Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

Achats/DSI: changer pour mieux collaborer

Publié par le - mis à jour à
Achats/DSI: changer pour mieux collaborer

Avec la transformation numérique des entreprises, les achats IT deviennent de plus en plus stratégiques. Pas question, donc, de se tromper! Pour cela, le mieux est d'instaurer une collaboration achats/DSI. Mais celle-ci n'est possible qu'après un changement de culture de la part des deux directions.

Je m'abonne
  • Imprimer

Aucune entreprise n'échappe désormais à la mode de la transformation numérique. Les achats IT sont donc de plus en plus importants, aussi bien au niveau des ­montants dépensés qu'en termes stratégiques. Jusqu'alors pré carré de la DSI, les achats IT ­intéressent donc de plus en plus la direction des achats. "Les achats IT sont désormais clés : ils sont de moins en moins un moyen et de plus en plus une fin. Ils sont au coeur de la stratégie", souligne Bertrand Maguet, associé de la société MLA conseil et coanimateur du groupe achats du syndicat Consult'in France (ex-Syntec Conseil en management).

Mais la collaboration entre les deux directions est loin d'être évidente. D'un côté, la DSI est attachée à de grands projets informatiques longs et fastidieux et a du mal à se convertir aux applications cloud, réclamées par les directions en interne. De l'autre, les achats ne sont pas toujours à l'aise sur les sujets IT. Les deux directions doivent donc, chacune de leur côté, commencer par modifier leur mode de fonctionnement et leur état d'esprit. Pour ensuite adopter une nouvelle organisation qui favorise la collaboration entre les deux directions.

Maîtrise des coûts, des délais et de la qualité

Car DSI et direction achats ont tout intérêt à collaborer. "Quand nous travaillons avec un binôme direction achats/DSI, les projets avancent mieux. Les plannings et les engagements sont mieux tenus", constate Claude Moins, directrice du pôle Solution de l'éditeur BravoSolution. En effet, chacun apporte son expertise : les achats celle d'un appel d'offres structuré avec une expression claire des besoins et des critères de sélection des fournisseurs ; la DSI une connaissance technique et une capacité organisationnelle à mener des projets. Ce qui permet de mener des projets de manière plus efficace et de mieux maîtriser et les coûts des projets informatiques et les délais. Mais aussi la qualité : les compétences des deux directions permettent en effet de s'assurer de cette qualité. "La réussite d'un achat IT dépend de la réussite du cahier des charges. Or, les achats ne sont pas toujours à l'aise sur la partie technique tandis que la DSI ne sait pas toujours rédiger un cahier des charges", observe Bertrand Maguet. "La valeur ajoutée des achats repose à la fois sur l'anticipation et la gestion des risques, notamment juridique, et sur la sécurisation du niveau de service délivré (SLA)", ajoute Gilles Lavaure. D'où la nécessité de faire collaborer ces deux directions.

Cette collaboration est d'autant plus importante que, nous l'avons dit, les achats IT sont de plus en plus stratégiques. Et connaissent des évolutions non négligeables. Comme le cloud, par exemple, qui révolutionne les achats IT. Parce qu'on n'achète plus des logiciels mais qu'on s'abonne à un service. Et que les directions internes en sont très friandes. "Les directions métiers ont tendance à penser qu'avec le cloud elles peuvent désormais acheter leurs services IT seules. Or, ce n'est pas vrai, notamment pour des questions de sécurité ou encore des problématiques d'intégration", remarque Sylvie Brandily, directrice au sein d'Accenture Strategy en France. Mais aussi pour des raisons de référencement des fournisseurs, approuvés pour la qualité de leur prestation et avec lesquels des tarifs ont été négociés. "Les fonctions achats et IT ont des intérêts communs: limiter l'acquisition de services cloud directement par les métiers", pointe Jérôme Martin, associé chez Bearing Point et expert en stratégie IT.

Autre sujet d'importance qui nécessite une collaboration efficace des achats et de la DSI: les audits de licences logicielles qu'organisent les éditeurs de logiciels. Ces derniers consistent à vérifier que leurs clients n'utilisent pas davantage de licences logicielles que le leur permet leur abonnement. À la clé: de grosses amendes pouvant atteindre plusieurs millions d'euros. "Les gros éditeurs de logiciels sont en situation de quasi-monopole et en profitent pour avoir des comportements contractuels à la limite de l'illégitime, estime Henri d'Agrain, président du Cigref. L'audit des licences est un vrai enjeu dans la maîtrise du budget IT et la collaboration sur ce sujet est importante."

