Innovations technologiques - Les entreprises changent de visage
Mises en exergue par la crise du Covid-19, les innovations technologiques sont un tremplin pour les entreprises. Mais le foisonnement de solutions complexifie parfois les projets. Les nouvelles plateformes collaboratives jouent un rôle de carrefour visant à mieux orchestrer l'ensemble des tâches.
Je m'abonneTéléphonie mobile, e-mails, communication vidéo, réseaux sociaux... Jusqu'ici, chaque vague d'innovation technologique s'est traduite par l'ajout d'un canal de communication aux solutions déjà existantes dans les organisations. Vécues comme des aubaines, ces avancées successives ont aussi conduit à un empilement des outils, occasionnant des dépenses non négligeables. "La démultiplication d'outils pour couvrir différents besoins est pesante et coûteuse pour les entreprises. Elles prennent conscience des atouts multiples d'unifier les solutions. Les fonctionnalités de chats, de call centers, d'échanges documentaires au sein d'un même ensemble sont aujourd'hui très demandées", remarque Guillaume Dethan, vice-président régional du fournisseur d'outils de communications unifiées Fuze France. "Dans un schéma ancien, avec les PABX (autocommutateur téléphonique privé) et les autres solutions de communication, on totalisait 17 postes de coûts différents. Désormais, une seule plateforme réunissant toutes les fonctions est nécessaire."
Les contours d'une nouvelle ère semblent se dessiner dans les façons de travailler. Et les innovations logicielles jouent un rôle de levier pour faire collaborer davantage les salariés. Jean-Marc Gottero, directeur général France de la plateforme collaborative Slack, rappelle que "par le passé, chaque innovation apportait son lot d'atouts. Pour autant, travaillait-on forcément ensemble ? Rassembler les fonctionnalités utiles au travail en groupe au sein d'un unique outil se présente comme un changement notable." "Les collaborations de groupe doivent aussi se faire en situation de mobilité, c'est pourquoi nous avons mis en place une offre adaptée", indique Sonia Hadjadj Ouaknine, Country Manager France de ViewSonic. Les jeunes générations de travailleurs sont plus particulièrement demandeuses de solutions agiles, simples, ludiques. L'ergonomie des plateformes professionnelles s'inspire ainsi de la culture des réseaux sociaux (likes en lien avec les actualités de l'entreprise et de son activité, affichage et écriture de commentaires, etc.).
Des échanges innovants
Largement connu du grand public, Dropbox est également présente aux côtés des entreprises depuis 2005. Son but était à l'origine de remplacer la clé USB. Mais aujourd'hui, elle ne cesse de faire évoluer ses fonctions dans le sens des collaborations toujours enrichies, avec la possibilité de créer et partager des dossiers et fichiers de différentes natures.
"Nous nous sommes focalisés sur le collaboratif avec l'idée de le faire évoluer en permanence. On passe de plus en plus de temps sur des applications très diverses. En moyenne, on utilise au quotidien une trentaine d'applications qui contribuent largement à segmenter le travail. Faire converger les outils est plus que jamais un impératif d'efficacité", assure Thibaut Champey, directeur général France chez Dropbox.
Tel un noeud de communication, ce type de plateforme a vocation à attirer et orchestrer l'ensemble des applications communément utilisées : les échanges se font par message, par chat, et les partages concernent autant les documents de tous formats que des usages logiciels. Pour Jean-Marc Gottero, "Le but à long terme est de supprimer les e-mails qui ne favorisent pas les échanges collaboratifs. Au contraire, on conserve des silos par ce biais." Une plateforme comme Slack permet aux utilisateur de créer les canaux qu'ils souhaitent, mais qui transitent systématiquement par ce support d'échanges. Il peut s'agir d'un article, d'un document, d'une application. "C'est une nouvelle façon d'irriguer les données", résume Jean-Marc Gottero.
La mise en place via le même outil de visioconférences, de communications téléphoniques, de webinars, de groupes de chats, au sein de l'entreprise, mais aussi en dehors, en incluant des acteurs partenaires fait basculer les collaborations dans une nouvelle ère. "Nous assurons une compatibilité totale avec les solutions les plus répandues telles que Microsoft 365 ou Google Suite pour le partage documentaire", décrit Guillaume Dethan.
Vers un modèle collaboratif intelligent
Pour le commerce ou l'innovation inter-entreprises, il s'agit d'un levier important. "Une collaboration entre une cinquantaine de personnes de plusieurs entreprises se fait classiquement par e-mail. Très vite dans ces cas, c'est l'enfer. La gestion de versions devient très complexe. Nous proposons une intégration incluant des droits d'accès, des dispositifs de sécurité qui rendent l'exercice possible en toute confiance. Les outils entre les sociétés diffèrent souvent, mais ce n'est pas un obstacle aux échanges. Il faut voir la plateforme comme une bulle qui harmonise les communications ayant des sources et formats variés", souligne Jean-Marc Gottero. Le secteur des médias est d'ores et déjà très demandeur, notamment pour gagner en efficacité dans les échanges avec les sociétés de production. Les centres R&D, les supply chains figurent également parmi les premiers clients.
Ces solutions innovantes s'apparentent à des carrefours des applications par lesquels transitent des services cloud, des services logiciels installés en propre. Une nouvelle étape des développements dans ce domaine consiste à intégrer de l'intelligence artificielle. "Si par exemple une réunion est récurrente, notre solution suggère l'ouverture préalable de fichiers concernés par la réunion à venir. Grâce aux systèmes de machine learning, Dropbox peut aussi suggérer l'usage de tels documents, de tels outils qui peuvent intéresser l'utilisateur spécifiquement. C'est particulièrement pertinent dans la mesure où nous utilisons tant de documents et d'applications différentes qu'on s'y perd", précise Thibaut Champey.
