Collaboration entre la direction achats et les startups: freins et opportunités
Les grands groupes cherchent désormais à capter les nouveaux besoins, tendances, problématiques et façons de travailler. Ils ont plus que jamais conscience que l'environnement appelle à se repenser chaque jour et sont plus ouverts à l'innovation...
Je m'abonne"Transformation organisationnelle et collaboration entre grands groupes et startups" fut le sujet d'un petit-déjeuner/débat organisé il y a peu par David Brechet, directeur de régions de Meotec à Lyon. "Deux constats forts ont motivé cette rencontre", raconte-t-il : "dans une société en pleine transformation, les grandes entreprises, souvent très structurées, sont face à de nouveaux enjeux en termes de management et d'organisation et ont un intérêt majeur dans la collaboration avec des startups pour se transformer et attirer les talents de demain" et, d'autre part, "Les start-ups, jeunes sociétés dynamiques, agiles et à la culture d'entreprise libérée sont un réel atout, mais ont à l'opposé des grands groupes une échelle de temps beaucoup plus courte".
Le groupe, composé de sept personnes, a travaillé sur quatre axes: "Quelles sont les attentes de cette collaboration entre grands groupes et startups ?" - "Le réel challenge aujourd'hui : s'adapter et se réorganiser progressivement ?" - "Comment booster sa façon de travailler de manière concrète ?" et "Quels sont les freins à la transformation des méthodes de travail ?".
Quelles sont les attentes de cette collaboration entre grands groupes et start-ups ?
"On accompagne l'innovation par la transformation des méthodes de travail" - Jérémie Bataille, FlexJob
Premier constat: face aux nouvelles attentes des marchés tels que l'automobile ou les transports et leur ouverture à la concurrence, des enjeux sont apparus au sein des grands groupes, en termes de méthodes de travail et en termes de risque de perte de marchés. Les grands groupes cherchent désormais à capter les nouveaux besoins, tendances, problématiques et façons de travailler. Ils ont plus que jamais conscience que l'environnement appelle à se repenser chaque jour et sont plus ouverts à l'innovation tant en termes d'organisation que de management, relève le groupe.
Deuxième constat: du côté des start-ups, l'objectif est de redonner du sens à ces entreprises dont le mode de fonctionnement traditionnel est à bout de souffle et qui évoluent dans un environnement de plus en plus incertain, bousculé par la digitalisation et les nouveaux codes du travail. Volvo par exemple, a bien compris l'intérêt en créant une cellule interne "Innovative Purchasing" visant à favoriser l'autonomie, la responsabilisation, apporter un management adapté et à favoriser par ce fait la collaboration avec les start-ups, comme l'a expliqué Marion Keller, Vice President Indirect Products & Services chez Volvo Group.
Le réel challenge aujourd'hui : s'adapter et se réorganiser progressivement ?
"La performance au service du bien-être ou le bien-être au service de la performance, j'ai fait mon choix" - Jérémie Bataille, FlexJob
Les start-ups accompagnent les grands groupes, les conseillent et facilitent le changement et la transformation vers de nouveaux modes de travail. Pour Jérémie Bataille, fondateur et dirigeant de la start-up Flexjob, plateforme de mise en relation entre candidats et entreprises ainsi que d'accompagnement au changement, "il faut agir en remettant l'Humain au coeur des préoccupations". Marion Keller, pense quant à elle qu' "il faut créer des cellules pour permettre de modifier l'image des processus lourds dans l'industrie automobile, longtemps considérée comme une très bonne école. L'enjeu est de faire du groupe une entreprise libérée, d'attirer les nouveaux talents et de leur permettre d'exprimer pleinement leur potentiel."
Les participants ont également pointé "une problématique culturelle": "certains pays, de par leur niveau de maturité et leurs usages, constituent des terrains moins favorables à des innovations organisationnelles. Sur les terrains matures, il faut en outre créer une cellule avec des profils adaptés, pour contrer la tendance naturelle qu'a l'employé à, dans sa recherche de sécurité, à revenir sur un schéma classique. Il faut quand même noter que contrairement à l'image véhiculée, les start-ups et les entreprises libérées disposent tout de même d'un cadre, tout comme une entreprise classique, mais ce dernier doit être moins formalisé et fonctionner plus librement."
