[Tribune] L'écosystème des solutions digitales achats, en pleine effervescence
La centaine d'éditeurs aujourd'hui présents sur l'échiquier français des solutions digitales achats se répartissent selon une nouvelle configuration, en tenant compte, entre autres critères, de leur localisation, de leur spécialisation et de leur couverture fonctionnelle.
Je m'abonneLa centaine d'éditeurs, de toutes tailles et toutes origines, présents sur le marché français des progiciels achats, se distinguent par leur positionnement fonctionnel, leur éventuelle spécialisation ou encore leur capacité à mener des projets à l'échelle internationale. Bousculés par les mouvements de consolidation et les nouveaux entrants, les acteurs historiques doivent redoubler d'efforts pour rester compétitifs, avec des outils à la fois complets et abordables.
A l'aulne des mouvements de consolidation et des nouvelles orientations stratégiques, la composition de l'écosystème e-achat a quelque peu évolué au cours des dernières années avec une accélération des fusions-acquisitions en 2016 et en 2017. La centaine d'éditeurs aujourd'hui présents sur l'échiquier français des solutions digitales achats se répartissent selon une nouvelle configuration, en tenant compte, entre autres critères, de leur localisation, de leur spécialisation et de leur couverture fonctionnelle. En schématisant à l'extrême, deux grandes familles se font toujours face : les généralistes et les pure-players.
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Les généralistes
Dans la famille des généralistes, si Oracle peut encore figurer parmi les principaux éditeurs du marché, c'est uniquement à travers un prisme mondial et sans tenir compte des limites de ses offres ERP (Oracle eBusiness Suite, Peoplesoft, JD Edwards, Siebel, etc.) sur le coeur de métier des achats.
Pour automatiser et optimiser le cycle source-to-contract, le groupe américain est largement devancé par SAP et les pure-players, particulièrement dans l'Hexagone où de nombreux spécialistes qui ont grandi par croissance organique proposent aujourd'hui des solutions pointues, robustes et stables. Au fil des années, ces derniers ont également réussi à étendre leur couverture à l'ensemble du processus, voire au-delà en se saisissant de problématiques connexes aux achats, vers l'automatisation des approvisionnements, de la comptabilité ou de la logistique par exemple.
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SAP, en revanche, demeure un leader incontesté, à la faveur de l'intégration réussie de la solution Cloud Ariba dans son écosystème, complété également de solutions connexes Cloud spécialisées telles Fieldglass (gestion des prestataires et sous-traitants) et Concur (notes de frais). Ainsi s'est fortement renforcé le positionnement des offres e-achats de l'éditeur allemand articulées également autour de Ariba Business Network, sa plateforme collaborative avec les fournisseurs.
Toujours parmi les généralistes, certains autres éditeurs d'ERP restent des acteurs à considérer. Ils sont cependant généralement en retrait sur les fonctionnalités pour les acheteurs notamment pour le sourcing stratégique incluant l'analyse des dépenses, l'e-sourcing (appels d'offres, enchères, etc.) ou le pilotage des informations fournisseurs. Leur couverture des achats reste souvent focalisée sur le volet aval procure-to-pay et le transactionnel, ainsi que sur la gestion des données de référence (produits, fournisseurs, etc.). Les interfaces d'accès aux catalogues et leurs moteurs de recherche n'ont pas atteint la puissance et la convivialité des outils des acteurs spécialisés.
Principaux concurrents de SAP et Oracle, les éditeurs d'ERP adressant les grandes ETI, tels Infor, Microsoft ou Unit4, occupent également une bonne position. Ainsi que les acteurs du monde des ERP intermédiaires (Comarch, Divalto, Epicor, Generix, IFS, Kimoce, Proginov, Cegid-Qualiac, Sage, Sylob, etc.). Petit à petit leur couverture progresse ou se spécialise, à l'image des Français Qualiac, qui envisageait de lancer un module source-to-contract (fonctionnalités d'e-sourcing, portail fournisseurs) à l'horizon 2017-2018 avant son rachat par Cegid, ou de Kimoce avec sa solution dédiée achats. Les ERP libres (open source) ont amélioré leurs fonctionnalités des achats et surtout des approvisionnements, en particulier Compiere et Odoo (ex OpenERP), les plus répandus, mais aussi leurs challengers Adempiere, Axelor, ERP5, Neogia, OFBiz, OpenBravo ou OpenInfo3W. Si leur couverture reste encore limitée, ils peuvent s'avérer suffisants pour faciliter la mise sous contrôle des engagements de dépense. Leur utilisation en tant que solutions pour les achats reste cependant très restreinte.
Enfin, s'ajoutent à cette liste des éditeurs de solutions de dématérialisation (Esker, Itesoft, etc.), qui investissent petit à petit le domaine des achats, en remontant de l'aval vers l'amont. Ainsi que des start-up mettant les dernières technologies au service de la fonction, telles que Dhatim avec l'intelligence artificielle pour réconcilier données de factures et usages.
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Les pure-players
Dans la famille des pure-players, en mettant SAP-Ariba à part, deux groupes d'éditeurs se partagent le marché. Le premier rassemble des spécialistes e-achats de taille intermédiaire, français et ouverts à l'international (Ivalua, Econocom-SynerTrade) et, en plus grand nombre, étrangers (Basware-Verian, Coupa, Determine, Jaggaer-BravoSolution, Mercateo, Proactis-Perfect Commerce, etc.). Parmi eux, les dernières acquisitions devraient surtout jouer en faveur des éditeurs historiquement les mieux installés en France, comme SAP-Ariba et Ivalua qui se partagent toujours plus d'un tiers du marché hexagonal. Coupa pourrait aussi profiter de ces mouvements, aidé par sa visibilité aux Etats-Unis, des interfaces utilisateurs épurées, d'importants investissements en marketing et commercial, une approche essentiellement axée sur la valeur ajoutée plutôt que la fonctionnalité, ainsi que de nombreuses acquisitions.
