L'open-innovation : grand chantier des achats
Les problématiques auxquelles font face les entreprises du 21e siècle nécessitent, de par leur taille, la collaboration d'un maximum d'acteurs pour transformer l'entreprise. Les acheteurs ont un rôle clé à jouer dans cette démarche. Condition sine qua non : s'ouvrir.
Je m'abonneDes p-dg, des ingénieurs chercheurs, des étudiants, des enseignants et, notamment,... des acheteurs. La liste des profils représentés à la conférence organisée début juin par Buy.o Group & EDC Paris Business School sur le thème de l'open innovation témoigne de la grande diversité de l'écosystème concerné par ce qui s'impose, depuis plusieurs années, comme un puissant levier de transformation des entreprises.
Ne pas se faire "kodakiser"
La finalité ? Alors que les ruptures technologiques tous azimuts impactent négativement l'espérance de vie des acteurs économiques sur le marché (70 ans en moyenne en il y a 40 ans; 15 ans en 2015 selon les chiffres de l'INSEE) il s'agit, ni plus ni moins, de rester compétitif. En toile de fond, la crainte est grande de se faire "kodakiser", selon le néologisme repris par Erik Grab,vice président de l'anticipation stratégique, de la recherche en développement et du développement durable pour le groupe Michelin, parmi les intervenants à la conférence. Comprendre : voir son modèle économique disparaître, faute d'anticipation. Gagner en agilité, réduire le time-to-market mais aussi - une problématique qui devrait trouver une résonance particulière au sein des services achats - innover à moindre coût. Les promesses de l'open-innovation apparaissent dès lors comme autant d'antidotes à "l'obsolescence programmée" des entreprises. Encore faut-il, pour en profiter, comprendre de quoi il s'agit
Bienvenue dans l'entreprise augmentée
"De la phobie du Not Invented Here à la fierté de l'innovation rapportée."
A l'instar des préfixes "co-" et "crowd-" greffés à nombre d'éléments de langage mis "à la sauce" collaborative, le préfixe "open-" suggère l'irruption, dans le concept qu'il introduit, de nouveaux acteurs. L'innovation "ouverte" n'est donc pas la prérogative du seul service R&D mais, au contraire, une fonction mutualisée : une casquette à poser, à tour de rôle où simultanément, sur un nombre exponentiel de têtes. Procter & Gamble, qui a fait évoluer son modèle d'innovation "maison" à la faveur de ce nouveau paradigme au début des années 2000, estime que le nombre d'expertises à disposition de l'entreprise peut ainsi être multiplié par 200%. Pour cela, le groupe met en avant la nécessité de changer de culture. Mis sous forme de feuille de route, cela consiste à passer du NIH (Not Invented Here) - l'obsession de l'invention faite en interne - au PFE (Proudly Found Elsewhere) ou la fierté de l'innovation "rapportée". Si l'organigramme est impacté, l'entreprise s'en trouve "augmentée", insiste Erik Grab, et non diminuée. La preuve : traditionnaires confiée à 7500 collaborateurs en interne, l'innovation chez Procter & Gamble est désormais co-traitée par 7500 collaborateurs en interne + 1,5 million de contributeurs externes.
Le défi collectif du développement durable
Aux grands maux, les grands remèdes ! L'adage sert en quelque sorte à résumer la logique inhérente à la démarche. Apparu pour la première fois dans l'ouvrage éponyme de Henry Chesbrough en 2003, le concept de l'open innovation est ancré dans un contexte bien précis. Il vise à apporter une réponse, de taille, aux problématiques non moins gigantesques du monde moderne. Économiques mais aussi sociétales. Liées par la RSE, ces deux sphères font office de laboratoire où l'on cherche un modèle plus durable. Ainsi que l'explique Nathalie Simmenauer, directrice environnement et développement durable de Air France "La réduction de l'empreinte carbone ne peut pas être la tache d'une seule entreprise ou même d'un seul état ; cela doit être pris en charge par un maximum d'acteurs."
Une pluralité d'outils d'ouverture
Pour passer de la théorie au concret, il existe 5 dispositifs d'open-innovation :
1-L'appel à start-ups et à PME ;
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2-Les hackatons ou concours d'innovation ;
3-Les partenariats avec ses clients et fournisseurs ;
4- Les fonds d'investissement corporate au sein des entreprises ;
5- L'intrepreunariat.
Achats : obstacle ou facilitateur ?
Et les achats, dans tout ça ? Pour être un agent facilitateur de l'open innovation plutôt que de s'ériger en obstacle, ils doivent se libérer des carcans qui sclérosent l'entreprise. En chef lieu : l'appel d'offre, qui ne doit pas être un automatisme. "Il arrive souvent qu'un accord de principe passé entre les métiers soit bloqué au niveau des achats", témoigne Charles Thou, CEO et cofondateur d'Agorize. En sous-terrain, c'est le rôle même, plus que les process, de la fonction qui sont mis en chantier par ce constat. Plutôt que d'être les gardiens du temple de l'ancien modèle, les achats doivent aller chercher la nouveauté. Et donc ouvrir grand leurs portes à ceux qui en sont les vecteurs. Un changement pressant. A l'heure actuelle, ces dernières "peinent souvent à trouver le bon interlocuteur dans les plus grandes structures", témoigne encore Charles Thou.