Achats agiles: révolution ou effet de mode?
Si la méthode agile, qui répond au besoin de "test & learn" des entreprises, est déjà bien installée sur les achats informatiques, il y a fort à parier qu'elle va petit à petit gagner d'autres catégories puisque "de plus en plus d'achats embarquent du digital".
Je m'abonne"Achats agiles, révolution ou effet de mode" est le thème de l'une des conférences proposées sur le Salon des achats et de l'environnement de travail et qui a réuni trois décideurs achats: Sylvie Noel, CPO de Covea, Franck Douau, Deputy Director General Services chez LVMH, et Raphaël Belliere, directeur des achats digitaux, informatiques & prestations intellectuelles chez Suez. Et s'il ne s'agit pas d'une révolution, c'est une tendance de fonds qui a déjà bien gagné les achats IT et qui devrait se propager à d'autres catégories d'achats.
Voir notre [Fiche pratique] La contractualisation agile : pourquoi, comment ?, cliquer ici.
Très utilisée dans le monde des achats informatiques, la méthode agile est une technique itérative et collaborative, sur le mode du "test & learn,"qui veut permettre de prendre en compte les besoins initiaux des clients internes et leurs évolutions. "C'est démarrer un projet avant d'avoir établi le cahier des charges", a souligne Franck Douau, en ayant toutefois bien en vu l'objectif final, comme l'a souligné Raphael Belliere: "le résultat escompté est préalablement défini mais il va évoluer au fur et a mesure de sa co-construction. On est sur une démarche fonctionnelle qui permet d'atteindre l'objectif fixé".
Et le roi de la méthode agile est le POC qui permet de voir très vite si les idées mises sur papier vont pouvoir réellement s'appliquer dans la réalité. "Nos clients ont de plus envie de tester des choses sur le mode agile; ils sont vraiment en demande", confirme Amine Aloulou, business development director de Wevioo,cabinet qui accompagne ses clients dans leurs projets de transformation digitale (consulting, digital et IOT).
La méthode agile suppose une approche des risques différentes
Mais.... "Laisser la porte ouverte sur l'expression des besoins peut amener des dérives", a glissé Franck Douau. Et il existe deux risques majeurs à cette pratique: le dépassement du temps imparti et le dépassement du budget, voire même "parfois, de ne pas parvenir à l'objectif défini. Il est donc important de savoir arrêter le POC au bon moment", a commenté Raphaël Belliere. Il faut aussi savoir renoncer, a bien souligné Franck Douau, après analyse de la valeur.
Mieux vaut également creuser la question de la propriété intellectuelle en amont. "A partir du moment où l'on coconstruit, il faut délimiter cette question, dès le départ, dans un contrat spécifique, avec une approche spécifique", a souligné Sylvie Noel. D'ailleurs, souligne cette dernière, c'est aussi pour limiter les risques sur ce point que "les acheteurs doivent être impliqués dès la phase amont du projet. Dès qu'une direction métier exprimer le souhait d'initier un POC, il convient d'impliquer les achats et le juridique pour s'assurer d'une performance globale."
Et, dernière mise en garde de nos décideurs, mieux vaut être formé à la méthode agile avant de se lancer et vérifier que les fournisseurs que l'on sollicite maîtrisent la méthode. "Il y a des procédés et une certification associée", a pointé Raphael Belliere, soulignant que l'acheteur devra ensuite "trouver sa place dans le processus". Sa capacité à faire de la gestion de projets fera assurément toute la différence: "Il va devoir encadrer la démarche et faire preuve d'ouverture d'esprit. Il doit identifier les bons interlocuteurs, être le garant du processus, des risques, opérer les bons choix en termes de souches technologiques, etc. Il a un rôle" de qualification, de cadrage et de suivi." Sans parler du fait qu'il devra "s'assurer que le fournisseur qui sera potentiellement retenu, pourra être conservé" au regard de la loi Sapin, comme l'a souligné Sylvie Noel.
Au delà des achats informatiques?
Mais... la méthode agile est-elle utilisée pour des achats autres qu'informatiques? Oui, pour Covea, a expliqué Sylvie Noel. "C'est une dimension qui se développe beaucoup pour élaborer des solutions métier. Nous apportons ainsi des réponses rapides aux besoins métiers." Et de préciser que les équipes travaillent alors en mode collaboratif: "nous constituons des groupes de travail avec des représentants des métiers, des achats, du juridique et de la finance. Nous constituons un écosystème. Pour les achats, ce mode de travail change vraiment la donne et modifie en profondeur la façon de raisonner". Mieux, la méthode agile permet de s'ouvrir d'autres horizons: "on peut faire évoluer les fonctionnalités et se rendre compte que l'on peut adresser d'autres périmètres que ceux définis en amont." Et si Franck Douau pense que d'autres catégories d'achats pourraient s'y prêter, lui ne s'y est pas encore frotté. Mais l'évidence est que "de plus en plus d'achats embarquent du digital"...
Pour Raphael Belliere, il est clair que la méthode agile, ou d'autres approches de "design collaboratif", -"telle l'idéation, le design thinking ou le lean startup" qui sont des méthodes de co-construction basées sur la créativité, et l'itération; qui consistent à définir ce que l'on doit produire à partir de la valeur recherchée par le client, dans une démarche collaborative" - qui remet "le facteur humain à sa place", va "s'inscrire durablement dans nos fonctionnements". Car elle n'est, au final que la traduction du rôle attendu de l'acheteur: chef d'orchestre qui va chercher des compétences, créer du lien et obtenir un résultat qui apporte de la valeur à son entreprise. "La relation de demain consistera à piloter un écosystème avec des acteurs internes et externes", ont largement souligné nos trois décideurs achats.
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