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La « guerre folle » des acheteurs et des fournisseurs

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La « guerre folle » des acheteurs et des fournisseurs

Firmin a raccroché les gants et cède sa place à Evariste aux réparties bien placées. Seconde prise de position d'Evariste qui L'occasion de parler de la "guerre folle" entre acheteurs et leurs fournisseurs.

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Pour les férus d'histoire, la « guerre folle » a réellement existé : à la mort de Louis XI (qui ne faisait rien que d'enfermer ses ennemis dans des cages de fer, comme chacun sait), et avant l'avènement de Charles VIII, le pouvoir fut laissé en friche sous forme de régence à sa soeur Anne, au grand dam de la noblesse de l'époque... ce qui engendra une guerre intestine de quatre ans que les historiens appelèrent « la guerre folle ».

Et pourtant, on ne peut pas dire que Charles VIII, dit « l'affable », était un grand génie : c'est le seul roi de France qui est mort de s'être cogné la tête contre le linteau d'une porte, étant trop pressé d'aller d'une pièce à une autre.

Mais il faut bien le dire, toutes les périodes de changement amènent bien des remous et des « guerres folles » ! Prenons l'exemple des achats par exemple, une fonction que nous connaissons bien... Et remontons le fil de l'histoire, pas jusqu'à Charles VIII et son coup sur la tête il y a 525 ans, mais il y a encore quelques années.

En ce temps-là, la vie était plus belle et le soleil plus brillant qu'aujourd'hui : pas ou peu d'inflation, des fournisseurs en veux-tu en voilà, des capacités de production excédentaires, des matières premières abondantes ou peu chères, des coûts d'énergie très aimablement modérés par l'ARENH, la Chine « usine du monde » (sic)... Autant dire qu'on était dans un marché d'acheteurs, et que certains d'entre nous auraient presque pu caresser le fantasme, tel Louis XI, d'enfermer leurs fournisseurs récalcitrants dans des petites cages en fer.

Alors, bien sûr, on parlait déjà d'achats responsables, de « partenariats », de clauses « win-win », mais qui tournaient parfois au grandguignolesque. Dans certains cas peu reluisants, « un bon partenaire était un partenaire mort ». Au final, avec 5000 ETI en France (contre plus du double en Allemagne), être acheteur dans un grand groupe, c'était plutôt cool. On pouvait même donner doctement des « leçons de productivité » aux fournisseurs, bien forcés de les écouter, sinon gare !

Mais depuis : le roi est mort, vive le roi ! Et la « guerre folle » de quatre ans (au moins) entre acheteurs et fournisseurs a commencé. L'énergie : comptez au moins 3 fois plus, messire acheteur. Les matières premières : soyez déjà bien heureux qu'on vous les fournisse séant. La Chine : eh non, ce n'est pas une usine, mais plutôt Maître Renard... Vos « leçons de productivité » ? N'hésitez pas à nous les reprodiguer à l'occasion, mais une fois que vous aurez signé nos hausses de prix, ô joyeux troubadours des achats. Et vos retards de paiement ? Pas bien ça, depuis le temps qu'on vous le disait, vous allez finir à l'estrapade si ça continue comme ça.

Alors, certains acheteurs ont fait les gros yeux : comment, quoi donc, en voilà des « fournisseurs profiteurs » ! Attention à vous manants, gare à la petite cage en fer ! De la même manière qu'en 1483 à la mort de Louis XI, l'annonce de sa mort n'était peut-être pas parvenue dans toutes les provinces, certains pensaient sans doute s'en sortir comme ça...

Nos coûts d'énergie augmentent ? Il n'y a qu'à virer l'acheteur et le remplacer, c'est forcément qu'il n'est pas bon (on n'a jamais vu autant d'annonces de recrutement d'acheteurs d'énergie que ces derniers mois). Plus de semi-conducteurs ? Il n'y a qu'à faire un vilain courrier signé du directeur des achats, et tout va rentrer dans l'ordre. Les prix augmentent ? C'est qu'on n'a pas bien décomposé les coûts, il n'y a qu'à le refaire une seconde fois, ça va aller mieux.

Les matières premières ne sont pas disponibles ? C'est la faute à pas de chance, c'est cyclique (ah ça, c'est ben vrai). Les transports augmentent ? On n'a qu'à envoyer les transporteurs se faire voir, stocker nos produits (par exemple dans un aérodrome désaffecté, pour un grand industriel dont on taira le nom par courtoisie), et ils vont revenir vers nous ventre à terre (ah ah ah, la bonne blague).

Mais les fournisseurs ont la tête dure, eux : pas question de se laisser cogner la tête sur des linteaux de portes : mine de rien, sinon c'est eux qui vont y rester. Alors, au bout d'un moment, il a bien fallu que les acheteurs aillent annoncer la nouvelle : le roi était mort, on venait de passer à la régence.

Par un édit spécial promulgué en place de grève, il fut donc décidé de s'occuper de nouveau sérieusement des relations fournisseurs : parlons création de valeur, innovation, écosystème, relocalisation (dont on voit assez peu la couleur, et pour cause !), voire osons nous acoquiner avec nos frères ennemis de la supply chain.

Mais les vieux réflexes ont la vie dure : dans la plupart des enquêtes et « baromètres » achats de tout poil, qui interroge-t-on encore ? Pas trop les fournisseurs ou les clients internes, plutôt toujours les acheteurs. À la guerre (comme à la « guerre folle »), bien connaître le terrain est d'une aide précieuse. Les fournisseurs sont sur les collines, les acheteurs dans les plaines. Alors, si on élargissait un peu le champ de vision à l'avenir ?

 
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