Les flottes à l'heure des plans de mobilité
Restrictions de circulation, niveaux d'émission plus exigeants : la gestion des déplacements des collaborateurs se complexifie. Une étape supplémentaire sera franchie lorsque les plans de mobilité deviendront obligatoires, le 1er janvier 2018. Comment s'y préparer ?
Je m'abonneParis, Lyon, Villeurbanne ou Grenoble : depuis le 15 janvier, les autorités locales multiplient le recours à la " circulation différenciée " , un filtrage des véhicules entrant sur leur territoire opéré au moyen des nouvelles vignettes Crit'air, désormais indispensables sur un coin du pare-brise. Une autre échéance se profile, celle des plans de mobilité d'entreprises, qui deviendront obligatoires au 1er janvier 2018. Issue de l'article 51 de la loi de transition énergétique, la mesure concerne les entreprises possédant des sites de plus de 100 salariés implantés dans le périmètre d'un plan de déplacements urbains (PDU).
Définir le périmètre puis le calendrier
Par conséquent, un groupe multisite devra commencer par inventorier l'ensemble de ses implantations abritant au moins 100 salariés puis vérifier, pour chacune d'elle, sa localisation sur la carte de France des PDU, un document tenu à jour par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Reste à déployer la démarche au cas par cas sur chacune des unités, un chantier quasi-titanesque à l'échelle d'un grand groupe. "Sur une entreprise monosite, le plan de mobilité peut se déployer en trois à six mois car les méthodologies sont éprouvées. En multisite, c'est plutôt six mois", avertit Adeline Gogé-Lefaivre, directrice marketing et communication de Bemobi, une filiale de La Poste (issue de la fusion de Greenovia, Mobigreen et Véhiposte) spécialisée dans le conseil en mobilité. Avec 350 implantations concernées aux quatre coins de la France, la maison mère a d'ailleurs pris les devants, en entamant son propre chantier mi-2016.
Si l'objectif est bien de déposer auprès de l'autorité organisatrice des transports localement compétente un plan de mobilité en bonne et due forme au premier janvier prochain, la loi n'a prévu aucune amende à l'encontre des récalcitrants. La sanction sera indirecte, rappelle cependant Christelle Bortolini, chargée de mission management de la mobilité à l'Ademe : "L'entreprise n'aura plus le droit aux aides techniques et financières de l'Agence et ce dans tous les domaines, comprenant le bâtiment, les énergies renouvelables, etc. Un impact significatif à l'échelle d'un grand groupe."
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S'inspirer des PDE
Selon le nombre de sites, le recours à un prestataire pour élaborer un plan de mobilité clé revient entre 15 000 et 30 000 euros (jusqu'au double dans le cas d'un plan interentreprises). Certaines options peuvent s'ajouter : coaching sur la partie technique (1 500 euros environ), création d'une application de covoiturage (1 500 à 5 000 euros par an), animation du plan (500 euros par jour), etc. Quant à la prestation initiale de géolocalisation des collaborateurs, son coût peut être allégé par des aides des collectivités locales voire pris en charge par un opérateur de transports en commun dès lors que le site représente un gisement de clientèle important.
Quant à sa rentabilité globale, "si le client accepte les solutions que nous préconisons, le ROI peut être quasiment immédiat et représenter 10 à 30 % du coût global de la mobilité", affirme Adeline Gogé-Lefaivre, directrice marketing et communication de Bemobi. Attention à ne pas faire du plan de mobilité un levier d'optimisation de la flotte, même si une démarche bien pensée peut générer des économies. Tel est le cas avec l'autopartage : "Il ne réduit pas le parc de véhicules affectés mais les dépenses de taxi, de location courte durée et les indemnités kilométriques, évoque François Falezan, consultant manager au sein du cabinet de conseil Epsa. Sur ces postes, les gains potentiels sont de l'ordre de 10 à 20 %."
