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[Tribune] La solitude du confiné : être ou ne pas être, telle est l'équation

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[Tribune] La solitude du confiné : être ou ne pas être, telle est l'équation
© copyright by Oliver Boehmer - bluedesign®

La crise du coronavirus a profondément modifié l'organisation du travail et notre rapport à l'autre. L'isolement forcé est venu plonger les managers dans une solitude à double tranchant : elle révèle leur leadership autant qu'elle les prive d'un débat constructif avec leurs collaborateurs.

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Le blues du businessman porte un nom : le confinement. L'épidémie actuelle a fait des femmes et des hommes en entreprise des Robinsons à l'affût du réseau pour se sentir moins seuls sur leur île. Après cinq semaines d'isolement forcé, passées les premières sueurs, le défi technique du télétravail, la réinvention des codes sociaux et des process opérationnels, vient déjà l'heure du manque et des regrets qui vont avec. Celui de perdre la spontanéité des bureaux, de s'épuiser dans des visioconférences collectives et de ne plus avoir le temps pour des one to one qui créaient des liens vrais et privilégiés.

C'est l'autre, et notamment du regard de l'autre, dont nous prive le covid-19.

Même si l'on se concerte encore et que la technologie nous permet de ne pas totalement nous perdre de vue, le confinement a éteint toutes les subtilités du jeu humain. Privé des signaux et des outils sensoriels qui nous permettent de décrypter les situations, il devient difficile de comprendre les non-dits, de trouver ses alliés, de mesurer les réticences. Sur ce nouvel échiquier virtuel, le référentiel sur lequel s'appuyer pour affiner son jugement ou lever les doutes, a disparu. Les visios sont devenues le temps de l'opérationnel et permettent rarement de récolter des points de vue authentiques des uns et des autres.

Conséquence : les managers sont plus seuls que jamais dans leur prise de décision.

Ils ne peuvent plus débattre sur un coin de table avec un collègue, ni réellement les sonder pour estimer si la décision qu'ils prennent est bonne ou non.

Pour certains, c'est l'occasion de retrouver une position perdue, l'heure de s'affirmer en leader, de prouver qu'ils font des choix judicieux, de retrouver toute leur autorité, au sens premier du terme, c'est-à-dire au sens d'être " l'auteur de ses décisions ".

Mais pour d'autres, ce nouveau paradigme crée des angoisses nouvelles tant on a perdu l'habitude de trancher seul au sein des organisations. Aujourd'hui, il n'est pas rare de se cacher derrière des haies de personnes décisionnaires, de s'intégrer à des cordillères de décision pour diluer sa responsabilité, ou l'impact d'une évaluation négative sur un projet que l'on porte.

Alors que les chaînes de débat ont été sectionnées par le confinement, que la parole libre et la critique féconde, sources d'émulation, s'étiolent, il est plus difficile d'être conforté et parfois même adoubé. En somme, il est plus difficile de tenir son rôle.

Et, si en Occident, la solitude possède une dimension métaphysique, si l'on a tendance à considérer qu'elle est le lieu où l'on éprouve sa propre valeur, où l'on cherche la vérité, où l'on se pose enfin les bonnes questions, la crise sanitaire pointe aujourd'hui les limites de ses bienfaits.

C'est peut-être l'un des grands enseignements du confinement : la preuve que la solitude à haute dose est une diminution et non une augmentation de soi-même. Parce qu'elle crée une faille qui nous éloigne des autres. Et qu'elle nous rappelle que le corps s'enchante avec l'autre, qu'il est le véhicule des émotions, une courroie de transmission avec le monde. C'est dans l'échange avec l'autre que je sais qui je suis, que je connais mes limites, que je suis reconnu et qu'au bout du compte, je me retrouve moi-même.

Séparé des autres, on est séparé de soi. On se perd. Et en se perdant, on ne se sent plus légitime d'agir. C'est un cercle vicieux que seule la médiation permet de briser. Créer une médiation des relations, voici la clé pour se trouver soi-même à l'heure du télétravail imposé. Pour éviter de douter, recréer du lien, de l'authenticité et prendre des décisions éclairées.

Pour en savoir plus

Elsa Cuisinier, directrice générale de Colombus Consulting et fondatrice de Backstage 360


 
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