Zoom sur la transformation des achats de Danone
Estelle Chambet-Weil, Procurement Transformation Director de Danone, raconte le projet de transformation des achats que le groupe agroalimentaire a lancé en janvier 2019. à mi-chemin du projet, elle livre sans fard les challenges qu'elle a dû relever. Inspirant.
Je m'abonneAprès avoir créé aux Pays-Bas une centrale d'achats dédiée aux achats directs en 2013, Danone s'est attaqué aux achats indirects en 2018. L'objectif affiché était alors de réaliser une économie d'un milliard d'euros sur trois ans. "Très vite, nous nous sommes rendu compte que pour atteindre un tel objectif, il nous fallait mettre en place une plateforme PtoP digne de ce nom", a relaté Estelle Chambet-Weil, Procurement Transformation Director de Danone, lors d'un webinar organisé par Coupa. En effet, une étude sur les achats dans le futur, commandée à Accenture par la CPO du groupe, a rapidement fait émerger le PtoP sur les achats indirects comme un sujet clé.
Service achats trois étoiles
Si le sujet des outils est au coeur du projet, Estelle Chambet-Weil a souligné qu'il ne s'agissait pas que d'une transformation digitale mais bien d'une réforme de fond en comble : outils, organisation et process.
"Nous avons surnommé ce programme de transformation "Programme Michelin", en référence au Guide Michelin : nous souhaitions fournir la meilleure expérience possible au business", a précisé Estelle Chambet-Weil. Et de poursuivre : "Auparavant, les achats chez Danone c'était "Cauchemar en cuisine" : le service était correct mais, derrière, les acheteurs souffraient car ils étaient présents sur tous les fronts - stratégie, analyse des données, activités opérationnelles, etc. Il nous fallait construire une cuisine plus efficace en libérant les acheteurs de tâches à faible valeur ajoutée et en nous concentrant sur les économies, l'innovation et le développement durable". Ainsi, au-delà de nouveaux outils, un back-office constitué d'experts en data et analytics a été créé afin d'offrir un support aux acheteurs. "Notre base de données n'était pas harmonisée, les acheteurs ne savaient pas combien on dépensait : nous avons voulu leur donner accès aux datas pour pouvoir les utiliser", a expliqué Estelle Chambet-Weil.
L'objectif final est de rendre les achats plus performants, aussi bien au niveau de la direction achats que du business : "Nous avons essayé d'aider l'utilisateur business dans les achats en le connectant à ce que les acheteurs ont négocié et contractualisé", a décrit la responsable. Le but était notamment de mettre fin aux pratiques de "shadow buying" qui étaient assez répandues chez Danone, avec énormément de commandes de faibles montants. "40 % des achats représentaient 1 % des dépenses. Ce qui conduisait à beaucoup de lourdeurs administratives".
Une organisation minutieuse
Côté outil, le choix de Danone s'est porté sur Coupa, après avoir échangé avec des clients de l'éditeur, mais surtout après un POC qui a permis à une trentaine d'utilisateurs de tester en parallèle deux outils présélectionnés. "Il s'agissait de sortir des discussions entre dirigeants et de permettre à ceux qui utilisent vraiment l'outil d'avoir voix au chapitre". Au final, les utilisateurs-testeurs se sont prononcés unanimement en faveur de Coupa. L'éditeur a été choisi parce qu'il est un spécialiste achats et non pas un généraliste, mais aussi parce qu'il permet d'avoir davantage de choix dans les partenaires qui épaulent Danone pendant le projet. Danone s'est fait accompagner par Accenture dans ce travail de transformation, aussi bien pour cadrer le périmètre, que pour définir l'architecture IT ou encore évaluer les économies. Et ainsi permettre à la direction financière de valider plus rapidement le projet. Puis d'avancer.
En interne, l'équipe en charge de mener le projet est venue de différents horizons (Russie, Brésil, etc.) et pas uniquement de la centrale d'achats des Pays-Bas. Six groupes de travail ont été définis : PtoP, source to contract, master data, content (catalogue mais aussi contrats), conduite du changement et une dernière équipe chargée de s'assurer que tout était en place au moment du démarrage (aussi bien au niveau back-office qu'outils). "Il y a aussi une équipe "PtoP champions" : il s'agit de gens venant de différentes régions qui aident à finaliser le " core model" afin de définir les process à déployer dans tout le groupe", a précisé Estelle Chambet-Weil, soulignant qu'un "core model" solide est la clé d'un déploiement rapide.
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Conduite du changement
Malgré cette préparation minutieuse, différents challenges ont dû être relevés. Notamment, l'ampleur du projet, qui n'est pas que PtoP mais bien source to pay (sans la partie facturation) et qui concerne 25 000 utilisateurs. Pour avancer le plus vite possible, les parties prêtes ont commencé, sans attendre que tout soit terminé. Ainsi, le projet Coupa a été lancé l'année dernière et Danone se concentre aujourd'hui sur la partie sourcing. "Le scope du projet a donc sans cesse évolué, ce qui nous oblige à transformer à la fois notre conduite du projet et notre conduite du changement", a résumé Estelle Chambet-Weil.
La conduite du changement est justement le deuxième challenge auquel doit faire face la direction achats de Danone dans le cadre de ce projet. Accenture a mis en place une "training factory" pour faciliter la prise en main de l'outil : les formations sont dispensées dans la langue des utilisateurs pour favoriser une meilleure acceptation. "Il y a un troisième challenge : bien réfléchir à l'organisation une fois le projet terminé. Il faut en effet continuer à l'animer", met en garde Estelle Chambet-Weil.
Enfin, cette dernière a dû passer beaucoup de temps à aller voir chaque direction dans chaque entité afin de persuader tout le monde du bien-fondé d'un tel projet. "La gouvernance est très décentralisée chez Danone, il ne suffisait pas de dire que le projet venait du Comex", a-t-elle expliqué. Et les récentes évolutions n'ont pas simplifié sa tâche. Elle passe désormais beaucoup de temps à convaincre les prochaines régions concernées. Car le projet se poursuit : la moitié du chemin a été parcourue depuis le lancement en janvier 2019.
Des robots ont été mis en place sur la partie des achats directs et Estelle Chambet-Weil espère déployer rapidement des robots sur la partie des achats indirects, afin d'automatiser les tâches répétitives. "Il est important que ce projet source to pay s'accompagne d'une transformation globale des achats : de nouvelles activités émergent, des tâches à faible valeur ajoutée disparaissent... Les acheteurs doivent être accompagnés pour se focaliser sur les activités qu'on souhaite leur faire faire à présent", a conclu Estelle Chambet-Weil.