Ethique dans les achats : où en est-on ?
Le 9e Forum sur les achats responsables, organisé par MDC en partenariat avec l'ObsAR, le 8 mars dernier à Paris, a été l'occasion d'aborder la problématique, encore taboue en France, de la corruption dans les achats.
Je m'abonneSi la France est la 5e puissance économique mondiale, elle n'est que 26e au classement de l'association "Transparency International", qui a pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales mondiaux. La France se trouve ainsi au même rang que le Qatar...
Si la France est en retard par rapport à la moyenne de l'OCDE, les pays scandinaves, eux, font encore une fois office de bons élèves.
Une situation curieuse alors que de nombreux dispositifs de lutte existent pourtant dans beaucoup d'entreprises comme des référentiels de déontologie ou systèmes d'alerte. Les contextes, à la fois législatif et normatif, sont par ailleurs favorables avec notamment le projet de norme 37001 "anti-bribery management systems" (systèmes de management anti-corruption) ainsi que la loi Sapin II relative à la lutte contre la corruption et à la transparence de la vie économique.
Une obligation à l'ère du tout connecté
"La corruption devient un élément qui rentre dans le jeu concurrentiel entre les entreprises", a expliqué Patrick Widloecher, déontologue au sein du groupe La Poste. Et avec l'explosion du net et des réseaux sociaux, les entreprises doivent aujourd'hui se prémunir contre ce risque car il en va de leur réputation et parfois même, de leur survie.
Chez Allianz, par exemple, la direction des achats RSE pilotée par Jean-Luc Durand a mis en place une cartographie spécifique pour les risques de corruption donc touchant aux cadeaux en tout genre et autres invitations. "La corruption reste un domaine très délicat en France", a tenu à souligner Guy Isimat-Mirin, le vice-président de l'ObsAR, ajoutant que cette politique des cadeaux faisait l'objet d'un large traitement dans le projet de norme 37001.
Le groupe la Poste a également mis en place une politique "cadeaux-invitations" qui cadre les choses avec des barèmes et des demandes systématiques de justificatifs car "tout cela doit être auditable", a insisté Patrick Wildloecher. Le groupe a également développé un système d'alertes et le déontologue précise que 90% d'entre elles sont en réalité des demandes d'informations émanant de salariés se trouvant face une problématique éthique...
Mais la vigilance doit aussi être portée au niveau des liens familiaux entre donneurs d'ordres et fournisseurs ainsi qu'au niveau des tiers qui agissent au nom de l'entreprise.
"La posture de l'acheteur doit être la tolérance zéro"
Pour le directeur des achats hors programmes de France Télévisions, Olivier Debargue, "la posture de l'acheteur doit être la tolérance zéro" car, poursuit-il "avoir la conscience tranquille cela n'a pas de prix". De même que l'"on ne boursicote pas avec ses fournisseurs" a lancé de son côté le directeur achats France du groupe Lafarge, Luc Jeanneney.
D'autant plus que jouer avec le feu c'est également prendre des risques avec l'Urssaf...
Une tolérance zéro qui n'est cependant pas toujours facile à instaurer. "Tout est une question de mesure, a conclu Guy Isimat-Mirin (ObsAR), et cela doit être parfaitement encadré par l'entreprise."