Les achats face à l'éthique
La loi Sapin II oblige les entreprises à plus de transparence et à lutter contre la corruption. Notamment les services achats qui doivent contrôler leurs fournisseurs avant de s'engager. Mais concrètement, que peuvent mettre en place les achats en termes d'éthique ?
Je m'abonneQuestion, éthique, la France a encore du travail à faire : notre pays est classé 23e par l'Indice de la perception de la corruption de Transparency International.
Mais, bonne nouvelle, les achats semblent vouloir de plus en plus s'emparer du sujet : selon le Baromètre de l'Obsar, presque 1 acheteur sur 2 place la lutte contre la corruption dans ses priorités.
Mais comment faire ? Si l'Obsar a monté un groupe de travail sur le sujet, l'État s'est également emparé du problème. Adoptée en novembre 2016, la loi dite Sapin II relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, propose 8 piliers dont l'un concerne les achats. "Il est notamment précisé qu'une mini-enquête doit être faite sur les fournisseurs afin de s'assurer qu'ils n'entrent pas dans le jeu de la corruption : qui sont les actionnaires, quelles sont les actions qui pourraient être répréhensibles...", explique François Nogaret, associé au sein de la société d'audit Mazars.
L'exemple des anglo-saxons
Mais concrètement, que peuvent mettre en place les achats en termes d'éthique ? Le sujet a fait débat à l'occasion d'une table ronde sur le sujet lors du 10e Forum des achats responsables. Beaucoup de dirigeants ont appelé à regarder ce que font les anglo-saxons, chez lesquels la corruption n'est pas admissible. A l'image de Vincent Leroux Lefebvre, directeur des achats chez l'éditeur Sage. Citant le cas de Lafarge Holcim, il invite à "reconnaître à la culture française la culture de l'arrangement alors que chez les anglo-saxons, c'est une interdiction". "En France, peu d'entreprises s'intéressent à Global Compact", poursuit-il. Global Compact, ou Pacte mondial en français, est une initiative des Nations unies lancée en 2000 visant à inciter les entreprises du monde entier à adopter une attitude socialement responsable.
Frédéric Biffaud, directeur du développement durable de 3M France, reconnaît que, dans son groupe qui est américain, ces questions d'éthique et de corruption ne sont pas prises à la légère. il donne l'exemple d'une action menée depuis 2010 : "Il a été défini 10 pays dans le monde considérés comme à risque, comme la Chine ou encore la Thaïlande, dans lesquels l'ensemble des fournisseurs ont été audités".
Un enfer administratif
Thierry Bellon, directeur général achats du groupe Air France, pense que la solution peut également se trouver en France. "Les mentalités évoluent, il n'y a pas beaucoup de tentatives de corruption dans les achats", remarque-t-il. Au sein d'Air France, une charte éthique a été définie et elle ne reste pas cantonnée aux achats mais est diffusée à l'ensemble du groupe.
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Surtout, il ne veut pas tomber dans les méandres administratifs de la loi Sarbanes-Oxley aux Etats-unis : "Il ne faut pas que ce chemin pavé de bonnes intentions devienne un enfer administratif", assène-t-il. Selon lui, imposer plus de contrôles, de reportings, n'est pas la solution. "Il faut une approche plus pragmatique", estime-t-il. François Nogaret, de Mazars, reconnaît que le dispositif prévu par la loi Sapin II est lourd. "Mais il ne concerne pas les petites entreprises, pour ne pas les noyer. Il y aura un effet d'apprentissage avec les grandes entreprises qui donneront l'exemple", pense-t-il.
Pour les épauler, les directions achats peuvent se tourner vers la norme Iso 26000 d'Afnor. "Mais elle ne se limite pas à la corruption : elle concerne la responsabilité sociétale des organisation dans son ensemble", précise Bruno Frel, expert achats responsables au sein de l'Afnor. Il invite quant à lui à réaliser une cartographie de ses risques fournisseurs. Une approche pragmatique, on vous dit.