Véhicules électriques : la mutation des parcs s'accélère
Et si la voiture électrique était enfin suffisamment aboutie pour répondre aux attentes des entreprises ? Le déferlement de nouveautés montre qu'un cap a été franchi. Quant à la fiscalité, elle n'a jamais été aussi favorable. Autant de raisons de sauter le pas, mais pas sans précaution.
Je m'abonnePrès de 55% des véhicules qui ont été mis à la route en 2020 étaient exclusivement électriques, faisant chuter la moyenne des émissions de CO2 du parc roulant à 45g. Aucune "fake news'' derrière ces chiffres mirobolants mais un cas bien réel, celui de la Norvège, où la fiscalité dope les ventes de ces modèles à zéro émission. La France paraît suivre les traces du royaume scandinave après avoir crevé le plafond des 100 000 unités écoulées l'année dernière, sous l'effet des mesures incitatives du Plan de relance.
Fin décembre, l'Avere France avait arrêté les compteurs à 119 737 immatriculations dont 110 916 en VP, soit une progression de 159% malgré la pandémie. Un engouement qui s'explique par un élargissement de l'offre catalogue, y compris sur les segments les plus disputés par les entreprises. Sur le B, la Renault Zoe trouve désormais sur sa route la Peugeot e-208, l'Opel Corsa-e, la Fiat 500 ou encore la Mini Electric. Quant aux berlines et SUV compacts du segment C, ils s'électrifient à leur tour, comme en témoigne l'offensive de Volkswagen avec l'ID3 suivie de l'ID4. Fait nouveau, le marché 2021 s'oriente vers une concurrence sur les prix entre une génération de modèles au positionnement tarifaire affûté : Dacia avec la Spring, mais également l'offre de constructeurs chinois qui mettent un pied en Europe (Aiways avec l'U5, SAIC avec la MG ZS EV et d'autres annoncés pour les mois à venir). Quant aux marques premium, leur offre 100% électrique se veut de moins en moins élitiste. Avec son SUV compact, EQA, Mercedes se positionne sous la barre des 50 000 euros au même titre que des références telles que le Hyundai Kona ou le Kia e-Niro.
Un créneau sur lequel on retrouve Tesla avec sa Model 3, qui vient de profiter d'un sérieux coup de rabot tarifaire. Depuis cette année, le ticket d'accès à la marque d'Elon Musk a baissé de près de 7 200 euros.
Coup de turbo fiscal
Une aubaine pour les acheteurs qui ne doit rien au hasard mais plutôt à la fiscalité. En effet, le bonus maximal de 5 000 euros qu'accorde l'État aux entreprises achetant ou louant une voiture électrique a été recentré. Il est désormais réservé à des modèles dont le prix de vente n'excède pas 45 000 euros (contre 2 000 euros, si le véhicule coûte entre 45 000 à 60 000 euros et rien au-delà de ce seuil). Dans son récent "Guide de la fiscalité 2021'', Athlon a recensé les autres mesures dont bénéficient les voitures électriques et elles sont légion. Les entreprises qui en font l'acquisition sont exonérées de TVS. "Sur un contrat de trois ans, l'économie peut représenter entre 1 500 et 3 000 euros par véhicule", estime Théophane Courau, président de Fatec Group. En outre, les entreprises peuvent amortir une grande partie du coût grâce à un plafond des amortissements non déductibles (AND) relevé à 30 000 euros.
Il est même possible d'amortir la batterie (à condition qu'elle soit facturée séparément). Dans le cas d'un véhicule de fonction, l'avantage en nature (AEN) profite d'un abattement de 50% (destiné à couvrir le surcoût des batteries), dans la limite de 1 800 euros, et l'électricité consommée n'est pas prise en compte dans le calcul (qu'elle provienne d'une borne en entreprise ou au domicile du salarié). Athlon a identifié une économie supplémentaire pour les véhicules électriques immatriculés depuis le 1er janvier 2021 : la suppression de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), qui s'applique à la responsabilité civile obligatoire. Elle peut leur faire gagner jusqu'à 132 euros, estime le loueur.
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Des économies, mais des contraintes
Cette avalanche de cadeaux'' fiscaux a dopé les ventes de véhicules 100% électriques mais pas au point de sortir du jeu les modèles thermiques. Les derniers chiffres que vient de présenter le syndicat des loueurs longue durée, SesamLLD, font état de 13 355 immatriculations en 2020 sur un total de 525 431. Mais la mutation des parcs s'accélère, comme en témoigne Théophane Courau : "Notre stock de véhicules électriques gérés était de 1% en 2019 et il a triplé en quinze mois." Ce fleeter a fait le pari d'accompagner la transition en joignant, à chaque demande de cotation de ses clients pour un véhicule thermique, une proposition alternative en électrique.