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Veiller à l'adoption par les utilisateurs
L'efficacité n'est véritablement garantie que si l'adoption est généralisée à toutes les strates de l'organisation. "Nous accompagnons nos clients dans la prise en main du produit, pour que les utilisateurs se les approprient véritablement. Des formations son également dispensées dans ce but", explique Sonia Hadjadj Ouaknine.
Au sein du spécialiste des projets de transformation digitale Insight, un collaborateur est exclusivement en charge de l'adoption de leur solution de travail collaboratif par les clients. "Il s'agit de montrer et faire comprendre concrètement les intérêts et atouts de la solution pour convaincre les utilisateurs finaux. Pour cela, rien de tel que des cas d'usage. C'est ce que nous privilégions", expliquent Sylvie Dubois Janiaud, directrice marketing France d'Insight, et Daniel Gonzalez, directeur des Alliances et des Solutions chez Insight.
Une multitude d'outils restent habituellement inutilisés dans les entreprises. Slack fait apparemment partie des acteurs qui tirent leur épingle du jeu en la matière. "Grâce à l'aisance, au caractère ludique et simple de notre solution, nos utilisateurs travaillent dans Slack environ 1 heure 30 quotidiennement, alors qu'au total, ils sont connectés en moyenne 9 heures par jour, ce qui témoigne d'un très bon taux d'appropriation", se réjouit Jean-Marc Gottero. La personnalisation est un autre point important dans une optique d'augmentation de l'adoption. "Notre offre s'inscrit dans ce sens : l'actualité d'un collaborateur sur la page d'accueil ne sera pas forcément la même que pour ses collègues. Tout dépend de sa fonction, des données pertinentes qui le concernent directement", illustre Sylvie Dubois Janiaud.
L'adoption de ces plateformes a parfois aussi pour conséquence une augmentation de l'adoption d'autres outils disponibles depuis longtemps dans l'entreprise, et accessibles via le même support.
Des freins culturels
À la faveur de ce type d'innovation, les bureaux pourraient bien être amenés à disparaître dans un certain nombre d'activités. C'est en tout cas l'avis de Guillaume Dethan : "Aujourd'hui, des start-up décident déjà de se passer de bureaux et d'utiliser pleinement des plateformes collaboratives. C'est un modèle intéressant car il y a bien sûr des charges importantes qui sont purement et simplement supprimées."
En attendant, la démocratisation de ces outils se heurte à certaines réticences. La localisation des données systématiquement en France rassure beaucoup d'entreprises et constitue un "must have" pour une telle mutation. "Les hésitations portent souvent sur la culture cloud de façon générale. Mais la très forte digitalisation et ses atouts convertissent peu à peu les sceptiques. Les acheteurs ont une fonction d'évangélisation en interne pour convaincre les autres décideurs de la nécessité de changer de culture, et de créer des configurations plus propices aux innovations", estime Jean-Marc Gottero.
Pour Thibault Champey, "les outils de ce type sont le terreau pour porter des mutations plus larges dans l'entreprise, et ainsi décloisonner les services. Le rôle du manager change dans ce contexte. Il vise davantage à accompagner les collaborateurs dans le changement, faire du coaching, diffuser des bonnes méthodes." Sylvie Dubois Janiaud assure que le décloisonnement est une conséquence automatique du basculement vers une telle plateforme :
"On n'est plus esclave des e-mails, on rationalise l'ensemble de l'activité. On s'offre aussi un accès facilité à l'historique des échanges. Prenons l'exemple d'un nouvel arrivant dans l'organisation, en cours de projet. Ce dernier pourra facilement disposer d'un accès intégral aux échanges et documents antérieurs, ce qui n'est pas possible dans le cadre d'un fonctionnement avec une messagerie classique."
Les interrogations des clients et prospects portent principalement sur trois domaines, d'après les témoignages des experts : l'expérience utilisateur et les bonnes pratiques pour faire en sorte que l'adoption utilisateur soit bonne, les réductions de coûts qui peuvent en découler, ainsi que les garanties associées en termes de sécurité. Guillaume Dethan rappelle que "l'horreur des DSI est de constater que des groupes WhatsApp se créent et sur lesquels des documents professionnels circulent librement. Les plateformes comme la nôtre prennent en compte une historisation complète des échanges, une traçabilité et une sécurisation de toutes catégories de communication".
Entre économies et création de valeur
La solution Fuze est disponible dans le cloud. Les téléphones physiques sur les bureaux ou d'autres matériels comme les PABX n'ont donc plus lieu d'être. Mécaniquement, les coûts de maintenance associés disparaissent. "Le but est de supprimer les silos engendrés par l'empilement des solutions, mais aussi de réduire les dépenses. Le coût des télécommunications à l'heure actuelle n'est pas connu dans la plupart des entreprises en raison de la grande diversité des déploiements réalisés au fil du temps, mais il n'est pas du tout négligeable", indique Guillaume Dethan.
Par des solutions de collaboration optimisées, l'entreprise peut également gagner en valeur et améliorer son offre sur un plan qualitatif. Fuze est fournisseur pour un grand distributeur automobile. "Les études réalisées avec ce groupe ont montré qu'ils n'étaient pas en capacité de répondre à tous les appels, ce qui générait des plaintes sur les réseaux sociaux ou sur Internet. Des ventes non négligeables n'ont pas été réalisées en conséquence. La possibilité de dispatcher les appels de façon intelligente pour qu'ils soient tous traités représente alors un gain important", illustre Guillaume Dethan. L'utilisation sur les différents sites d'une entreprise internationale a aussi pour effet que les coûts ne sont plus les coûts de communication internationale, mais simplement le prix à la minute du pays de destination.