très probants en matière de sourcing. Nous avons mené des expérimentations en interne, en intégrant des critères de chiffre d'affaires, de KPI financiers, sur des zones géographiques spécifiques. Il s'agit d'une vraie avancée », reconnaît Isabelle Carradine, associée spécialiste de la transformation de la fonction achats au sein de PwC France et Maghreb. Alors que les ruptures d'approvisionnement et la nécessité de se tourner vers de nouvelles entreprises de la chaîne deviennent plus fréquentes, il en ressort des gains de temps et d'agilité précieux lorsqu'il s'agit de dénicher de nouveaux fournisseurs selon des critères exigeants ou de nouveaux circuits d'approvisionnement. « Certains modèles logiciels intègrent d'ores et déjà la possibilité d'anticiper des décisions sur la base de scénarios tenant compte d'événements probables comme des conflits dans certaines régions du monde », ajoute-t-elle. À noter que cet important gain de temps laisse aussi plus de marge de manoeuvre pour mettre en place des plans d'amélioration continue avec les fournisseurs historiques des donneurs d'ordre, afin de mieux faire face aux aléas.