Un moyen de donner des points de repères aux acheteurs sur un marché où l'offre et les tarifs varient d'un mois sur l'autre. Malgré la fiscalité, la comparaison en TCO tourne encore peu à l'avantage de l'électrique. "Il existe de très beaux produits mais il faut accepter un effort sur le prix ou sur l'autonomie, or l'écart de budget est de l'ordre de 2% et la fiscalité ne le rattrape pas complètement", reconnaît le président de Fatec Group. Et en pratique, les entreprises doivent prendre en compte des paramètres inédits avec les véhicules thermiques telle que l'autonomie variable des batteries : elle fond comme neige au soleil sous le froid hivernal ou sur autoroute.
Quant à l'entretien, certes allégé, il nécessite de dénicher un garage habilité à proximité. C'est le cas des concessionnaires mais pas encore des centres auto, qui y travaillent. "Il faudra parfois chercher un peu plus loin et l'écart de prix est en moyenne de 20 %", résume Théophane Courau.
Lire la suite en page 2 : Analyser l'usage / Un marché à deux vitesses / "Développer un réseau de proximité"
Analyser l'usage
Dans une logique d'électrification progressive de la flotte, il devient nécessaire de s'affranchir de certaines règles habituelles. "L'offre électrique doit cibler un usage et pas une catégorie de conducteurs", affirme Chloé Monthieu, experte flotte automobile au sein du cabinet EPSA. Ce prestataire intervient en amont pour calibrer les besoins en intégrant les aspects RH, les véhicules et les infrastructures de recharge. Ce dernier poste est important mais pas incontournable. "Un système d'autopartage pour les déplacements professionnels et personnels, et la mise en place d'une offre de private leasing peuvent être des solutions alternatives pour des collaborateurs n'ayant pas accès à un véhicule de fonction", préconise l'experte flotte automobile.
Au-delà du diagnostic, l'accompagnement est également utile en phase de déploiement de la flotte électrifiée. "Pour générer un succès rapidement, nous préconisons le choix d'un site ou d'une région pilote sur une période, avant d'industrialiser la solution", évoque Chloé Monthieu. Mais pour s'imposer à plus large échelle, les performances des véhicules électriques devront correspondre à de plus larges usages.
Un marché à deux vitesses
"Il y a deux marchés, analyse Gérard de Chalonge, directeur commercial et marketing d'Athlon France. D'une part, celui de l'usage urbain et péri-urbain, auquel répondent de petits véhicules électriques associés à des services de mobilité tels que la location courte durée de véhicules thermiques en complément, comme le propose notre offre Flex2use ''. D'autre part, un marché de masse qui vise le remplacement des modèles thermiques à usage intensif par des électriques à forte autonomie."
Le deuxième est, pour l'instant, réservé à des modèles qui affichent plus de 500 km d'autonomie. Or, ils restent peu nombreux et chers. "Pour ce type d'utilisation, la transition par l'hybride rechargeable, essence ou diesel, est un passage obligé. Il rassemble le meilleur des deux mondes", insiste Gérard de Chalonge. Ainsi, les grands rouleurs bénéficient de la performance du moteur thermique pour leurs longs trajets et du relais de l'électrique pour entrer dans les centre-villes. Mais, là encore, les acheteurs devront recomposer leur mix énergétique dans un marché qui change rapidement."D'ici deux à trois ans, l'offre électrique sera complément différente", prévient-il. Avec des batteries dont les performances augmentent tous les six mois, les 700 à 800 km sans recharger seront bientôt là.
"Développer un réseau de proximité"
Rencontre avec Julien Robert, directeur commercial et réseau de MG Motor
Quelle est votre singularité ?
Nous arrivons avec deux modèles sur le segment des SUV compacts qui sont les plus vendus: le MG ZS EV en électrique et le MG EHS en hybride rechargeable. Vous avons une position généraliste et nous ne sommes pas élitistes sur les tarifs. Sur le segment des SUV-B, la MG ZS EV arrive avec un premier prix de 24 990 euros pour les entreprises, bonus déduit.
Votre offre va-t-elle s'élargir?
D'ici peu, nous proposerons un SUV-C électrique. A la fin de l'année, nous aurons une berline de type "station wagon" (break), qui intéresse les entreprises, toujours en 100% électrique. D'autres modèles électrifiés suivront. Nous voulons devenir une marque généraliste majeure sur les segments à plus forts volumes et nous visons d'atteindre 20 à 25% de nos ventes auprès des entreprises. Nous avons d'ailleurs signé des protocoles avec des loueurs longue durée.
Le prix n'est pas l'unique argument pour décider une entreprise. Qu'en est-il de la qualité et du service après-vente?
Nous venons d'étendre notre garantie à 7 ans et b150 000km, y compris pour le bloc d'alimentation et la batterie. Nous développons également un réseau de proximité avec des distributeurs. Nous avons 80 points de vente en France et devrions en avoir une centaine en 2022. A terme, notre objectif est de 150 implantations.