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Quand l'impression 3D concilie performance et RSE

Depuis 2020, la direction des achats et de la logistique du Centre hospitalier universitaire de Brest mise sur l'impression 3D. En interne, les usages de cette innovation se démultiplient et sont assortis de progrès en termes de flexibilité, de RSE et de pratiques Achats.

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Quand l'impression 3D concilie performance et RSE

Au départ, cette idée d'investir dans la fabrication additive émane d'une curiosité scientifique et médicale. " Début 2020, nous avons commencé à être sollicités par des médecins désireux d'imprimer en 3D des modèles anatomiques ", se souvient Kevin Bellenger, ingénieur biomédical à la direction des Achats et des Équipements Médicaux du CHU de Brest. Trois mois plus tard, une première imprimante 3D était acquise par la direction des Achats du CHU de Brest afin de créer des moules de positionnement en médecine nucléaire ; le prix de l'imprimante, aux environs de 1000 euros HT, apparaissant moins cher que la réalisation de la prestation en externe. Dans la foulée, cette imprimante se voyait employée pour réaliser des modèles anatomiques patients à destination du chirurgien. " Il peut ainsi préparer son opération en expérimentant la procédure qu'il a envisagée, et gagner en confiance et en temps d'intervention. Il peut, de la même manière, la présenter au patient pour dédiaboliser l'intervention ".

Montée en compétences

Forte de ses avantages, la technologie d'impression 3D a ensuite été implantée pour la production de guide de coupe sur mesure en implantologie, avec une imprimante dédiée au dentaire fonctionnant avec des résines stérilisables et nécessitant un investissement de 10 K euros. Utilisée depuis quotidiennement par le service d'odontologie, elle génère 90 K euros de gains annuels. Au CHU de Brest, l'impression 3D sert également à la production de pièces détachées biomédicales jugées non critiques, qui ne sont plus disponibles sur le marché, luttant ainsi contre l'obsolescence programmée. " Nous imprimons des pièces de rechange qui permettent d'allonger la durée de vie des équipements, parfois jusqu'à trois ans ; comme dernièrement celle contenue dans la boucle de ceinture d'un harnais pédiatrique qui, n'étant plus commercialisée, nous contraignait en cas de casse, à investir dans un nouvel équipement. Avec l'imprimante 3D, nous avons pu reproduire la pièce défectueuse en une trentaine de minutes, et pour quelques centimes de matière ", rapporte Cyril Martin, directeur des Achats, de la Logistique et du Biomédical au CHU Brest. Progressivement, son usage s'est vu élargi, jusqu'à capter l'attention de tous. " Nous recevons des demandes de chaque service car ce sont des technologies qui jouissent d'une facilité d'appropriation. Récemment, c'est la blanchisserie qui a souhaité répliquer un bouchon hermétique sur-mesure. L'impression 3D a aussi servi, lors de travaux de recherche, pour concevoir des modèles d'expérimentation en thrombectomie ", détaille Kevin Bellenger. Ce changement a toutefois dû être accompagné pour venir gommer les idées reçues qui pouvaient être véhiculées en interne. " Cette technologie souffrant encore d'un déficit image, il nous a fallu acculturer les collaborateurs, en leur prouvant la qualité, la fiabilité et l'intérêt de cette approche dans le médical ".

Des gains résolument multiples

La ferme d'impression 3D du CHU de Brest, baptisée entre-temps Plateforme W.Print, compte à présent neuf modèles d'imprimantes : sept imprimantes FDM, une imprimante SLA, une imprimante Polyjet. Niveau rentabilité, " le ROI n'a jamais excédé un mois, la plupart des machines étant rentabilisée sur un seul projet ", assure Cyril Martin. Chaque année, il en découle des gains financiers, de l'ordre de 120 K euros en 2023, de 160 K euros en 2024. " Pour des pièces innovantes sur mesure, le coût de production en interne est jusqu'à cinquante fois moins élevé que si nous avions recouru à une société d'impression 3D externe. Pour les pièces récurrentes ou en grands volumes, le coût de réalisation interne est 50 à 200 fois inférieur à une pièce achetée sur catalogue ". À cela s'ajoutent des apports qui n'avaient pas été escomptés au départ. Grâce à une production interne rapide et réactive, la plateforme W.Print sécurise les approvisionnements et diminue leur impact carbone. Parmi les matières utilisées pour l'impression, 20% ont une origine biosourcée. La direction des Achats du CHU de Brest s'approvisionne par exemple auprès de l'entreprise Nanovia, installée à moins de cinquante kilomètres, qui distribue un filament renforcé de fibres de lin biosourcé et biodégradable pour l'impression 3D. La plateforme participe également au maintien du parc d'équipements du CHU de Brest, en créant des pièces en fin de support qui évitent de mettre au rebut et d'investir dans du neuf. Elle améliore les conditions de vie des agents lors de leur travail mais aussi celles de patients, notamment en situation de handicap, qui ont pu fabriquer, avec l'aide d'un ergothérapeute, du matériel en 3D qui leur simplifie le quotidien. " Cela a abouti à la création d'une communauté 3D au sein du CHU, créant une émulation collective ", se réjouit Kevin Bellenger.

Aujourd'hui, une cinquantaine d'impressions 3D est réalisée tous les mois, occupant un équivalent temps plein. Le CHU de Brest aimerait pouvoir aussi imprimer des dispositifs médicaux, dès lors que la législation se sera assouplie. " On pourrait notamment concevoir des prothèses qui répondraient parfaitement à l'anatomie du patient pour un coût entre 100 et 200 fois moins élevé que sur catalogue. Cette solution interne pourrait sécuriser les approvisionnements ; certaines références pouvant à tout moment être en rupture de stock, engendrant le report inopiné d'une intervention ", illustre Kevin Bellenger. Dans le domaine des dispositifs médicaux implantables, les gains pourraient être colossaux, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros par an...

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