Les SPASER et la métaphore des camions-citernes
En introduction de la récente COP27, Antonio Guterres - Secrétaire Général de l'ONU - a eu le courage de déclarer qu'il ne faut avoir « aucune tolérance pour le greenwashing et les engagements dont les failles sont assez grandes pour y faire passer des camions-citernes » (sic). Il appelle à des engagements « concrets » et à cesser « l'excès de confusion » dans leur communication. Message fort et clair qui s'adresse aux entreprises mais également aux donneurs d'ordres publics.
Je m'abonneL'étude d'une quinzaine de schémas de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) offre un écho singulier aux propos de Monsieur GUTERRES, tant, pour une majorité d'entre eux, leur vacuité est dérangeante et la « confusion » semble être savamment entretenue pour dissimuler un manque d'ambitions.
Pour mémoire, la Loi dite « Climat et Résilience » (art.35) prévoit qu'un SPASER, à compter du 1er janvier 2023 :
- Est rendu public sur le site internet du pouvoir adjudicateur ou de l'entité adjudicatrice.
- Précise les objectifs cibles à atteindre
- Comporte des indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur. Indicateurs publiés tous les deux ans.
Si le législateur a le mérite de faire sienne la maxime du physicien Nils Bohr, « Ce qui ne se mesure pas n'existe pas » et de définir un calendrier contraignant, il ne donne pas le la de la clarté en limitant la définition des objectifs aux « catégories de l'achat socialement et écologiquement responsable ». Notion plus qu'absconse...
L'étude que nous avons conduite met en évidence la pauvreté voire l'absence d'engagements chiffrés. La sémantique déployée est-elle, par contre et toujours, très riche. Les verbes « encourager », « développer » « renforcer » « favoriser » sont utilisés à l'envi...
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Quand des objectifs précis sont définis, ils le sont trop souvent en nombre de contrats. Quel intérêt de piloter le « % des marchés réservés aux EA », si le chiffre d'affaires utile confié aux travailleurs handicapés n'est pas mis sous tension ? Dans la même veine, quel intérêt de communiquer sur le nombre de marchés attribués à des PME, si le montant de ces marchés reste portion congrue ?
Nourrir la « confusion », dénoncée par Monsieur Guterres, c'est aussi préciser dans un SPASER que l'acheteur pilote le respect de ses obligations réglementaires (ex : délais de paiement) et celles des entreprises (ex : délit de marchandage). Respecter la réglementation serait-il particulièrement responsable ?
Les leviers mis en avant pour atteindre les objectifs témoignent également d'une forme de timidité en matière d'évolution des pratiques. Seuls deux SPASER, sur les quinze étudiés, mettent en avant le recours à la négociation comme moyen pour faciliter l'accès des PME à la commande publique ! ?
Dans ce tableau assez sévère, il faut souligner que quelques rares SPASER sortent du lot. Les engagements sont réels, la volonté de transparence est étayée par des méthodes et outils de pilotage. Souhaitons que les écarts flagrants et de plus en plus visibles, entre les SPASER des uns et des autres, auront pour conséquence de limiter rapidement la circulation des camions-citernes... Nul doute que de nombreux SPASER vont être révisés en profondeur, pour répondre aux exigences réglementaires mais aussi à une forme d'urgence en matière de responsabilité sociétale.