Le cloud, source d'économies : mythe ou réalité?
Le cloud computing est souvent vendu comme une solution synonyme de gains financiers. Mais dans les faits, le retour sur investissement peut paraître long et parfois difficilement quantifiable. Certains précautions doivent être prises. Explications.
Je m'abonneEn 2014, à peine 10% des directions achats s'étaient engagées dans un investissement cloud, selon une enquête Demos. La raison? "Nombre d'entreprises redoutent de franchir un tel cap, tant les projets de cloud computing s'avèrent complexes et chronophages avec un ROI à la clé pas toujours simple à évaluer", analyse Muriel Guillemot, consultante chez Demos. C'est un fait, de grands écarts persistent dans les évaluations des économies réalisées par les entreprises suite à la dématérialisation de leur service informatique. Les estimations varient de 15 à 30% pour les plus ambitieux. Avec un temps de retour sur investissement entre 2 et 3 ans.
Ainsi, dans une étude réalisée par le cabinet Vanson Bourne en 2014, pour le compte de Tata Communications, auprès de 970 décideurs IT, 72% des sondés estiment avoir un bon ROI, tandis que 19% le jugent substantiel. Ces décideurs estiment à 27% en moyenne les réductions de coûts réalisées suite à la mise en place de ces solutions. Mais d'où proviennent les réductions de coût aboutissant à ces retours sur investissement ? La majorité des décideurs IT (65%) évoque l'accélération de l'accès aux technologies, 49% la réduction des délais de réalisation et 48% la baisse des pertes de données. Autre étude, autres chiffres : le cabinet de conseil en stratégie IT, Computer Economics parle de 15% d'économie moyenne des dépenses informatiques par utilisateur pour des entreprises qui ont migré leur système informatique vers le cloud. Tandis que l'américain Cisco chiffre à 23% les économies réalisées en moyenne pour une entreprise basculant dans le cloud.
Des économies estimées entre 20 et 30%
"Les coûts de services du cloud sont en baisse car il existe une grande concurrence entre des acteurs comme Google, Microsoft, Apple"
Les économies engendrées par un passage vers le cloud résultent de plusieurs facteurs : "Les coûts de services du cloud sont en baisse car il existe une grande concurrence entre des acteurs comme Google, Microsoft, Apple", affirme Eric Pigal, directeur de conseil en informatique chez Kognitis. "Ainsi, renouveler son contrat avec son prestataire peut revenir plus cher que d'en signer un nouveau. Car les coûts sont fluctuants".
Les gains financiers proviennent également des "bénéfices de la mutualisation des services et infrastructures pour les entreprises dans le cas du cloud public", précise Bertrand Servary dirigeant-fondateur de NetExplorer. Pourquoi ? Parce que dans le cloud public, les entreprises partagent les armoires de stockage et les services. Ce qui engendre tout naturellement une baisse des coûts en raison du facteur d'échelle.
Bien mesurer son ROI
Selon une étude Markess International de 2013, pour près d'un décideur informatique sur deux, la nature des ROI obtenus avec l'externalisation des infrastructures IT dans le cloud par rapport à d'autres approches d'externalisation porte avant tout sur des gains de flexibilité (ajouts de nouvelles ressources en fonction des besoins), des gains en temps et ressources associées (recentrage de l'informatique sur son coeur de métier, meilleure disponibilité des ressources, mise en place rapide...), une réduction des dépenses d'investissements (modèle " pay as you go ", mutualisation des coûts...) et des gains d'évolutivité (les mises à jour).
Mais "Les calculs des ROI ne sont pas les mêmes selon que l'on mesure des économies liées au coût d'usage des services ou des bénéfices
métiers comme l'accès à l'innovation, une plus grande flexibilité d'usage ou un meilleur time to market (délai de mise en place du projet)", analyse Marc Gardette, responsable de la stratégie cloud au sein de la direction technique et sécurité de Microsoft France. [photo ci-contre]
C'est pourquoi, certaines entreprises se montrent prudentes et externalisent progressivement leur système d'information. C'est le cas notamment de la Financière du Capitole, société de conseil en gestion de patrimoine indépendante, qui a mené un projet de migration vers le cloud dès 2011. "La seule contrainte : avoir un système de sauvegarde et de stockage des fichiers sécure en raison de notre activité règlementée", explique Jonathan Gros-Desirs, responsable informatique au sein de l'entreprise. La société a eu recours à la plate-forme proposée par NetExplorer dès 2011 pour tous les dossiers clients et toute la partie back office de la direction financière et comptable. "L'objectif ? Avoir un meilleur cadre et gagner du temps sur la recherche. Intégrer les stockages d'e-mails. Et à terme, migrer l'ensemble des services en interface outils métiers avec NetExplorer", précise le responsable informatique de la Financière du Capitole. Parmi les prérequis : la confidentialité, la conservation des fichiers pendant 10 ans et la possibilité de récupérer ces fichiers dans toute leur intégrité. "Au final, l'administration est simple. Nous avons la possibilité de définir les droits d'accès mais aussi de communiquer entre nos différentes agences sans avoir à déployer des solutions complexes car nos commerciaux assez mobiles. Ils peuvent consulter leurs documents sans problème sur tablette et smartphone", conclut Jonathan Gros-Desirs de la Financière du Capitole. "Le coût d'un tel projet sur trois ans reste inférieur à 100k€, là où une solution équivalente en Interne aurait dépassé les 200k€, sans possibilité d'évolution et plus de charge de travail pour la DSI", rapporte le dirigeant de NetExplorer.
