L'opacité des pratiques tarifaires des avocats : le point noir des prestations juridiques
La mise en place de processus d'achats juridiques ne cesse de croître au sein des entreprises, selon le cabinet de conseil Alter Ego Consulting. Cependant des freins persistent pour une meilleure collaboration entre directions achats et juridiques. Explications.
Je m'abonneLes achats de prestations juridiques sont-ils toujours la chasse gardée des directions juridiques au détriment des achats? Si les mentalités évoluent et que les échanges entre départements achats et départements juridiques progressent, "il existe une vraie dissymétrie dans la perception de cette collaboration. Ainsi, si plus de 50 % des directions juridiques admettent l'utilité des achats, a contrario, près de 90 % de ces derniers (acheteurs) considèrent que leur valeur ajoutée est proche de zéro et qu'ils ne sont pas suffisamment sollicités", explique Denis Sauret, président d'Alter Ego Consulting, cabinet de conseil indépendant, à l'occasion d'une rencontre organisée le 14 juin, sur le thème "Optimisez votre budget juridique sans réduire vos exigences", par Cost Legalis (département management juridique d'Alter Ego Consulting).
L'opacité des pratiques tarifaires des avocats : un facteur complexe
C'est un fait, la collaboration entre directions achats et services juridiques s'améliore au sein des entreprises et se traduit par un meilleur partage des informations entre les fonctions. "Si ces démarches sont encore embryonnaires, les marges de manoeuvre sont importantes", poursuit Denis Sauret d'Alter Ego Consulting. Une démarche de collaboration qui peine en raison de plusieurs facteurs. Le premier : un manque de visibilité sur la totalité des dépenses engagées par la direction juridique. Ainsi, souvent les achats de prestations juridiques sont décentralisés et les dépenses externes de cette dernières sont imputées aux différentes business units et/ou aux filiales. Autre facteur pénalisant : l'absence de référentiel sur ce type de dépenses. "Si les responsables de budgets peuvent s'auto-évaluer grâce à la data, ce n'est pas le cas pour les directions juridiques", déplore Denis Sauret. Enfin, d'autres facteurs comme la mutation rapide du marché et la digitalisation ou encore l'opacité des pratiques tarifaires (honoraires d'avocats) tendent à rendre complexes ce type d'achats. Et sont de fait, "des freins à l'optimisation budgétaire", selon Denis Sauret.
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La mise en place des processus d'achats juridiques a triplé en 10 ans
Malgré ces freins à l'optimisation budgétaire, toujours selon le cabinet Alter Ego Consulting, en 10 ans (entre 2008 et 2018), le pourcentage des entreprises ayant mis en place un processus d'achats juridiques a triplé passant de 3% en 2008 à 27% en 2018 (et 9% en 2014). Un signe encourageant pour les acheteurs. Ainsi, pour parvenir à optimiser son budget, il existe plusieurs bonnes pratiques à mettre en place. Pour cela, il convient dans un premier temps, d'établir son "profil de consommation juridique" qui repose sur une connaissance exhaustive de l'engagement de ses dépenses. Cela passe également par le fait de cartographier ses dépenses et la mise en place de panels d'avocats. "Les cabinets d'avocats sont souvent choisis par facilité, par habitude, par relation personnelle ou encore par snobisme. Sans compter qu'il existe une grande porosité entre directions juridiques et cabinets d'avocats car souvent les avocats rejoignent les directions juridiques et/ou inversement. C'est là une spécificité de la fonction juridique, qui peut avoir des incidences dans les relations clients-fournisseurs", souligne le président d'Alter Ego Consulting. Il faut renforcer le contrôle de gestion juridique, car en moyenne 40% des dépenses juridiques sont des honoraires d'avocats, rapporte Denis Sauret. Il est ainsi nécessaire de lutter contre l'opacité des pratiques tarifaires des cabinets d'avocats. "Pour un même cabinet, on peut noter des écarts de 10 à 80% dans les taux horaires bruts en fonction des clients, des associés, des domaines juridiques ou encore de la zone géographique", détaille le président du cabinet. Et de poursuivre, "les cabinets d'avocats sont en position de confort. Et croire que renégocier pour optimiser les prestations des avocats va nuire aux relations avec ces derniers est faux. Cette relation sera au contraire renforcée grâce à cet effort de transparence." De plus, selon lui, le contexte est favorable à la renégociation. Le marché est de plus en plus concurrentiel et les pratiques de facturation évoluent.