[Tribune] Les achats, une fonction désormais mature
En trois décennies, la fonction achats s'est structurée et professionnalisée pour répondre aux nouveaux enjeux principalement liés à la mondialisation des échanges et à la multiplication des acteurs. La démocratisation des outils a contribué à cette montée en maturité.
Je m'abonneMaîtrise des consommations, sécurisation des ressources, contrôle des coûts, innovation, etc. : tous ces défis, renforcés par un contexte économique toujours tendu, placent les équipes achats en première ligne des agents d'efficacité et de compétitivité de l'entreprise. Et leur confèrent un rôle déterminant dans son fonctionnement et sa quête de performance, avec pour conséquence une montée en puissance de la fonction dans l'organisation. Pour atteindre ce rang, une lente évolution a dû s'opérer.
L'évolution de la fonction achats
Longtemps, la fonction achats a été perçue comme une activité essentiellement administrative, consistant pour une large part à passer les commandes aux fournisseurs et à négocier avec peu de discernement. Bien que les plans d'économie restent encore parmi les premières missions de la fonction, les équipes achats prennent désormais en compte une approche plus globale de la valeur ajoutée des produits et des services, selon une logique de coût total : de l'acquisition au renouvellement, en tenant compte des risques, des problèmes de qualité, des objectifs en termes de responsabilité sociétale et environnementale etc.
De même, le travail d'acheteur a parfois été considéré comme une fonction nécessitant peu de compétences particulières et de qualification. Le nombre croissant de formations spécialisées au niveau master et le profil toujours plus diplômé des professionnels occupant le poste démontrent aujourd'hui le contraire. Enfin, dans les organisations décentralisées, les directions opérationnelles ont longtemps reproché aux achats d'être déconnectés du terrain en restant dans leur "tour d'ivoire" et prenant des décisions en central. Aujourd'hui, ce temps est révolu : les acheteurs voyagent désormais à travers le monde et dialoguent en continu avec les prescripteurs, les clients finaux, les fournisseurs.
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Direction des achats, direction stratégique
Dans son rôle, la direction des achats a rapidement évolué du statut de service d'approvisionnement pour les achats de production, généralement intégré à la direction administrative et financière, à celui de fonction stratégique, aux capacités élevées d'analyse et force de proposition. L'acheteur est devenu un professionnel, se délestant progressivement des missions dévolues aux approvisionneurs et se spécialisant de plus en plus par famille de produits ou services afin d'être au plus proche des préoccupations de leurs clients internes.
Dans le même temps, pour accompagner les équipes dans leurs missions, la direction des achats des grands groupes a intégré ses propres fonctions supports : système d'information, ressources humaines, contrôle de gestion, etc. Parallèlement, les formations au management des achats se sont développées : elles sont aujourd'hui dispensées dans les grandes écoles de commerce et d'ingénieurs, dans les universités et dans des établissements dédiés. Un écosystème d'organisations professionnelles favorisant les échanges et l'émergence de communautés d'acheteurs s'est également mis en place au fil des années.
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La valeur ajoutée de l'acheteur
Le métier d'acheteur s'est lui-même transformé. Au-delà des missions de base, sa valeur ajoutée réside désormais dans la coordination transverse des différents acteurs intervenant dans le processus d'achat et d'approvisionnement, de l'émergence du besoin à sa qualification, la recherche de solutions, l'analyse des marchés fournisseurs etc. Cette nécessaire transversalité a transformé les acheteurs en managers et chefs de projet, à même de piloter des équipes pluridisciplinaires et de gérer les relations avec leurs clients internes et avec les fournisseurs. Ils doivent dès lors être capables de travailler en interaction avec toutes les fonctions de l'entreprise et de largement communiquer, pour partager l'information et promouvoir la fonction.
L'acheteur devient aussi un chasseur d'innovation, par la veille, l'écoute du marché et la recherche de solutions créatives : nouveaux modèles économiques, co-développement avec les fournisseurs, partenariats achats/ventes, etc. Dans le cadre de cette évolution, il doit enfin avoir une réelle sensibilité aux nouvelles technologies, pour gagner en performance achats mais aussi se mettre au niveau de ses interlocuteurs. Par la transversalité et le rôle central de la fonction, l'acheteur doit devenir un facilitateur de l'innovation et de la transformation digitale de l'entreprise.
Par Bertrand Gabriel, directeur d'Acxias, et Thierry Parisot, analyste solutions
Acxias est un cabinet de conseil spécialisé dans la digitalisation des achats, des approvisionnements et de la comptabilité fournisseurs.
(*) Cette tribune s'appuie sur "La Digitalisation des Achats - Enjeux, bonnes pratiques et référentiel des solutions", ouvrage publié fin 2016 par Acxias. Plus d'informations sur : http://acxias.com/ressources/livre-la-digitalisation-des-achats