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Déchets de chantier : un virage à saisir

Publié par Pierre Lelièvre le - mis à jour à
Déchets de chantier : un virage à saisir

Avec plus de 40 millions de tonnes générées par an, le bâtiment doit s'inspirer de l'économie circulaire pour améliorer la gestion et la valorisation des déchets. Un enjeu qui doit aussi mobiliser les artisans sur leurs chantiers.

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Renforcer le tri, le réemploi et la valorisation des déchets issus du bâtiment et des travaux publics. Trois objectifs rappelés par le gouvernement en avril dernier lors de la présentation de la feuille de route en faveur de l'économie circulaire, ce alors que le secteur du BTP est le principal producteur de déchets avec près des deux tiers du total généré en France - soit 227,5 millions de tonnes selon le ministère de la Transition écologique et solidaire.

En attendant une évolution du cadre réglementaire - un groupe de travail planche actuellement sur l'établissement de nouvelles obligations -, l'objectif vise une meilleure efficacité dans le traitement des déchets de chantiers. Si les TP génèrent davantage de volume, c'est bien sur le secteur du bâtiment que se focalise l'attention. En cause, les 42 millions de tonnes de déchets non dangereux dont la moitié est imputable aux entreprises de moins de 20 salariés.

"Bien que les TP génèrent plus de déchets en volume, l'objectif est de s'attaquer à ceux du bâtiment puisqu'ils sont beaucoup plus diffus et donc moins bien traités", fait savoir Sylvain Bordebeure, coordinateur mobilisation et valorisation des déchets du BTP à l'Ademe. D'autant que les règles européennes imposent que 70 % des déchets du BTP soient valorisés en 2020. Selon le ministère, environ 63 % des déchets de chantiers inertes le sont aujourd'hui, avec des différences entre secteurs du BTP. "Une contrainte" qui impose aux acteurs de se saisir de ces problématiques.

Faire évoluer les pratiques

L'objectif est-il atteignable ? Pour Didier Michel, vice-président du Syndicat des entreprises de démolition, de dépollution et de recyclage (SEDDRe), "nous ne sommes pas encore à 50 % de déchets recyclés dans le bâtiment. C'est très variable en fonction des matériaux et des régions". Si la filière du béton est en pointe, le recyclage des déchets du second oeuvre est loin d'être optimal, à l'image de la laine de verre ou de roche.

La faute notamment à un tri encore trop rare sur les chantiers entraînant des volumes de déchets mélangés. "Il y a une vraie problématique de gestion et de valorisation dans ce secteur en raison de la variété des matériaux utilisés dans le second oeuvre, abonde Sylvain Bordebeure (Ademe). Le vrai challenge est d'arriver à collecter, puis trier et enfin valoriser. Aujourd'hui, on se situe à la moitié du mieux collecter". L'enjeu du tri à la source n'est pour autant pas vain, il s'impose même comme un prérequis à la bonne mise en marche de tout le système de recyclage et de valorisation.

De même, la bonne gestion des stocks figure aussi comme une démarche décisive (voir ci-dessous). Pour éviter que les déchets diffus ne finissent mélangés dans les lieux de stockage, cela passe par une amélioration du tri à la source. "Les chantiers doivent être suffisamment coordonnés et organisés pour anticiper cette phase du tri, mais la difficulté est qu'un artisan ne peut pas faire une benne pour chaque matériau", note Didier Michel qui souligne que "le tri sur les chantiers est la première marche" dans le processus.

Si depuis début 2017, les distributeurs ont l'obligation de récupérer les déchets de chantiers, l'offre en déchetteries professionnelles reste dans certaines zones trop réduite pour faciliter le quotidien des artisans. Pire, certaines déchetteries municipales n'ont pas toujours les flux ad hoc et la capacité de faire un tri poussé.

Autre plan sur lequel la sensibilisation doit s'opérer, une meilleure transparence entre les artisans et les clients. "Un artisan fait généralement payer l'évacuation des déchets, mais le détail de la facturation est réduit au strict minimum. Tout le monde doit jouer le jeu et faire preuve d'une plus grande transparence", invite Sylvain Bordebeure.

Innover pour valoriser

Si des efforts restent à faire, d'autres innovent et réemploient certains de leurs déchets. S'il est plébiscité et rendu possible par certains professionnels, le réemploi n'est pas pour autant toujours possible. "Ce n'est pas le plus évident car il y a des contraintes techniques et normatives, note l'expert de l'Ademe. Pourtant, c'est l'idéal et intéressant à encourager, mais c'est aussi le plus contraignant".

Une niche, habituellement observée avec le bois, qu'a saisie Daniel Dérudet, marbrier à Miribel (Ain). L'artisan à créer le Lamellé Roches, une gamme de produits haut de gamme où l'innovation produit allie un savoir-faire et un subtil assemblage de petits volumes de marbre et de pierre. Une façon d'innover en agissant de manière écoresponsable.

De même que la valorisation ne va pas forcément jusqu'au réemploi, elle prend le plus souvent le chemin d'une filière plus classique de recyclage. Pour encourager ce type de pratiques et pousser la structuration des filières, la collaboration des acteurs dans le cadre du projet Démocles a permis d'établir un guide d'information de valorisation des différents matériaux. Bitume, bois, briques plâtrières, métaux, moquettes, PVC et bien d'autres font l'objet de précisions sur les techniques de valorisation et les filières les plus à même de les traiter.

La FFB a également lancé un site qui propose de localiser les lieux de collecte à proximité et fournit diverses informations précieuses aux artisans. Le ministère estime, dans un rapport de 2017, que les entreprises de moins de 20 salariés valorisent ou réutilisent 55 % de leurs déchets inertes. Une démarche à encourager encore plus pour que le bâtiment ne soit plus autant montré du doigt sur sa capacité à mieux gérer les déchets.

Quand l'Atelier de l'Artisan offre une seconde vie aux matériaux

Rémi Castagné

Rémi Castagné

"J'ai voulu que les gens puissent puiser dans le surplus et revaloriser les matériaux qui sont issus de stocks dormants, des annulations client, des erreurs de commande ou des produits défectueux", présente Rémi Castagné, gérant de l'Atelier de l'artisan dans l'Averyon. En centralisant et en inventoriant les produits jetés par les professionnels, la plateforme veut agir sur les millions de tonnes jetées chaque année dans le bâtiment et leur donner une seconde vie à un coût largement moindre (minimum 50 % de moins).

"Aujourd'hui, une paroi de douche qui n'est pas aux bonnes dimensions est simplement jetée alors qu'elle peut faire le bonheur d'un particulier ou d'un artisan sur un autre chantier", ajoute-t-il. Plébiscitée davantage par les particuliers aujourd'hui (60 % de l'activité), cette solution "se destine aussi aux artisans", assure le gérant, qui s'attache à tisser des partenariats avec des distributeurs d'outillages et de matériaux pour récupérer les produits difficilement commercialisables.

Une démarche pleinement intégrée à l'économie circulaire que le dirigeant souhaite encourager ailleurs. "L'objectif est d'apporter des solutions de ce type en ayant une assise au niveau local pour limiter l'impact carbone du transport", précise l'entrepreneur qui pense à dupliquer le modèle.

Repères :

Raison sociale : SARL Atelier de l'artisan
Activité : Dépôt-vente de matériaux de construction B2B et B2C
Siège social : Luc-la-Primaube (Aveyron)
Date de création : Octobre 2016
Dirigeant : Rémi Castagné, 35 ans
Effectif : 3 salariés
CA 2018 : 200 K€ (prév.)



 
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