Le second groupe de pure-players englobe les sociétés de taille plus modestes, tels les Français IAvenir, Oalia, Oxalys Technologies, Per Angusta ou Pertilience, aux moyens moins conséquents. S'y ajoutent de nombreux acteurs étrangers, souvent de taille limitée également, qui cherchent le bon modèle pour avancer : en direct ou par le biais de partenaires locaux. Un choix crucial, mais peu évident, comme en témoignent les expériences de Pool4Tool (finalement racheté par Jaggaer mi-2017), Tesi ou Zycus, dont les entités françaises n'ont pas connu le succès escompté mais qui restent à l'affut des opportunités. Sur ce marché où de nombreux acteurs sont installés de longue date avec de multiples références hexagonales, proposer une excellente solution n'est en effet plus suffisant : il faut aussi être capable de démontrer par le biais de références la satisfaction de sa base installée, et également de pouvoir accompagner les clients dans les projets de mise en oeuvre, soit par le biais de ses propres équipes locales soit à travers des partenaires qualifiés à même d'assurer un service de proximité et alliant expertise métier, projet et solution.
Au-delà de ces cas particuliers, de nombreux acteurs étrangers ne cachent plus leurs velléités de s'avancer sur le marché français. En plus des Etats-Unis (Beeline, GEP, UnitedLex, Vinimaya, ZeroChaos, etc.) et du Canada (Spendmap), les anglo-saxons proviennent désormais massivement d'outre-Manche, tels les Anglais Market Dojo et Neogrid, ou l'Irlandais SourceDogg. Les autres arrivent pour la plupart de pays d'Europe continentale, à l'est (l'Allemand Wallmedien, le Belge D-Sight), au nord (le Danois Scanmarket, le Néerlandais Emeritor, les Norvégiens OpusCapita-JCatalog et Visma) et au sud (l'Italien Creatives, le Portugais Vortal). Mais la liste est loin d'être exhaustive puisque des acteurs plus lointains comme le Brésilien Mercado Eletronico ont également de fortes ambitions d'implantation.
En attendant, ce second groupe d'éditeurs pure-players a plutôt vu apparaître de nouveaux entrants locaux (Axiscope, BME Sourcing Force, Orgasoftware, Groupe Achats, etc.), ou s'affirmer des acteurs spécialisés dans la gestion des informations et le contrôle de conformité (MyProcurement, Provigis, etc.)
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Les stratégies de conquête
Dans ce contexte de marché, s'imposer suppose dès lors d'avoir de solides arguments, et de se différencier des acteurs historiques. Face à ces derniers, qui visent une couverture totale du processus, les nouvelles solutions cherchent d'abord à resserrer le spectre en se focalisant sur les fonctionnalités essentielles et/ou en les proposant dans des versions édulcorées pour simplifier l'utilisation. De ce fait, les ERP intermédiaires sont en train de grignoter du terrain, tout comme leurs concurrents du monde de l'open source. Un certain nombre d'hyper-spécialistes tentent également de s'introduire sur le marché avec des offres périphériques aux achats (dématérialisation, archivage, qualification fournisseurs, performance financière, etc.), le plus souvent en s'associant à un éditeur métier.
Une deuxième stratégie consiste à se différencier en termes de clientèle, en s'intéressant par exemple aux ETI voire aux PME, encore ciblées par moins d'une solution sur deux, ou en se tournant vers un secteur particulier en proposant une solution verticale. En la matière, le secteur public attise le plus les convoitises, permettant de s'adresser à la fois aux établissements hospitaliers, aux collectivités territoriales et aux différents organismes dépendant de l'administration d'Etat. La réglementation, en perpétuelle évolution, oblige leurs équipes achats à accepter les offres dématérialisées et donc à s'outiller, pendant que leurs fournisseurs vont progressivement devoir transmettre des factures sous format électronique.
Autre voie de différenciation : la spécialisation avec des solutions dédiées à des catégories d'achats spécifiques, comme les ressources humaines externes (Opase, Beeline, Pixid, SAP-Fieldglass, etc.) et les voyages et gestion des notes de frais (Amadeus, Carlabella, American Express GBT-KDS, SAP-Concur, Traveldoo, etc.). Ou encore le transport, les télécoms, l'énergie, le marketing et la communication, etc. Lors de l'automatisation du processus, beaucoup de directions des achats considèrent en effet qu'il est plus simple et moins coûteux d'ajouter un outil nativement conçu pour une catégorie particulière que d'essayer d'adapter une solution d'e-achat générique afin d'y faire entrer certaines spécificités. Viennent enfin, les solutions de type place de marché, généralement focalisées sur les achats indirects, à l'image de Mercateo ou la solution de Groupe Achats.
Par Bertrand Gabriel, directeur Acxias
et
Thierry Parisot, analyste marchés & solutions achats
Acxias est un cabinet de conseil spécialisé dans la digitalisation des achats, des approvisionnements et de la comptabilité fournisseurs.
(*) Cette tribune s'appuie sur "La Digitalisation des Achats - Enjeux, bonnes pratiques et référentiel des solutions", ouvrage publié fin 2016 par Acxias. Plus d'informations: cliquer ici
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