[Tribune] Gestes barrières et livraison de colis: innover pour tirer les leçons de la crise
Comment améliorer les conditions sanitaires de la livraison à domicile? Comment construire des infrastructures plus résilientes? Pour répondre à ces questions, un bilan provisoire des événements s'impose, selon Olivier de Rodellec, cofondateur de Boks.
Je m'abonneAu cours des premières semaines de confinement, la fermeture de la plupart des lieux de vente physique a entraîné une augmentation considérable et inédite des commandes en ligne. Ainsi, à partir du 20 avril Colissimo a constaté une croissance des volumes en hausse de 15% à 20%, qui s'est accélérée après le déconfinement. Croissance qui, selon le baromètre Salesforce, a pu connaître une hausse de plus de 200% pour certaines catégories de produits spécifiques, comme les imprimantes, ou des produits de première nécessité. En temps normal, une telle surcharge des réseaux logistiques aurait pu être absorbée sans grande difficulté. Mais à chaque étape du parcours des colis, les conséquences de la pandémie se sont fait sentir et ont rendu chaque jour plus difficile leur acheminement dans les délais impartis.
Face à une situation aussi imprévisible que celle du confinement, tous les acteurs de la livraison ont dû improviser. Dans les centres logistiques, le respect des gestes barrières a représenté un véritable défi technique et organisationnel qui a notamment poussé Amazon à devoir fermer tous ses sites pendant cinq jours. En quelques jours, les acteurs du dernier kilomètre ont quant à eux dû revoir entièrement leurs procédures de remise de colis pour s'adapter aux précautions imposées par le ministère de l'Economie et des Finances. Celles-ci prévoyaient notamment que plus aucune signature ne soit recueillie par les livreurs, que la livraison en boîte aux lettres normalisée soit toujours privilégiée et que tout contact entre livreurs et destinataires soit proscrit. Sauf respect de ces conditions, le consommateur se devait de prendre son mal en patience: les bureaux de poste et points relais colis étant fermés. La proportion de colis non livrés ou livrés avec plusieurs semaines de retard est donc sans surprise montée en flèche.
Des leçons à tirer pour toute une industrie et pour les années à venir
Le confinement maintenant terminé, les bureaux de poste ouvrent de nouveau leurs portes et les relais colis reprennent du service. Mais pour autant, un retour à la normale n'est pas envisageable à date : le virus est toujours présent et avec lui, le spectre d'une possible seconde vague de contamination. Par ailleurs, en cas de nouvelle pandémie au cours des prochaines années, les consommateurs ne comprendraient pas qu'aucune leçon n'ait été tirée de cette crise et que les services de livraison soient à nouveau pris de court. Il est donc primordial de construire des infrastructures plus résilientes et plus aptes à prévenir toute forme de contamination.
Les mesures sanitaires mise en place pour répondre aux impératifs de sécurité mettent ainsi en lumière toutes les faiblesses des infrastructures de livraison actuelles. Les files d'attente en bureau de poste s'allongent parfois sur des centaines de mètres tandis que les relais-colis, souvent situés dans des boutiques exiguës et dédiées à d'autres activités, ne peuvent que difficilement assurer la sécurité sanitaire de la livraison. C'est pourquoi de nouvelles options doivent impérativement être envisagées.
Des dispositifs de livraison au service de la distanciation sociale
C'est ce que font de nombreux syndics et promoteurs immobiliers en misant sur les consignes connectées. Au cours des dernières mois, ce type de dispositif a connu un succès croissant et de nombreux immeubles devraient être équipés dans les mois à venir. Initialement conçues pour assurer la livraison des colis en l'absence de leur destinataire et éviter les déplacements en relais colis, ces infrastructures, complémentaires des boîtes aux lettres, ont désormais une utilité additionnelle: assurer la distanciation physique entre livreurs et destinataires. Dans un contexte de crise, l'innovation ne se fait pas à partir de rien mais, le plus souvent, en détournant de leur usage initial et en adaptant des outils déjà existant.
Avant le confinement, une réflexion sur les infrastructures de livraison et en particulier sur le dernier kilomètre avait été engagée par les pouvoirs publics et avait fait l'objet d'un rapport du groupe La Poste. L'objectif : fluidifier la circulation dans les hypercentres des villes et ainsi réduire la pollution et les encombrements. L'installation massive de consignes domestiques, permettant une livraison pendant les heures de bureau et donc en dehors des heures de pointe, faisait déjà partie des principales pistes envisagées. La pandémie et l'interruption du service qu'elle a entraîné ne font donc que conforter les décideurs publics et privés dans leur intuition: le déploiement d'infrastructures plus résilientes est un enjeu majeur tant sur le plan sanitaire qu'économique.
Les crises constituent des moments d'apprentissage accéléré et se révèlent également être des moments privilégiés pour saisir des opportunités. La pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires qui ont été prises ont été pour les acteurs de la livraison une occasion de se réinventer. En rendant la livraison à domicile particulièrement indispensable, elle a aussi augmenté le niveau d'exigence de ses publics et montré le besoin impérieux d'imaginer des infrastructures plus résilientes et pérennes.
L'auteur
Diplômé de l'EDHEC et ancien banquier d'affaires chez Lazard et Rothschild, Olivier de Rodellec quitte à 38 ans le monde des affaires pour se lancer dans l'aventure entrepreneuriale. Il rencontre alors Adrien Oksman et ils décident ensemble de fonder Boks.