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Avoir un service informatique mature
Pour faire face à un tel projet de migration vers le cloud, les entreprises doivent posséder en interne un service informatique mature : "Il faut des architectes et des développeurs capables de comprendre les impacts des services cloud sur l'existant IT , mais aussi la façon dont le prestataire facture ses services pour en optimiser l'usage", analyse Marc Gardette, responsable de la stratégie Cloud au sein de la direction technique et sécurité de Microsoft France. C'est un fait, pour supporter au mieux un basculement vers le cloud et en tirer les bénéfices escomptés, l'entreprise doit remplir certaines conditions préalables. Un avis partagé par Pierre-José Billotte, pdg d'Eurocloud France, et organisateur de la première cloudweek (qui a eu lieu du 6 au 10 juillet 2015 à Paris) : "Il faut savoir supporter le coût de la mise en oeuvre de la solution informatique". En d'autres termes, il faut que l'entreprise ait un stock de ressources déjà disponible soit sortie du provisioning classique - serveurs, stockage, applications - pour migrer sur une logique cloud avec un stock de ressources déjà disponible. Or cette constitution de stock coûte au départ. De plus, de l'avis de certains DSI cette réduction de coûts commence à se faire sentir à partir d'un certain seuil de transfert vers le cloud.
Cependant, la DSI doit être vigilante sur certains points car des contraintes supplémentaires peuvent apparaître : "si l'entreprise n'a pas une connexion internet de bon niveau", pour Pierre-José Billotte d'Eurocloud France. D'autres opérations non prévues comme le transfert de ses mails d'un opérateur à un autre peut également conduire à des surcoûts.
Adieu à l'entretien
"Le cloud computing rapproche la DSI des utilisateurs et non plus des machines"
D'une manière générale, il est vrai que passer au cloud computing apparaît comme un gage de temps et d'argent. Mais le volet économie n'est pas l'argument principal dans la thématique du cloud. En passant au tout dématérialisé, l'entreprise n'a plus le souci d'entretenir une partie de son parc informatique, de le sécuriser et de racheter les licences des logiciels. De plus, la DSI peut se concentrer sur des objectifs à plus forte valeur ajoutée (gestion de projet, gouvernance du SI, développement d'axes stratégiques, etc). Sans compter que "le cloud computing rapproche la DSI des utilisateurs et non plus des machines", conclut Bertrand Servary de NetExplorer. Et "grâce aux réflexions engagées sur le cloud, la direction IT collabore davantage avec les directions métiers au sein de l'entreprise", souligne Marc Gardette de Microsoft France. Une manière comme une autre pour la DSI d'apparaître comme une fonction à valeur stratégique dans l'entreprise.
Témoignage Sage - "Plus de 2 millions par an pour la gestion de nos infrastructures"
"Notre plateforme de Lyon était une charge financière importante et en croissance forte : plus de 2 millions d'euros par an pour la gestion des infrastructures et des coûts associés", explique Vincent Leroux-Lefebvre, acheteur de prestations intellectuelles au sein de la direction des achats de Sage. "Nous avons donc décidé d'outsourcer les services d'hébergement informatiques situé à Lyon, chez Linkbynet. Ces services étaient auparavant gérés par notre Centre de services partagés (CSP)". Ce projet d'outsourcing a été transféré aux achats puis à la DSI.
"La DSI, comme d'autres départements est souvent appâtée par le discours du commercial sur les économies potentielles du passage au cloud. Donc l'idée est d'intégrer les achats en binôme avec le fournisseur afin d'en tirer le meilleur parti". Le groupe informatique a mis en place une stratégie cloud depuis près d'un an et demi. Soit une stratégie de fournisseurs de serveurs et de logiciels sous traités. Pour ce faire, Sage a revendu son infrastructure matériel et a convenu de la reprise de ses locaux à Lyon avec son prestataire, Linkbynet. "Ils sont devenus en quelque sorte des téléconseillers. Et désormais, Sage, par le biais de son prestataire, a des équipes dans le monde entier, notamment à l'Ile Maurice et au Canada, pour couvrir tous les fuseaux horaires et assurer un service client 24H/24", résume l'acheteur de Sage.
Le groupe a réalisé son projet de migration vers le cloud en silos. Et a migré l'Infrastructure as a Service (Iaas) et Platform as a Service (PaaS) pour fournir le Software as a Service (SaaS) à ses clients. Et les économies dans tout ça ? "Pendant les 18 premiers mois, la migration vers le cloud n'est pas toujours rentable. C'est même plus cher en intégrant les coûts de Build. Il faut bien attendre 2 à 3 ans pour voir les vrais gains économiques d'un tel projet", confie l'acheteur de Sage. A terme, c'est intéressant économiquement, car Sage se concentre désormais sur un catalogue de services et non plus sur l'achat d'infrastructures. En résumé, le groupe informatique n'a plus d'investissements en fonds propres et ne doit plus gérer les parcs informatiques associés. "En optimisant, on arrive à environ 30% de charges de serveurs en moins. C'est un investissement pour une masse d'achats plus global car nous fonctionnons au coût de service", conclut Vincent Leroux-Lefebvre de Sage.