Comment réindustrialiser la France de façon durable
La relocalisation, ainsi que le développement industriel national en phase avec les réalités et les enjeux futurs, occuperont une large place durant le nouveau quinquennat d'Emmanuel Macron. Zoom sur des recommandations concrètes, vues comme des leviers indispensables.
Je m'abonneLa crise du covid-19 a agi comme un catalyseur quant à la prise de conscience des limites de la dépendance industrielle internationale. Les problèmes d'approvisionnement qui s'en sont suivis ont été encore renforcés par les rebonds économiques à plusieurs vitesses et la guerre russo-ukrainienne. Résultat : de nombreux achats ne peuvent plus être garantis, alors même que le choix des fournisseurs en accord avec les politiques RSE devient un incontournable.
Au-delà des solutions de court terme pour réorienter les flux d'approvisionnement, le mot d'ordre est désormais la réindustrialisation de la France. Un des fers de lance du député Gilles Leseul, également rapporteur de la commission d'enquête sur la désindustrialisation. Au cours d'une matinée organisée à Paris le 17 mai dernier, il a présenté les grandes lignes des recommandations envisageables et nécessaires pour redynamiser l'industrie dans l'Hexagone.
La part de l'industrie française dans le PIB a décliné de façon continue depuis plusieurs décennies. Elle représente aujourd'hui 13,5 %, contre 15,5 % dans la moyenne européenne. Le creusement du déficit commercial, qui vient d'atteindre 100 milliards d'euros, témoigne de cette évolution. Gilles Leseul cite l'exemple de l'industrie pharmaceutique « où nous sommes passés progressivement en 3ème, puis en 5ème et 6ème position, là où l'Italie ou les Pays-Bas se maintiennent de façon intéressante face à la concurrence asiatique. »
Les clés de la reconquête industrielle
« Bien sûr qu'il faut à nouveau produire des produits de base essentiels comme le paracétamol au sein de nos frontières », poursuit-il de façon concrète. Parmi les grandes préconisations avancées se trouve le soutien de la recherche, à la fois par l'Etat et par les entreprises elles-mêmes.
La France consacre 2,3 % du PIB aux activités de R&D, contre 2,9 % en Allemagne. Rappelons que le seuil minimal demandé par l'Union européenne en la matière est de 3 %. Gilles Leseul pointe notamment du doigt « certaines politiques incohérentes, comme celle du groupe Sanofi, qui s'est récemment distingué par son incapacité à produire à vaccin, alors que 400 chercheurs avaient été licenciés. »
La montée en gamme des positionnements industriels se présente comme une des solutions viables à long terme, car « on ne concurrencera jamais des entreprises asiatiques sur leur propre terrain », ajoute-t-il. Le soutien à un « label France » comme gage de qualité et de savoir-faire est d'ores et déjà mis sur pied, à l'image d'initiatives comme celles de l'association Origine France Garantie, jugées déterminantes pour soutenir à une large échelle les productions industrielles dans l'Hexagone.
Il s'agit aussi de conditionner différemment le crédit d'impôt recherche. A l'heure actuelle, ce sont les grands groupes qui en bénéficient le plus, le dispositif étant basé sur un pourcentage des dépenses de R&D effectuées. Pour Gilles Leseul, « il doit davantage profiter aux PME. C'est aussi un critère pour que celles-ci puissent devenir des ETI. » A noter que le soutien à la robotisation est mentionné comme l'un des axes majeurs d'investissements R&D en faveur de la performance industrielle de demain.
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Rassembler toutes les catégories d'acteurs
Parmi les recommandations à envisager pour une nouvelle politique industrielle constructive, le volet social et écoresponsable tient une place de choix. L'intégration de tous les corps intermédiaires (chambres consulaires, syndicats...) aux discussions est décrite comme une étape essentielle pour intéresser tous les acteurs à cette démarche de réindustrialisation. La réintroduction de clauses sociales et environnementales dans les contrats au sein du marché européen est également une des solutions préconisées pour subir le moins possible la concurrence d'autres continents.
« Une loi de programmation, orchestrée par le ministère de l'industrie, est à définir. Les plans d'action qui en découleront doivent aussi permettre de réorganiser des filières pour lever des incohérences manifestes. Par exemple dans la filière Bois, 80 % du chêne produit en France est exporté, alors que nous en avons besoin en grande quantité », illustre Gilles Leseul.
Il s'agit aussi d'impliquer au maximum les citoyens dans cette nouvelle dynamique, en réconciliant les employés avec leurs employeurs, en rapprochant les intérêts. « Dans les grandes entreprises, 30 % des places dans des conseils d'administration devraient être réservées à des salariés. En Allemagne, l'implication des employés dans les conseils d'administration est en vigueur depuis longtemps », ajoute-t-il. Une autre proposition allant dans le même sens concerne la possibilité donnée au Français de bénéficier de placements d'épargne dédiés à l'essor de l'industrie nationale, sur le modèle du codevi par le passé.