Lire la suite en page 2: Une transformation nécessaire des achats et de la DSI

Une transformation nécessaire des achats et de la DSI

Si cette collaboration est primordiale, elle est loin d'aller de soi. Notamment à cause de deux cultures différentes qui suscitent des incompréhensions. En effet, les achats IT ne sont pas des achats comme les autres et la direction achats doit donc faire en sorte de se munir d'un vernis IT qui lui permet de comprendre les contraintes de la DSI. "Le profil des acheteurs IT est important: ils doivent avoir une bonne compréhension des enjeux techniques afin de mieux dialoguer avec la DSI", approuve Sylvie Brandily. Un vernis IT qui permettra aux achats de s'assurer de la ­justesse de l'expression des besoins formulée par la DSI. "L'expression des besoins des DSI est succincte et même parfois peu compréhensible, témoigne-t-il. Les achats sont là pour faire comprendre à la DSI tous les tenants et aboutissants d'un achat. Les risques étant sinon que les achats ne correspondent pas aux besoins, ce qui peut aboutir à des litiges", avance Bertrand Maguet, qui invite les acheteurs à comprendre la dimension technique mais aussi humaine des achats IT. "Ils doivent savoir comment fonctionne tel ou tel prestataire", souligne-t-il. En effet, chaque fournisseur IT est spécialisé dans un domaine et il serait dommageable de faire appel à une société spécialisée dans la maintenance pour faire du conseil stratégique.

Il s'agit donc de prendre le temps de lire la presse ­spécialisée IT, d'assister à des conférences sur le sujet, etc. Bref, de se tenir informé. Cette culture IT des achats est d'autant plus importante qu'elle permet de réaliser des achats IT de qualité. "Avec la transformation digitale des entreprises, l'innovation prend une part importante dans les investissements. Le rôle des achats est de contribuer à cette innovation en réalisant une veille sur le marché, en développant un écosystème de fournisseurs, en adaptant les contrats aux start-up, etc.", énumère Sylvie Brandily. Sur son blog, Opase, éditeur d'une plateforme de Vendor Management System, invite ainsi les achats à sortir de leur logique parfois trop orientée ­maîtrise des coûts et à s'impliquer dans les projets IT dans leur totalité, depuis la mise en place de la stratégie de sourcing jusqu'à la gestion des litiges ou des risques fournisseurs.

"On attend aujourd'hui des directions achats leur capacité à minimiser les risques et le total cost of ownership, mais aussi et surtout à capter de l'innovation, poursuit Claire Etcheverry, associée Bearing Point et spécialiste des opérations et des achats. Ce dernier objectif ne pourra être atteint sans une modification en profondeur des méthodes de travail et des profils des acheteurs." Il s'agit donc de recruter des acheteurs ayant au moins une appétence pour l'IT. Gilles Lavaure, partner chez Ayming, propose même de prendre des personnes ayant une expérience IT complétée par une formation achats. Ce qui permettra aux achats d'acquérir une connaissance technique mais aussi organisationnelle, ce qui permettrait de faciliter la collaboration. "Si l'IS&T est habituée à fonctionner en mode projet et avec des méthodologies type agiles / Scrum, les achats doivent s'adapter à cette approche, revoir leur mode de fonctionnement pour répondre efficacement au besoin de leur client interne", explique Gilles Lavaure.

Pour collaborer avec les achats en bonne intelligence, la DSI doit, elle aussi, opérer une mue, notamment pour s'adapter à la révolution du cloud, à laquelle il n'est plus possible d'échapper. "La DSI doit accepter de travailler en mode agile, en test and learn, car les projets SaaS vont vite", pense Sylvie Brandily. Même si, aux dires de Patrick de Coucy, p-dg de l'éditeur BravoSolution, les DSI ont évolué sur les offres SaaS : "Les offres sont mieux comprises même s'il demeure des questions sur la sécurité, les données personnelles, les lieux d'hébergement. Nous devons les rassurer car les DSI sont habituées des versions installées."