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Initier une démarche transversale
C'est ce qu'a réalisé le groupe AG2R La Mondiale sur son site historique de Mons-en-Baroeul, pionnier des PDE en 2004, qui est en train de décliner sa méthode sur une vingtaine d'autres. Sur ce site de 1 300 personnes, l'entreprise avait, à l'époque, incité ses collaborateurs à emprunter la station de métro, située juste en face, à venir travailler à vélo ou à covoiturer. Si 15 à 20 % sont, depuis, devenus des adeptes des transports en commun, les autres ne pédalent plus pour venir travailler, par crainte pour leur sécurité sur la route malgré un premier engouement, et la plateforme de covoiturage a été suspendue fin 2016, faute d'animation. "On s'est aperçu que ces questions sont très personnelles", confie Caroline Boucly-Cisilotto, chargée d'études au sein de la direction RSE de AG2R La Mondiale.
Pour travailler sur son nouveau plan de mobilité, l'assureur a constitué un groupe de travail "mobilité durable" associant les directions en charge de la RSE, de l'immobilier, des ressources humaines et celles des sites. Pour Lucile Janssoone, la clé du succès tient en trois étapes : "Il faut établir un diagnostic complet de la mobilité, puis le proposer aux salariés pour recueillir leur avis sur les solutions qu'ils souhaitent, avant de les mettre en oeuvre et surtout de les animer." Un écueil que AG2R La Mondiale a bien intégré en proposant à six salariés de Mons-en-Baroeul, de devenir "relais de mobilité" : "Ils sont chargés d'informer les salariés des modes de transport existants et ils participent à des animations, comme lors de la semaine européenne de la mobilité", ajoute-t-elle. L'élargissement de la démarche a également permis d'adopter des solutions de réduction des déplacements en multipliant par quatre les salles de visio-conférence.
Procéder par étapes
Chez Bemobi, la phase préparatoire au plan de mobilité a pour but de "dédramatiser l'intervention", comme le souligne Adeline Gogé-Lefaivre. La collecte d'information est quantitative (données concernant les déplacements, la cartographie des domiciles, la structure de la flotte, l'accessibilité des sites...) mais aussi qualitative : "Nous rencontrons les collaborateurs pour évoquer la question des horaires atypiques, leur usage des transports en commun. Nous pouvons leur proposer d'expérimenter la réservation d'un véhicule en pool, et nous interrogeons les managers pour identifier les freins", ajoute-t-elle. L'objectif étant de proposer un plan adapté et surtout durable puisque les investissements nécessaires sont priorisés sur trois à cinq ans. À noter que l'Ademe devrait proposer une plateforme accessible en ligne regroupant des éléments de méthodologie au cours de premier semestre 2017.
La mobilité comme "crédit"
Ubeeqo (ex-Carbox) a été le premier à inciter les entreprises à repenser leur approche de la voiture de fonction pour y substituer un "crédit mobilité" : les collaborateurs acceptent un véhicule plus petit mais la différence de prix est mise à leur disposition sous la forme d'un crédit utilisable pour régler des abonnements aux transports en commun, des notes de taxis, des billets de trains, des locations de voiture y compris pour leurs déplacements personnels. "Par rapport à un véhicule avec un TCO de 12 000 euros, lorsque le collaborateur accepte un modèle à 6 000 euros de TCO, il obtient 5 000 euros de crédit mobilité", affirme Emmanuel Nedelec, le p-dg de l'entreprise. Une prestation qu'a choisie Bristol-Myers Squibb pour son siège de Rueil-Malmaison dans le cadre de son PDE.
"Nous avons réalisé une étude sur la flotte des véhicules de fonction de nos collaborateurs sédentaires. Or, plus de 50 % parcouraient moins de 15 000 kilomètres par an et 20 % moins de 10 000 km", explique Xavier Bazan, gestionnaire de la flotte. L'offre a permis de faire une proposition plus attractive aux yeux de certains collaborateurs, plus respectueuse de l'environnement et sans surcoût.
Une illustration que la rentabilité d'un plan de mobilité implique de travailler finement sur les solutions disponibles pour les adapter par site, par service voire par collaborateur.
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Plans de mobilité : des effets sur l'optimisation des frais généraux ?
