Les innovations de la fonction achats, à la peine
La transformation digitale est omniprésente, quels que soient les secteurs. Les directions achats assurent que les outils technologiques sont une clé pour les projets d'avenir. Pour autant, sur le terrain, l'innovation ne coule pas de source. Zoom sur l'ampleur des défis à relever.
Je m'abonneFaire bouger les lignes dans les achats semble plus délicat qu'il n'y paraît. L'Observatoire des achats et de l'innovation vient de rendre des conclusions quelque peu surprenantes, à rebours des intentions affichées par les directeurs achats dans de nombreuses études. Il indique que l'innovation au sens large (développer l'innovation, mettre en oeuvre une politique RSE, participer au business development, réaliser des veilles) "reste encore marginalement prioritaire pour les organisations achats avec une présence de 11 % à 25 % d'une de ces missions dans les cinq premiers objectifs affichés" Il souligne aussi "une faible implication systématique des achats dans les projets d'innovation."
"La plupart des enquêtes aboutissent à une volonté d'être tourné vers l'avenir, vers le changement, mais elles s'adressent généralement aux CPO, La particularité de notre approche est d'avoir consulté les acheteurs sur le terrain. Ces derniers demandent de la conformité, de l'amélioration en termes de relations avec les fournisseurs bien plus que de l'innovation. Ce sont les directeurs achats qui mentionnent bien plus systématiquement l'innovation", précise Romaric Servajean-Hilst, professeur-associé Kedge Business School et directeur académique du MAI Executive education.
Peu d'implication dans les initiatives innovantes des entreprises
L'Observatoire révèle que plus les acheteurs sont impliqués tôt dans les projets d'innovation, plus ils sont susceptibles d'apporter de la valeur. Pour autant, les directions achats restent souvent marginalement engagées dans ce sens, au-delà de la gestion administrative des fournisseurs innovants. Seules 43% des personnes interrogées confient être "toujours impliquées" ou "la plupart du temps".
Tous les secteurs sont concernés par ces carences en matière d'innovation. "Nous avons même fait des constats très antinomiques au sein d'une même branche d'activité. Dans la grande distribution, les données remontées vont d'un extrême à l'autre. On y trouve des acheteurs qui sont restés de véritables cost killers dont les objectifs et attentes ne dépassent pas la question du prix, mais aussi des acheteurs enclins aux initiatives innovantes, en se tournant par exemple vers des fournisseurs alternatifs", ajoute Romaric Servajean-Hilst.
Pour évoluer sur ce plan, il préconise de "favoriser l'autonomie, la prise de risque et la collaboration entre les acteurs au sein d'un même écosystème. Il ne faut pas se contenter de faire ses KPI. Parallèlement, il importe que l'impulsion dans ce domaine vienne de la direction, mais celle-ci doit être relayée au sein des services, par des collaborateurs ayant un profil d'intraentrepreneur. Des sujets comme la résilience de la supply ou l'intégration de la dimension seront pris à bras le corps de cette manière."