[Tribune] Activity based costing : une autre vision de ce qui crée de la valeur ...et de ce qui en détruit
La méthode ABC permet aux entreprises d'analyser les coûts par processus et par activité. Rendant lisibles les coûts complets des produits et services, c'est un outil de compréhension fine de la chaîne de valeur, de pilotage des coûts et de prise de décisions, tant stratégiques qu'opérationnelles.
Je m'abonneIl n'existe pas de vérité absolue pour déterminer le coût complet d'un bien ou d'un service. La pratique courante consiste à justifier les prix de vente par des coûts de revient en se fondant sur des chiffres fournis par des procédures comptables. Or, les données de la comptabilité analytique sont déterminées par des conventions, lesquelles sont toujours discutables. Il arrive donc qu'une confiance excessive accordée à ces chiffres conduise à de graves erreurs de gestion. Comment éviter les approches monolithiques et figées, donnant une illusion de vérité des coûts ?
La méthode ABC/M (Activity Based Costing / Management) permet de passer d'une vision comptable de la performance à une vision économique centrée sur la chaîne de valeur et le client. Elle repose sur une approche des coûts par processus et par activité, et leur allocation multidimensionnelle sur les produits, les clients et les canaux de distribution. Apportant une vision par processus transverse à l'organisation, elle complète l'analyse traditionnelle de coûts et de rentabilité et contribue à la prise de décisions stratégiques et opérationnelles.
Une approche qui gagne du terrain
Plusieurs facteurs ont fortement contribué depuis une dizaine d'années à la diffusion et à l'adoption de la méthode ABC, en particulier :
- L'obligation instaurée par les régulateurs de certains secteurs d'utiliser un modèle ABC pour calculer et présenter les coûts de revient de leurs produits et services. Par exemple, EDF est tenu de produire les coûts de revient de l'électricité selon le modèle ABC imposé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). De même, depuis la dérégulation du secteur des télécoms, l'ARCEP vérifie les calculs des coûts de production des opérateurs établis selon un modèle ABC normé. En 2010, au moment de l'ouverture à la concurrence du secteur des jeux et paris, l'ARJEL, l'Autorité de régulation des jeux en ligne, a demandé aux acteurs historiques de présenter leur activité de paris en ligne dans des comptes séparés. Certains opérateurs du secteur ont anticipé cette contrainte et ont su la transformer en opportunité en utilisant le modèle ABC recommandé par l'ARJEL à des fins de pilotage de la performance de leurs processus internes, de leurs produits et de leurs canaux de distribution.
- Le rôle des organisations professionnelles/ sectorielles a lui aussi été déterminant dans l'adoption de l'ABC. Ainsi, les DSI des grandes entreprises françaises sont nombreuses à utiliser le modèle d'analyse et de benchmarking des coûts informatiques du Cigref1. Ce modèle ABC fournit une classification des services communément délivrés par une DSI et fait le lien entre coûts et inducteurs de coûts. En rattachant les coûts à des niveaux de consommation, il facilitera refacturation interne des services, tandis que la normalisation des services permet aux entreprises de comparer leurs coûts informatiques.
Dans le même esprit, l'Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) promeut un modèle de coûts et de benchmarking dont le référentiel couvre 16 fonctions transverses2, 220 activités et 62 unités d'oeuvre. Il vise notamment à faciliter la définition de SLA3 ainsi que le calcul des prix de refacturation des services aux différentes entités organisationnelles.
- La diversification des canaux de distribution et le comportement omnicanal des clients. Ces évolutions, ainsi que la part croissante des coûts indirects dans les produits et services, rendent la mesure de la rentabilité des produits et des clients beaucoup plus complexe. La méthode ABC permet de suivre au plus près les coûts complets d'un produit donné en prenant en compte les différents coûts inhérents à chaque canal/mode de distribution.