L'auteur : Yann Guillaud est associé chez Euklead. Après 25 ans dans l'amélioration et la gestion des parcs automobiles d'entreprises, il s'associe pour créer le cabinet de conseil en optimisation des coûts Expeliance. Yann Guillaud participe à la création du réseau Euklead en 2013. Il exerce comme expert en gestion de flottes automobiles.
Pour mettre en place les plans de mobilité, les gestionnaires de flotte doivent travailler avec tous les collaborateurs, bon nombre de services au sein de l'entreprise ainsi qu'avec les opérateurs extérieurs. Il s'agit de tâches chronophages qui représentent des coûts masqués pour l'entreprise.
Les plans de mobilité (PDE) sont des démarches dont l'objectif est d'inciter les salariés d'une entreprise à effectuer leurs déplacements domicile-travail avec un autre mode de locomotion que la voiture particulière. Dans le cadre de leur mise en place, les entreprises de plus de 500 salariés doivent nommer un référent. Elles doivent élaborer et communiquer le plan d'action en préfecture, puis elles sont tenues de remettre un rapport annuel d'avancement de leurs travaux. Pour l'instant, les entreprises de moins de 100 salariés ne sont pas tenues de mettre en place un PDE. Mais elles devront élaborer un plan de mobilité à remettre, avant janvier 2018, à l'autorité organisatrice du plan de déplacements urbains qu'est le SITURV.
Une gestion chronophage
On ne peut que reconnaître les bienfaits de la démarche pour la collectivité (limitation voire diminution du trafic routier et des contraintes inhérentes), pour le salarié (solutions proposées par l'entreprise, économies) et pour l'entreprise (amélioration du fonctionnement général). Il ne faut cependant pas minimiser l'impact financier que représente une telle démarche pour l'entreprise. En effet, les tâches relatives à la mise en place et au suivi d'un plan de mobilité incombent généralement au gestionnaire de la flotte automobile de l'entreprise. Il doit réaliser le diagnostic, construire un plan d'action, le mettre en oeuvre puis suivre, animer et évaluer les résultats. Pour ce faire, il doit travailler avec tous les collaborateurs, bon nombre de services au sein de l'entreprise ainsi qu'avec les opérateurs extérieurs. Il s'agit de tâches chronophages qui représentent des coûts masqués pour l'entreprise.
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Privilégier le covoiturage et la mutualisation des parcs
Impossible d'être défavorables à ces démarches qui accentuent l'inclination vertueuse d'une utilisation raisonnée des parcs d'entreprise. Mais ne nous leurrons pas, la promotion du vélo et l'encouragement à l'utilisation des transports pour les trajets domicile-travail, n'auront pas d'impact (sauf exception) sur le nombre de véhicules de fonction ou de service. Par contre, l'incitation au covoiturage et à la voiture électrique permettra, à moyen terme, d'optimiser les tailles et les habitudes d'utilisation des parcs automobiles. Le covoiturage habituera les utilisateurs à partager le moyen de transport. L'utilisation des sites (ou des logiciels) de covoiturage facilitera la prise en main des outils de mutualisation. Une fois la population éduquée, il n'y aura ensuite qu'un pas pour développer l'utilisation mutualisée d'une partie du parc. Un parc partagé et optimisé est plus économique que la fourniture d'un véhicule de service par utilisateur. De son côté, l'incitation à utiliser la voiture électrique permettra de la démocratiser et habituera les gestionnaires de parcs à les intégrer dans les catalogues.
Des effets bénéfiques sur les coûts
Aujourd'hui, les aides de l'état, les abattements de taxes, le faible coût du "carburant ", le développement d'offres rechargeables (sécurisantes pour les longs trajets) font que les véhicules diesel sont moins pertinents sur des lois de roulages inférieures à 10 000 kilomètres par an. Il est ainsi possible d'avancer que, malgré la contrainte imposée directement au gestionnaire de parc et les coûts masqués que cela représente, certains aspects de la mise en place d'un plan de mobilité auront des effets bénéfiques sur les coûts des parcs automobiles des entreprises. C'est la raison pour laquelle il convient de les intégrer dans sa démarche d'optimisation des coûts.