ESRS, matérialité, traçabilité : les nouveaux fondamentaux de la fonction achats

Sous la pression conjuguée de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et de la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), les directions achats se retrouvent en première ligne. Reporting ESG, devoir de vigilance, traçabilité des chaînes de valeur, les attentes montent effectivement d'un cran. Mais comment structurer une gouvernance achats suffisamment robuste pour répondre à ces nouvelles exigences ? C'est là que les choses se corsent. Le cadre réglementaire évolue vite, les standards techniques comme l'ESRS (European Sustainability Reporting Standards) s'épaississent, et l'alignement entre le reporting et la stratégie fournisseurs est désormais un exercice d'équilibriste.

"Nous ne sommes pas dans une position où nous pouvons simplement nous isoler et agir à notre guise." témoigne Frédré Ferreira, Leading ESRS Non-EU Groups, Value Chain and Governance chez EFRAG, l'organisme qui conseille la Commission européenne sur ces normes. " Nous devons suivre un mandat. " Un mandat précis qui consiste à intégrer la double matérialité, pousser à la transparence, mais sans submerger les entreprises sous un flot de données.

Aligner le reporting et l'action fournisseurs : mode d'emploi en alerte

Plutôt que de chercher refuge, les directions achats vont devoir apprendre à parler le langage du reporting extra-financier. Mais il n'est pas question de tout tracer sans discernement. " Les gens se sont vraiment obsédés sur ce concept de 1 000 points de données. Est-ce que c'est 800 ? 500 ? Trop de chiffres, pointe Frédré Ferreira. Si ce n'est pas matériel, nous ne sommes pas intéressés. Et les régulateurs non plus. "

Comprendre ce qui est "matériel" devient donc la clé. Et cela implique une gouvernance structurée, capable de prioriser les enjeux dans la chaîne de valeur : émissions de Scope 3, conditions de travail chez les sous-traitants, ou encore biodiversité selon les secteurs. L'ESRS, loin d'imposer un carcan rigide, laisse aux entreprises la responsabilité de dire ce qu'elles mesurent, et pourquoi. Frédré Ferreira explique : " On ne s'intéresse pas à ce que vous n'ayez pas d'objectif pour les émissions de Scope 3. Juste, soyez transparents sur ce sujet. "

C'est tout sauf cosmétique. Derrière le reporting, il y a des choix business. Le coût du reporting ESG est une plainte récurrente. Frédré Ferreira rappelle un principe de base : " Ce qui est mesuré peut être géré. Évidemment, si vous mesurez et que vous ne rapportez pas, cela tombe sur le côté de la voie. " Le reporting, ici, sert à embarquer toute l'organisation, à structurer l'action plutôt qu'à la décorer.

Matérialité, simplification, omnibusiness : l'ère des achats stratégiques

Dans le sillage de la proposition Omnibus, et tentative de simplification des normes, l'EFRAG prépare le terrain à des ajustements. Mais les fondamentaux ne changent pas : la gouvernance doit être structurée et connectée au réel. " Les jeunes qui nous rejoignent sont très excités de travailler et de regarder ces choses. Les consommateurs commencent à demander ce genre d'information. " Ce n'est pas seulement une affaire de conformité. C'est une occasion pour les achats de muscler leur rôle stratégique.