Lire la suite en page 3: Un binôme achats/IT

Un binôme achats/IT

Une fois ces mues opérées, achats et DSI vont enfin pouvoir collaborer. Et ce sous forme de binôme. "La première étape est la constitution d'un binôme achats/IT qui définira le périmètre de chacun, s'alignera sur la stratégie à mettre en oeuvre pour atteindre un objectif commun", indique Gilles Lavaure. Pour Claire Etcheverry, ce binôme ne fonctionne que s'il relève de deux composantes essentielles: la coordination et la collaboration. "Il s'agit de deux logiques complémentaires: la coordination est le processus et la gouvernance s'imposant à tous, tandis que la collaboration est un ajustement mutuel entre deux individus. Sans ces deux composantes, il n'y a pas de binôme efficace", insiste-t-elle. Elle conseille de favoriser cette coordination et cette collaboration du binôme achats/DSI en les rassemblant dans un même espace. En effet, si les bureaux des deux directions sont côte à côte ou en tout cas proches, le dialogue sera facilité et la collaboration deviendra plus naturelle. Certaines entreprises poussent même la logique plus loin en intégrant des personnes des achats dans la DSI et des personnes de la DSI dans les achats: cela permet non seulement une meilleure collaboration, car plus de dialogue, mais aussi une acculturation, si importante.

Pour Patrick de Coucy, un autre élément essentiel d'une bonne collaboration entre achats et DSI est le pied d'égalité sur lequel doivent être les deux membres du binôme. "Les deux personnes doivent être au même niveau, aucune ne doit prendre la main sur l'autre", insiste-t-il. En effet, si l'une des deux a l'impression d'exécuter les ordres de l'autre, la collaboration ne pourra pas être efficace, les ressentiments empêchant le bon partage d'informations. Il s'agit donc de se mettre d'accord, au sein du binôme, sur le rôle de chacun à chaque étape du processus d'achats, afin que personne n'ait l'impression d'être mis de côté à des moments-clés et aussi pour gagner en rapidité.

Surtout, pour être efficace, ce binôme doit avancer en mode projet, en se réunissant de manière hebdomadaire pour s'assurer de la bonne avancée des projets communs et corriger le tir rapidement si nécessaire. Car, comme le souligne Patrick de Coucy: "La collaboration ne doit pas s'arrêter à l'appel d'offres, mais également se poursuivre dans le suivi du projet, car les évolutions peuvent aussi bien toucher la technique que les achats." Le binôme peut d'ailleurs s'élargir à la direction métier pour laquelle le projet informatique a été mis en place. Et même à d'autres directions comme le juridique ou la finance. Pour Gilles Lavaure, ces réunions hebdomadaires doivent de toute façon faire remonter des KPI pour que le comex puisse ensuite de son côté évaluer l'avancée du projet. Des KPI qui auront été définis de manière commune entre les achats, la DSI, les métiers, mais aussi la direction générale. L'objectif de la collaboration achats/DSI est en effet d'appliquer la stratégie globale de l'entreprise.

Mais ces réunions ne doivent surtout pas être des usines à gaz. Le maître mot de la collaboration achats/DSI est en effet l'agilité. La transformation numérique des entreprises nécessite en effet d'être innovant, ce qui n'est possible qu'en étant agile. La collaboration entre la direction des achats et la DSI doit donc avoir comme principal objectif cette agilité. "Il faut par exemple trouver une façon d'acheter plus agile en ouvrant à de petits acteurs, voire en faisant du gré à gré sur des solutions innovantes pour lesquelles la compétition est limitée", conseille Jérôme Martin. Les achats, enfermés dans leurs longs process d'appels d'offres, doivent donc s'ouvrir à une autre façon de faire. Tout comme la DSI, qui a tendance à voir ses projets s'étendre sur de longs mois, voire des années. Les achats IT nécessitent donc un changement de culture, une bonne collaboration et de l'agilité. Des changements qui doivent s'opérer dès maintenant, au risque de passer à côté d'innovations révolutionnaires.

Des outils au service de la collaboration

La collaboration achats/DSI peut être favorisée par des outils dédiés aux achats. De plus en plus matures, ils sont également de plus en plus collaboratifs. Opase, par exemple, propose une plateforme de Vendor Management System qui permet un suivi des prestataires. "Cela facilite la communication entre achats et DSI qui ont chacun accès aux mêmes informations et qui peuvent prendre les décisions en commun", explique Jean Christophe Legros, directeur associé Opase. Sylvie Brandily parle d'autres outils: les outils d'e-sourcing pour collaborer entre achats, IT et même métiers autour de la sélection du prestataire, les outils d'e-procurement pour mieux gérer les contrats, etc. Elle invite également à s'intéresser à des groupes de travail digitaux qui permettent de remonter des propositions innovantes et de stimuler des idées. Mais, comme chacun le sait, si ces outils sont des facilitateurs de collaboration et d'agilité, ils ne font pas tout. Avant de s'équiper donc, veiller à ce qu'achats et DSI aient opéré leur mue et que le binôme fonctionne bien, dans une bonne entente. Les choses couleront ensuite de source.

A lire aussi:

DSI-DA: un couple, une équipe

ERP: Cloud or not Cloud?

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page