"Procurement Ops": et si la digitalisation des achats devenait un métier ?
Les achats n'ont pas échappé au mouvement de transformation digitale de l'ensemble des entreprises. En revanche, une question essentielle peine encore à être adressée: qui est aux manettes de ce renouveau stratégique ? Y a-t-il un pilote dans l'avion ? Par Julien Clouet, LittleBIG Connection.
Je m'abonneForce est de constater que le mouvement de digitalisation, pourtant assez tardif sur la fonction achats, s'est encore accéléré au cours des dernières années provoquant un changement profond des process et des outils de gestion. Reconnaissons-le à la faveur de cette transformation, notre monde des achats n'est plus le même. Mesurons le chemin parcouru si vite.
Au début des années 2000, près de 80% des acheteurs avouaient encore qu'Excel était leur principal outil du quotidien ! Celui avec lequel ils concevaient leurs tableaux de suivi des commandes et géraient leurs panels de fournisseurs. Un outil simple, au moindre coût, mais souvent loin de répondre à la complexité des besoins d'un acheteur...
Peu à peu, la simplicité d'Excel a été dépassée, souvent balayée, par le besoin croissant d'outils digitaux plus experts, plus pointus et plus efficaces pour permettre aux achats d'atteindre leurs objectifs et optimiser leur fonctionnement. Et puis, à mesure que les technologies permettaient d'améliorer l'ensemble des outils de pilotage et de gestion de la donnée, les achats pouvaient-ils être les seuls à rester à la marge, presque en attente de leurs propres solutions ? Assurément non, si l'on considère leurs besoins désormais pour assumer le rôle stratégique qui leur est dévolu en matière de pilotage de la performance de l'entreprise. Les directions des achats l'ont bien compris, et vite, puisque désormais, c'est près de la moitié des processus achats qui sont digitalisés, avec une tendance à l'accélération bien marquée (plus de 10% par an depuis 2017).
Le mouvement semble inexorable, les directions des achats seront bientôt à la pointe de la digitalisation des process et des outils. La pandémie Covid n'a d'ailleurs pas stoppé le mouvement, puisque 70% des directions achats prévoient de maintenir ou d'accroître leurs investissements dans les outils digitaux. De la même façon, les experts anticipent une augmentation de 40% du nombre d'utilisateurs des outils Procure-to-Pay et Source-to-Contract d'ici deux ans. Inutile de dire que l'irruption programmée de l'IA ne devrait là encore qu'accélérer le mouvement.
Alors face à un tel constat, comment gérer cette transformation accélérée, comment l'intégrer pour améliorer la performance des achats et au final celle de l'entreprise ? Autant de questions qui se posent aux services achats, tant il est certain que la différence pour l'adoption de ces solutions se fera certes sur l'effort d'investissement technologique mais surtout aussi sur l'humain.
Notre conviction en la matière est qu'une transformation digitale des achats, qui soit à la fois dynamique et basée sur le ROI, ne pourra se faire sans intervention humaine venant encadrer la prise en main des outils et leur suivi afin de tirer le maximum de leur potentiel.
Pourtant, impossible d'en rajouter : les acheteurs ont déjà bien (trop) de sujets à couvrir pour se consacrer à l'implémentation des outils digitaux. Alors comment faire ?
Cette situation nous évoque un sentiment de déjà vu, celle que les équipes commerciales ont connu un peu avant nous avec l'arrivée du CRM (Customer Relationship Management) et de la multiplication des outils digitaux au coeur de leurs organisations. Face au besoin d'automatiser leurs tâches routinières et de gérer efficacement les données de prospects collectées, les services commerciaux ont très vite établi le CRM comme élément moteur de leur stratégie, avant d'élargir petit à petit leur équipement digital à une multitude d'outils complémentaires.
Mais cette implémentation réussie ne s'est pas faite toute seule ! Pour que les équipes commerciales puissent se recentrer sur leurs missions et déléguer une partie de leurs opérations à des processus digitaux, une nouvelle expertise a émergé avec l'irruption du poste de Sales Ops. Il pilote désormais tous les process de ventes automatisés avec des outils qu'il connecte ensemble, en assure le suivi, gère la base de données et se porte garant de la bonne utilisation des outils. Un vrai architecte du dispositif digital des services commerciaux dont l'importance et l'utilité ne sont plus à démontrer !
Alors, face à l'avancée rapide du déploiement de nombreux outils digitaux et plateformes Saas dans les services achats, n'y a-t-il pas là aussi une opportunité à saisir en inventant, sur le modèle du Sales Ops, le poste de Procurement Ops ?
De la même façon que le commercial ne pouvait porter à lui tout seul la transformation digitale de son service, il n'est pas imaginable de faire entrer dans les missions des acheteurs la gestion de ces outils certes facilitateurs mais qui demandent une expertise particulière pour les activer de façon efficace et optimale. Dès lors, il ne s'agit pas seulement de la réinvention d'un métier, mais bien de la création d'un nouveau !
Les achats ont devant eux l'opportunité d'imaginer cette nouvelle fonction qui peut faire émerger ce chef d'orchestre d'un écosystème de différentes solutions digitales ayant pour but de les accompagner dans l'atteinte de leurs objectifs.
Mise en place de l'automatisation et optimisation des process achats (ex: sourcing), veille permanente sur les innovations, gestion de la data et création de reportings de performance, accompagnement des acheteurs sur la prise en main et de l'utilisation sur le long terme des différents outils ... autant de missions qui balisent la fiche de poste déjà bien remplie de notre futur Procurement Ops !
Gageons que les profils qui répondront par leurs qualités de management humain autant que par leur intérêt et maîtrise des outils seront des talents recherchés par toutes les Directions des achats. Il s'agit là de la garantie pour les entreprises d'une flexibilité et d'une innovation continuellement entretenues et soutenant leur ambition et leurs objectifs sur le long terme. Car ce qui est certain, c'est que les cartes du jeu digital seront toujours rebattues.
Par Julien Clouet - Fort d'une expérience de 10 ans dans le conseil en technologies, Julien Clouet fonde LittleBIG Connection en 2013 avec une principale mission : réconcilier les grandes entreprises avec les PME et freelances du conseil en IT et Ingénierie. LittleBIG Connection apporte aujourd'hui à ses utilisateurs tous les outils et services technologiques innovants pour leur permettre de travailler ensemble de façon plus simple, plus ouverte et plus transparente.
Lire, de ce même auteur: "5 conseils pour réussir sa stratégie d'externalisation d'achats de prestations intellectuelles à l'international"