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Acheteurs, prenez en main les fusions-acquisitions !

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Acheteurs, prenez en main les fusions-acquisitions !

Si les acquisitions de sociétés ne sont pas des achats comme les autres, la direction des achats a cependant un rôle à jouer. Lors de l'intégration de l'entité acquise, bien évidemment, mais aussi en amont, afin d'aider à évaluer le prix d'acquisition.

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Qu'est-ce qu'une acquisition réussie ? Celle qui fait intervenir l'ensemble des directions de l'entreprise ! Elles doivent en effet être toutes concertées afin de donner leur avis sur l'acquisition envisagée et les avantages et problématiques que celle-ci lèverait à leur niveau. Les acquisitions ne doivent pas être la chasse gardée de la direction générale et financière. Comme le constate Édouard Bitton, associé au sein de Strategy&, l'entité de conseil en stratégie de PwC et spécialisé dans le conseil en Deals, "lorsqu'un deal démarre, le directeur M&A fait désormais de plus en plus appel aux équipes opérationnelles afin d'anticiper les risques, de challenger les dépenses, et surtout déterminer des leviers de création de valeur inhérente à l'opération. Les opérationnels sont donc impliqués en amont de la signature de l'opération, pendant la phase de due diligence".

Parmi les opérationnels impliqués : la direction des achats, évidemment. Notamment parce que, lors du rapprochement de deux groupes, les synergies possibles au niveau des achats sont importantes et rapides à activer. Xavier Nouguès, associé chez Oliver Wyman, estime que, lors d'une fusion-acquisition, les achats représentent entre 25 et 50 % de la valeur créée les deux premières années. "Il s'agit d'un levier d'optimisation des coûts peu sensible, puisqu'il ne touche pas aux ressources humaines, et sûr. La première année, il est possible de capturer jusqu'à 65 % de ce levier", précise-t-il.

Déterminer le montant de l'offre

L'ensemble des acteurs interrogés se rejoignent sur cette synergie des achats lors des fusions-acquisitions, éminemment importante. "Lors d'une fusion, une partie de la création de valeurs est due aux synergies, dont les synergies achats", précise Luc Minguet, directeur des fusions-acquisitions du groupe Michelin et ancien directeur achats du groupe. L'acquisition de Fenner par le groupe Michelin devrait d'ailleurs permettre de réaliser une synergie des achats estimée à 30 millions de livres.

Mais pour bien tirer parti des synergies achats, il est important d'impliquer la direction achats dès l'amont de l'acquisition. "J'implique, sous le sceau de la confidentialité totale, certaines personnes en mesure d'évaluer quelles seront les synergies achats possibles. Cela est très important pour déterminer au plus juste le montant de l'offre que l'on souhaite formuler", raconte Luc Minguet. Faire intervenir les achats en amont permet aussi de commencer à préparer la période de post-acquisition. "Les entreprises qui font beaucoup d'acquisitions mobilisent en amont la fonction achats afin de chiffrer les synergies potentielles, mais aussi de mettre en place une organisation agile, immédiatement après la fusion, afin de libérer rapidement des synergies", observe Xavier Nouguès.

Si les entreprises semblent de plus en plus conscientes de la nécessité d'impliquer les opérationnels en amont d'une acquisition, les directeurs achats ne doivent pas hésiter à s'imposer, à demander à être consultés le plus tôt possible. En mettant en avant cet argument du juste prix, mais aussi en arguant de leur expertise au niveau des achats, qu'eux seuls possèdent au sein de l'entreprise. "Il faut savoir lire un tableau de bord de contrôle de gestion achats. Les financiers peuvent en effet mal interpréter les méthodes de reporting achat", estime Isabelle Carradine, directrice responsable du conseil achats chez PwC. Et de poursuivre : "Au-delà des synergies, des gains sont possibles en matière de performance des achats. Ainsi, il ne faut pas regarder que les données chiffrées et les contrats fournisseurs, mais aussi l'organisation et les pratiques achats de la société cible", conseille-t-elle. Le directeur achats doit imaginer ce que sera le post-deal en se rapprochant le plus près possible de la réalité, en fonction des informations dont il dispose.

Un rôle important lors de l'intégration

Axens a fait l'acquisition l'année dernière de la société Heurtey Petrochem. Une opération dans laquelle Alain Lecarpentier, le directeur achats, a joué un grand rôle. Surtout lors de la phase d'intégration : synergie des interfaces, création de nouvelles entités, répartition des responsabilités en termes de dossiers achats, etc. Des tâches qui ne furent pas sans difficulté.

