[Avis d'expert] Les cobots, nos collègues de demain
Intégrés dans un écosystème sécurisé, de plus en plus collaboratif, les robots font partie de la 4e révolution industrielle. Cependant, les industriels sont confrontés à une demande de plus en plus complexe à appréhender et leurs robots, dédiés à de la production de masse, ne peuvent y répondre.
Je m'abonneAdieu robots, bonjour cobots !
Fort de ce constat, qui se vérifie facilement en constatant la kyrielle d'options désormais proposée par les constructeurs automobiles, les industriels se dotent d'une automatisation de plus en plus flexible, agile et réactive. Des robots utilisés pour produire en masse une seule et même pièce tout au long de leur vie est souvent vu d'un mauvais oeil car vecteur de chômage, pourtant l'industrie s'intéresse de plus en plus aux cobots (néologisme issu de collaboration et robots pour indiquer : robots collaboratifs). Versatiles, ils peuvent être reconfigurés pour assurer différentes tâches répétitives, ingrates ou éprouvantes, sous contrôle et interaction humaine.
Les auteurs Paul R. Daugherty et H. James Wilson affirment même dans leur livre " Human + Machine, Reimagining work in the age of AI " que faire collaborer homme et machine sur une activité permet d'obtenir une efficacité entre deux à six fois plus grande que si l'on se cantonne à n'utiliser que des humains ou que des machines. BMW, le constructeur automobile allemand, le confirme en indiquant que les équipes mixtes auraient augmenté la productivité de 85% par rapport aux équipes constituées uniquement de l'un ou de l'autre.
Des projets qui marchent
Les ventes de robots pourraient représenter 66% des ventes en 2025 (par rapport aux ventes de machines industrielles traditionnelles). En nette progression puisqu'elles ne représentaient que 23% en 2015 selon une étude Deloitte, le marché des robots collaboratifs (ou cobots), quant à lui, pourrait peser plus de 3,5 milliards de dollars en 2023, selon Market Research Future.
Dans l'industrie automobile, ou le minutage de chacune des étapes de la ligne de production compte pour optimiser le takt time (durée idéale de production d'un bien), le groupe PSA a mis en place le bras robotisé UR10 pour visser le bas des ailes des voitures, opération très complexe qui nécessite une précision chirurgicale. Le cobot visse sans gêner les autres opérateurs qui interviennent sur d'autres opérations de vissage et le groupe a annoncé des bénéfices au-delà des objectifs fixés. Alors que le prix de revient des voitures (Peugeot 3008) a pu être baissé entre 2 et 8 euros, le gain géométrique (conformité de la voiture en bout de ligne) a pu être amélioré de 10% sur les 200 000 premières voitures produites à l'aide du cobot.
Les cas d'usage ne s'arrêtent pas là, et se retrouvent dans tous les secteurs de l'industrie. Exemple dans le secteur de l'industrie plastique, le cobot Sawyer permet d'alimenter en matières premières les machines de production de pièces plastiques et ensuite de sortir de la machine les produits transformés. On peut aussi citer des cas d'usages dans le tri des déchets où Veolia a installé des cobots pour aider l'opérateur à trier les déchets ainsi qu'Amazon qui a déployé toute une flotte de cobots mobiles pour assurer toute la logistique de leurs entrepôts. À l'heure où l'intelligence artificielle est sur toutes les lèvres, elle est, en général, très peu présente au sein des cobots car c'est là son avantage par rapport à un robot : son cerveau est celui de l'opérateur.
Comment bien faire accepter les cobots dans l'usine ?
Par définition, les cobots déchargent les opérateurs des tâches les plus rébarbatives et impliquent un changement de la nature du poste de l'opérateur qui se voit délesté d'une partie de ses tâches. Ils sont ainsi souvent accueillis avec bienveillance mais aussi avec méfiance le temps que l'humain accepte ce nouveau collègue silencieux et s'assure que sa sécurité n'est pas mise en péril par le cobot. Le groupe PSA et Mines Paristech dressent deux conclusions intéressantes sur l'acceptabilité des cobots par les humains : " en co-présence, l'acceptabilité est meilleure avec un cobot éloigné et sans contact physique ; en collaboration, le cobot est mieux accepté quand il possède un certain niveau d'autonomie décisionnelle, évitant, par exemple, à l'opérateur d'appuyer sur un bouton ". Au-delà de leur acceptation, la programmation et la mise en production d'un cobot est plus simple et moins onéreuse. Tout d'abord, l'intervention d'un acteur externe n'est pas obligatoire. Aussi, sa mise en place ne nécessite pas d'altération de la configuration existante du poste ou de la chaîne de production. Enfin, la facilité de programmation du cobot et sa sécurité mécanique permet de l'installer rapidement sans risque sur la ligne de production.
L'intégration des cobots et les interactions qu'ils engendrent nous invitent à repenser la place de l'humain au coeur de cette nouvelle collaboration. Un changement d'organisation est nécessaire pour s'adapter à ces évolutions, mais elles nous incitent tous collectivement à réfléchir aux problèmes éthiques qui émergent : les questions de confiance, de délégation et de responsabilité vis-à-vis du cobot sont à étudier. Plus structurant encore, les notions de dépendance au cobot, voire d'attachement de l'opérateur à son nouvel outil nous obligent à réfléchir aux conséquences sur les individus et plus largement, sur la société.
Pour en savoir plus
Matthieu Clemenceau, consultant sénior mc2i Groupe, cabinet de conseil en systèmes d'information et en organisation, en 2018. Il accompagne de grandes entreprises dans leur transition vers l'industrie 4.0, notamment en étant mobilisé sur des projets de transformation numérique, d'organisation ou de refonte des processus.