Comment booster sa façon de travailler de manière concrète ?
De plus en plus de grands groupes mettent en place des programmes tels que des Hackathon avec des écoles pour impliquer les étudiants au projet d'entreprise et travailler sur l'innovation et la transformation. "Ces projets sont particulièrement efficaces car ils permettent de travailler sur un sujet de manière concrète au niveau local et donnent le droit de se tromper tout en développant la marque employeur", ont estimé les participants à cette rencontre.
Il est primordial de rendre son organisation et ses processus plus humains mais également plus agiles, afin d'assurer une transformation efficace avec de la croissance. On peut alors se demander : quelle est la vision des achats dans l'organisation ? Ce rôle doit-il s'étendre au-delà, vers l'humain, la transformation ou encore la gestion des talents ? Une mutation des achats est-elle à venir ? Jérémie Bataille, fondateur de Flexjob apporte ici un élément de réponse : "Sur les 10 grandes entreprises avec lesquelles je travaille, je n'ai jamais rencontré la direction des achats, tout se passe via les métiers". Le service achats, fonction relativement jeune, cherche donc encore sa légitimité.
Quels sont les freins à la transformation des méthodes de travail ?
Le groupe a identifié deux freins majeurs:
- Un conflit entre le management traditionnel et les besoins des nouvelles générations. "Ainsi, certains managers défendent la culture du présentéisme, tandis que des candidats souhaitent travailler au sein d'organisations transformées, avoir un équilibre entre vie professionnelle et personnelle, des responsabilités et de l'autonomie. En prenant l'exemple du télétravail, on retrouve un manque de confiance de la part des grandes entreprises, qui n'arrivent pas à sortir du cadre et qui craignent des abus. De plus, il y a questionnement quant à la cohésion : le fait de ne pas être ensemble physiquement n'a-t-il pas un impact négatif sur la cohésion de groupe et l'esprit d'équipe ?"
- Un manque d'agilité au niveau global : "il est préférable de commencer par des transformations ciblées au niveau local car elles seront plus efficaces. Mais il n'est pas impossible d'être agile au niveau global, c'est le cas par exemple de Décathlon qui a rendu le pouvoir en local afin de permettre une agilité globale. En effet, les entités sont autonomes et ont chacune leur propre fonctionnement et management. Chaque cellule dispose de ses méthodes de travail et les résultats sont plus que prometteurs !"
Donner du sens et se laisser le droit à l'erreur
Tous les participants se sont accordés à dire qu' "Il est nécessaire de donner du sens" : "les impulsions doivent venir de la direction et la culture d'entreprise doit être adaptée à la transformation : innovation, culture du risque et mise en avant de la responsabilisation de chacun. Aujourd'hui, la transformation organisationnelle est essentielle au sein des entreprises. L'innovation doit aller au-delà du produit, vers les services, le recrutement et les méthodes de travail. Elle doit servir le relationnel, le management et avant tout l'Humain."
L'unanimité se fit aussi sur le principe suivant: "Le droit à l'erreur est également fondamental pour avancer". Par essence, les startups cherchent leur modèle dans une logique essai-erreur-évaluation. Il faut aller vite et capitaliser sur les enseignements pour constamment mieux se réinventer. Les grands groupes vont devoir en prendre de la graine.
Participants au douzième petit-déjeuner procurement par Meotec (de gauche à droite sur la photo) : Jérémie Bataille, fondateur et dirigeant de FlexJob ; Marion Keller, direction des achats indirects Europe de Volvo ; David Brechet, directeur associé Meotec Lyon ; Hervé Tietard, directeur d'un pôle achats matériel et maintenance SNCF France ; Gregory Lecaillon, directeurs des achats du Groupe Boiron ; Thierry Quentin, directeur des achats du Groupe Electricfil ; Hugo Berthe, business manager chez Meotec.