"Nous avons tout d'abord dû nous mettre d'accord sur la définition des achats. D'une entreprise à l'autre, ce terme ne signifie pas la même chose. Il y a une question de culture d'entreprise", constate le directeur achats. Les méthodes et process ont également dû être définis, afin que tout le monde adopte la même façon de faire. Enfin, pour organiser les synergies, Alain Lecarpentier s'est assuré que les données d'Axens et de Heurtey Petrochem soient bien comparables, les segments d'achat n'étant pas les mêmes avant la fusion. Si le rôle du directeur achats et de ses équipes a donc été primordial lors de cette acquisition, Alain Lecarpentier regrette de n'avoir été sollicité que pour l'intégration, une fois l'opération réalisée. "L'acquisition, c'est de l'achat. Or on considère que c'est avant tout financier. Les directions achat pourraient pourtant apporter leur expérience, fournir des éléments de négociation", pense Alain Lecarpentier.

Tirer parti des fusions

En amont de l'acquisition, le directeur achats va également être en mesure d'identifier les risques possibles. Hassan Alami, associé EY à la tête du département Operationnal Transaction Service, invite à faire attention aux contrats. "Il existe souvent des clauses de changement de contrôle : suite à l'acquisition, les conditions sont remises à plat et le fournisseur peut en profiter pour proposer des conditions moins favorables ou encore augmenter ses tarifs". Un risque à prendre en compte lors de son évaluation des synergies.

Édouard Bitton pointe également les risques liés à des déséconomies d'échelle en cas de cession par un grand groupe d'une de ses filiales. "En sus des analyses opérationnelles et financières sur les achats, la partie juridique est très importante pour évaluer les risques contractuels, pointe-t-il. Il faut trouver les moyens de ne pas être trop impacté par une sortie du groupe, en mettant par exemple en place des contrats de supply avec le vendeur sur les catégories les plus à risque".

Cette analyse des risques ne doit pas être négligée. Ni la phase post-acquisition, lorsque les achats mettent en oeuvre toutes les synergies possibles. Car c'est l'occasion de montrer, chiffres à l'appui, la valeur ajoutée des achats. Xavier Nouguès conseille de profiter de la lumière faite sur les achats à ce moment-là pour gagner en maturité : "C'est le moment d'ajuster le dimensionnement et de se doter des meilleurs profils possibles", avance-t-il. Et pourquoi ne pas également profiter de l'occasion pour se doter d'outils plus performants ? La direction achats doit également saisir l'opportunité de revoir ses processus, en confrontant ceux de son entreprise avec ceux de l'entreprise rachetée. "Il ne faut pas effacer tout ce qu'a fait la cible. Il y a au contraire de bonnes pratiques à récupérer", estime Marc Ferrey, directeur associé EY et spécialiste en performance des opérations.

Une acquisition est donc une étape importante dans la vie des directions achats : c'est le moment de prouver son importance, mais aussi de se transformer. Et qui sait d'acquérir une position stratégique dans les acquisitions à venir ? D'après Luc Minguet, "les achats peuvent également avoir un rôle d'apporteur d'affaires et conseiller d'acheter un fournisseur par exemple, pour sécuriser les approvisionnements ou en raison d'une technologie particulièrement innovante". À vous de jouer !

Géraldine Olivier, artisan du rapprochement Fnac-Darty

"Le rôle des achats était crucial dans le rapprochement Fnac Darty, déclare Géraldine Olivier, directrice des achats indirects de Fnac Darty. Et il l'est encore !" Il existe en effet de nombreuses synergies entre les deux entreprises au niveau des achats indirects. Géraldine Olivier les avaient chiffrées en amont de la fusion : il n'y avait pas de data room pour étudier les gros contrats de Darty, mais connaissant bien son périmètre, elle avait pu émettre des hypothèses. "Une fois que la fusion a été officialisée, j'ai pu échanger avec les personnes de Darty, ouvrir les livres... Et confirmer mes hypothèses", rapporte-t-elle.
Des hypothèses qui se sont transformées en un plan chiffré que son équipe et les opérationnels se sont ensuite attelés à mettre en oeuvre. Premier chantier : les fournisseurs communs aux deux entités et réalisant les mêmes prestations. "Elles ont été négociées et mises en oeuvre en 6 à 9 mois, précise Géraldine Olivier. Sont venues ensuite les autres synergies, nécessitant une mise en commun de process ou dont les contrats avaient des échéances différentes et plus lointaines. Elles se sont étalées sur 2/3 ans", ajoute Géraldine Olivier.

Autre chantier : organiser la direction des achats indirects du groupe Fnac Darty, issues des deux entités Fnac et Darty. "Dans un premier temps, afin de faciliter la prise en main des deux périmètres Fnac et Darty, le choix a été fait de travailler par binômes : un acheteur côté Fnac travaillait avec un acheteur côté Darty. Ce qui a permis de rapidement mettre en place les synergies possibles, sans attendre une organisation plus stable", explique la directrice des achats indirects. Désormais, les binômes ont disparu : l'organisation définitive est en place avec un acheteur par catégories d'achat. Et les synergies continuent : "Certains sujets n'ont pas pu être adressés à cause de la date de fin des contrats. Il reste par ailleurs plein de petits sujets puisque nous nous sommes occupés des axes d'économies les plus importants au début", rapporte la directrice achats.


 
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