"Le pilotage de l'innovation est une mission majeure des achats"
Comment sourcer l'innovation ? Plus que du sourcing classique, identifier, capter et par la suite piloter l'innovation fournisseur est un challenge important pour la fonction achat. L'éclairage d'Antoine Perrin, directeur stratégie et innovation achats chez Schneider Electric.
Je m'abonne> Pour rester compétitive une entreprise doit innover en permanence - pourquoi est-ce particulièrement vrai pour Schneider Electric?
Schneider Electric est leader mondial en matière d'efficacité énergétique et d'automatismes sur tous types de marché que ce soit à l'échelle d'une ville, d'un bâtiment, d'un site industriel ou d'un centre de traitement de données. Sur la chaîne de valeur nous intervenons entre la centrale qui fabrique l'électricité et le produit qui la consomme avec pour objectif d'apporter des solutions de management de l'électricité pour la rendre toujours plus fiable, plus sûre, en laissant la plus petite empreinte écologique. C'est donc un secteur qui combine des technologies informatiques et des produits tels des transformateurs électromagnétiques ce qui implique des innovations matériaux, de l'IoT, etc. Le besoin d'innover est majeur. Comme le fait un constructeur automobile qui achète ses pièces pour ensuite les assembler, nous achetons les produits et les technologies de base avant de les assembler chez nous. Les achats ont donc une part importante de la gestion du chiffre d'affaires et doivent absolument capter et piloter l'innovation.
> Comment allez-vous "chercher" l'innovation chez vos fournisseurs?
La direction stratégie et innovation achats qui rapporte directement à la direction achats groupe a pour mission de piloter la stratégie de la transformation achats au service des enjeux du groupe et en particulier de l'innovation. C'est en adoptant une logique d'innovation ouverte que l'on se met en mesure d'aller chercher l'innovation chez nos fournisseurs. On se met à l'écoute des fournisseurs mais il ne s'agit pas que de sourcing. Nous souhaitons qu'ils soient eux-mêmes proactifs. Pour cela à nous de leur expliquer clairement ce que nous attendons. Une vraie collaboration se met en place en amont pour qu'un fournisseur puisse répondre correctement notre besoin. De notre côté, nous devons relever le challenge d'ouvrir les portes de l'information, de leur côté, ils sont challengés sur leur capacité d'innovation que nous mesurons en évaluant notamment le nombre d'"innovations adoptées" chaque année. Mon travail est de créer une passerelle entre l'innovation fournisseur et le besoin de l'entreprise.
> C'est donc une collaboration challengée qui s'établit... sur quels critères d'évaluation?
Il nous faut évaluer comment une innovation peut s'adapter à notre activité et à nos contraintes internes. Pour cela nous avons donc mis un processus d'évaluation en place avec des critères de qualité, de fiabilité, de sécurité et de coûts bien sûr mais aussi un critère d'évaluation de la capacité d'innover tout au long de l'année. Les équipes achats avec les équipes R&D mesurent le nombre d'innovations proposées, le rythme auquel elles sont proposées, le nombre d'innovations adoptées, etc. Cette évaluation nous la restituons en feedback au fournisseur pour nourrir la collaboration et le processus d'amélioration continue. On applique cette stratégie d'innovation avec nos fournisseurs stratégiques, ceux avec lesquels nous travaillons régulièrement. Nous avons une palette de fournisseurs souvent leaders sur leur marché. Mais l'innovation ne vient pas seulement de ces grands groupes. L'innovation est aussi dans les PME et les start-up!
> Justement comment travaillez-vous avec les start-up? Y a-t-il une procédure particulière en place?
Nous avons mis en place une initiative start-up ce qui nous permet d'adapter nos process achats et de monter une collaboration sur un projet donné avec une start-up. Par le biais d'un contrat de développement avec des dispositions spécifiques nous pouvons ainsi aider une start-up à développer son projet. Nos processus de travail sont bien sûr adapté, les audits fournisseurs par exemple sont bien évidemment différents, nous sommes moins exigeants sur les délais de paiement mais a contrario nous veillerons à nous assurer du risque de pérennité par exemple. La vitesse d'exécution étant importante nous avons accéléré les cycles de contractualisation pour une mise en contrat rapide avec le client interne.
> Quel est le rythme d'innovation chez Schneider Electric grâce à cette stratégie spécifique?
Nous enregistrons environs 100 innovations adoptées par an tous types de fournisseurs confondus, ce qui représente deux innovations par semaine. Il faudra compter 3, 4, 6 mois Ces innovations rentrent dans nos portefeuilles client qu'il faudra 3, 4, 6 mois pour certaines innovations, jusqu'à 1 an ou 2 pour d'autres avant qu'elles soient réellement au portefeuille. Parmi cette centaine d'innovations annuelles une vingtaine environ provient de start-ups ou très petites entreprises françaises, américaines ou d'autres pays européens ou asiatique. Mais on peut saluer le dynamisme de la France en matière d'innovation.