Business model et start-up : les grands gagnants sont l'intermédiation et l'abonnement
- L'abonnement : le plus sécurisant pour les investisseurs
Olivier Arthaud, vice-président de la commission d'évaluation de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, est formel. " Même s'il est extrêmement difficile, voire impossible d'évaluer une start-up en phase de lancement, certains modèles sont plus attractifs. Celui qui séduit le plus les investisseurs est sans conteste celui de l'abonnement. Il limite les problèmes de recouvrement et donne une lisibilité intéressante du chiffre d'affaires ". Florent de Kersauson, directeur financier d'Alcatel pendant 20 ans et président fondateur du comité d'investissement de Nestadio capital confirme l'analyse du commissaire aux comptes mais nuance. " L'abonnement, ou le SAAS, est le modèle le plus excitant. En revanche, les contraintes sont fortes, il faut avoir les poches pleines car les coûts d'acquisition sont souvent importants. Je vois souvent des start-up revenir vers nous pour des financements supplémentaires, tous les 6 mois. Elles n'avaient pas anticipé suffisamment leurs besoins. En revanche, quand elles ont basculé du côté de la rentabilité, c'est un modèle extrêmement robuste ".
Cas pratique: les start up Kiwatch, Blacknut et Doctolib
Si elle atteint ses objectifs pour 2018, il aura fallu effectivement 7 ans à Kiwatch, cette start-up nantaise commercialisant une solution de vidéo surveillance par internet sur abonnement, pour atteindre la rentabilité. " Je voulais absolument un business model basé sur l'abonnement car la récurrence du chiffre apporte une plus grande valeur à l'entreprise ", explique Cédric Williamson, son fondateur. " Mais il faut du cash pour le kick off. Beaucoup de cash. Les abonnements sont peu chers. Pendant toute la période d'acquisition, les contraintes sont extrêmement fortes sur le BFR ". Après plusieurs années dans le rouge, Kiwatch va atteindre la ligne de flottaison. Pour poursuivre son développement commercial et tripler, chaque année pendant les trois prochaines années, son chiffre d'affaires, elle vient de lever deux millions d'euros auprès d'un fonds d'investissement parisien et d'un fonds institutionnel nantais.
Olivier Avaro, fondateur de la start-up bretonne Blacknut créée en 2016 (35 salariés) et Mong Trang-Sarrazin, CFO de Doctolib (400 salariés), ont bien intégré eux aussi ce paramètre du coût d'acquisition lié à l'abonnement. A la suite d'une levée de fonds, le premier va mettre sur le marché dans les prochaines semaines son service qu'il définit comme " le Netflix du jeu vidéo ".
Il avait été à l'origine en 2004 de la spin-off d'Orange, Streamezzo (logiciel de développement d'applications mobiles), revendue plusieurs dizaines de millions de dollars à Amdocs en 2010. La seconde est à tête du service financier de la start-up mettant en relation patients et professionnels de santé (prise de rdv). Tous deux notent le confort d'avoir une lisibilité de leur chiffre d'affaires, sans gestion de paiement différé. Mais reconnaissent des coûts d'acquisition importants. " Doctolib ne gagne pas encore d'argent, c'est typique des modèles en V nécessitant des investissements importants pour acquérir des clients (médecins). La rentabilité sera ensuite très intéressante ", souligne Mong Trang-Sarrazin". Pour mener à bien sa stratégie de digitalisation et de développement à l'international, la start-up enchaine les levées de fonds de grande envergure. Après avoir collecté 25 millions d'euros en janvier 2017, Doctolib a conclu une nouvelle opération à 35 millions en novembre dernier, auprès de BpiFrance et du fonds d'investissement Eurazeo. 200 personnes seront recrutées en 2018.
Olivier Avaro, encore au début de cette nouvelle aventure, préfère rester prudent, malgré des perspectives s'annonçant plutôt florissantes: " L'abonnement apporte une forte récurrence mais il faut bien équilibrer les coûts d'acquisition et les taux d'attrition. En sachant que dans une start-up, on ne peut pas vraiment se fier aux standards ". En attendant de connaitre les métriques, il préfère donc être économe : " investir des millions d'euros pour attirer des milliers de clients et se rendre compte qu'ils ne restent pas longtemps abonnés et ne rentabilisent pas l'argent dépensé pour les attirer, ce serait une catastrophe. Un cycle d'un an est nécessaire pour confirmer le modèle ".
Intermédiation comme abonnement peuvent générer jusqu'à 80% de rentabilité grâce à la capacité des start-up à déployer leur chiffre d'affaires tout en maitrisant leurs charges fixes... A condition évidemment d'avoir validé leur scalabilité. C'est-à-dire leur capacité à monter très fortement en charge sans exploser en vol.
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