Comment mettre fin à un contrat fournisseur dans les règles de l'art ?
Quand prévenir un fournisseur ? Comment ? Que faire quand la situation se présente mal ? Les réponses d'un expert aux questions qui entourent la rupture de la relation commerciale entreprise et fournisseur.
Je m'abonneRéclamation pour préjudice, indemnités pour rupture de contrat brutale, indemnités pour licenciement abusif... L'ardoise, en cas de rupture mal gérée avec un fournisseur, peut vite s'avérer très salée pour l'entreprise. Une perspective d'autant plus inquiétante que les acheteurs, à qui il échoit de se prémunir contre ce genre de scénario catastrophe, naviguent souvent dans le flou quant à la marche à suivre. Présent lors d'un événement organisé fin mars par le Club des acheteurs de prestations intellectuelles où a notamment été abordée cette problématique, Franklin Brousse, avocat spécialisé dans les achats indirects, informatiques et télécoms, livre sa méthode.
Comment faire pour mettre fin à une relation commerciale avec un fournisseur ?
Pour savoir quand et comment dénoncer un contrat-fournisseur, il faut en amont savoir répondre au préalable à un certain nombre de questions : A quand remonte la relation commerciale ? (Attention : en cas de renouvellement de contrat, c'est la date de signature du premier contrat qu'il faut prendre en compte) Quel est, en chiffres, son volume ? Ses fluctuations ? Quand le dernier contrat en court arrive-t-il à échéance ? Autant d'informations que l'acheteur doit cartographier au long court pour l'ensemble de son panel afin d'être en mesure, le moment venu, d'analyser pour chacun les risques juridiques associés - une démarche qu'il est préférable pour l'acheteur de faire en binôme avec un juriste ou un avocat.
Cette seconde partie du travail se fait sur la base notamment de deux critères : le pourcentage du chiffre d'affaire global du fournisseur représenté par le contrat en question - une donnée qui permet éventuellement de diagnostiquer une situation de dépendance économique - ainsi que le délai envisagé par l'entreprise avant rupture effective du contrat : court, moyen, long. La jurisprudence a établi une règle en la matière : pour chaque année de relation commerciale, il faut compter un mois de préavis. Exemple : Si une entreprise travaille depuis 12 ans avec le même fournisseur, même en renouvelant chaque année le contrat qui les lie, elle doit le prévenir un an au préalable. Ce qu'elle peut faire alors par voie de courrier à condition qu'aucun risque n'ait été détecté...
Quelle est la marche à suivre en cas de risques ?
C'est au cas par cas. Il convient d'adapter sa stratégie en fonction, d'une part, du niveau de risque et, d'autre part, de la personnalité de l'interlocuteur chez le fournisseur. Certains ne vont rien dire; d'autres vont demander de l'argent ou bien encore être dans la menace... Dans certains cas, mieux vaut privilégier au courrier un contact oral pour essayer de gérer amiablement la situation autour d'une réunion avant de formaliser un accord au travers d'un protocole transactionnel. L'occasion de proposer un chèque, par exemple.
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Quel est l'enjeu pour l'entreprise de bien négocier la sortie de contrat avec un fournisseur ?
En cas de préavis non appliqué, le fournisseur peut faire une réclamation sur le préjudice subi. Toujours selon le même exemple, si la relation commerciale s'étend sur 12 ans et que le fournisseur n'est prévenu que 3 mois en avance au lieu de 12, l'entreprise devra lui verser l'équivalent de sa marge sur 9 mois de chiffres d'affaires. Une sanction à laquelle peuvent se rajouter des indemnités pour le caractère brutal de la rupture. En outre, en cas de dépendance, les salariés du fournisseur " sortant " peuvent demander la requalification de leur contrat de prestation en contrat de travail et faire prévaloir le fait que la rupture de ce dernier constitue en fait un licenciement abusif... qu'il convient d'indemniser en fonction de la durée globale de la relation de travail. In fine, les sommes à débourser par les entreprises peuvent vite s'accumuler pour représenter quelques dizaines voire centaines de milliers d'euros en fonction du nombre et de l'ancienneté des salariés concernés.