Réforme de la commande publique : une (r)évolution ?
N... comme NÉGOCIATION
Autre grande nouveauté avec cette réforme, la négociation dans les procédures formalisées, appelée aussi " procédure concurrentielle avec négociation ". Cette procédure a déjà été instaurée dans une directive communautaire en 2014 mais avec des seuils (207 000 euros pour les collectivités en fournitures et services et 134 000 euros pour l'État). " Dorénavant, on va pouvoir négocier au-delà des seuils " , souligne Raphaël Apelbaum, avocat spécialisé dans les contrats et les marchés publics, associé chez LexCase. Aujourd'hui, une grande majorité des acteurs publics ou privés souhaitent avoir de la négociation dans les marchés publics. " Cela met de la sécurité juridique, car beaucoup d'acheteurs publics qui avaient besoin de négocier le faisaient en discutant mais sans forcément respecter les règles. Espérons que cette nouvelle procédure concurrentielle avec négociation va remettre à sa juste place la discussion, le dialogue et la négociation dans l'achat public " . De leur côté, Arnaud Salomon, directeur de CKS Public, et Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l'Institut Thomas More, auteurs de dix propositions pour une meilleure efficience de la commande publique, plaident pour la négociation " qui doit passer de l'exception à la norme dans les marchés publics " . La négociation, envisagée comme véritable levier " pour stimuler l'innovation et, accessoirement, garantir l'optimisation économique des contrats publics " . Pour Claude Richard, avocat au barreau de Nancy, spécialisé en droit public : " Les acheteurs publics se forment à la négociation afin de parer deux écueils : vider le marché de sa substance en menant une négociation trop âpre, notamment sur le prix, et fausser le jeu de la concurrence en ne plaçant pas les candidats sur un pied d'égalité " .
O... comme OPENDATA
Les acheteurs publics devront ainsi rendre accessibles les données des marchés sous format ouvert et librement réutilisable. L'État montre l'exemple avec son portail Data.gouv.fr qui héberge ses propres fichiers ainsi que ceux d'autres organismes, y compris des collectivités.
P... comme PME
La commande publique profite peu aujourd'hui aux petites entreprises. En 2013, les PME représentaient plus de 99 % des entreprises, soit 58 % du total des marchés, mais seulement 30 % des contrats publics en valeur. Selon le rapport de la mission de la commande publique, les PME n'arriveraient plus à répondre aux marchés publics d'un montant supérieur à un million d'euros. Or, augmenter d'un point la part des PME dans les achats publics reviendrait à augmenter de deux milliards leurs chiffres d'affaires. Parmi les pistes envisagées, citons un meilleur accompagnement des PME par les chambres consulaires et les syndicats professionnels ou l'encouragement à réaliser des groupements d'entreprises. Mais le rapport préconise également d'indiquer le taux d'accès aux PME dans les comptes administratifs. Une meilleure visibilité des PME dans la commande publique également relayée par CKS Public et l'Institut Thomas More, qui plaide pour un indicateur de mesure des achats publics confiés aux PME.
... et PPP
Les partenariats public-privé sont rangés dans la catégorie marchés publics et deviennent des "marchés de partenariat". Un meilleur encadrement
de ces derniers est prévu avec notamment une démarche d'évaluation comparative préalable, une étude de soutenabilité budgétaire et un ou des seuils (non encore précisés) au-delà desquels ces marchés pourront être réalisés. " L'évaluation rajoute de l'insécurité juridique opérationnelle sur ces missions et ces dossiers car ce n'est pas une science exacte. La logique et le bon sens parlent d'eux-mêmes : comment comparer à l'avance un montage qui va durer trente ans, c'est impossible ! " , s'interroge Raphaël Apelbaum [photo ci-contre]. Pour améliorer le cadre juridique de ces partenariats, qualifiés de "bombes à retardement budgétaires" par le Sénat, treize propositions avaient déjà été émises en juillet dernier par Hugues Portelli, sénateur Les Républicains du Val-d'Oise et Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret et vice-président de la commission des lois constitutionnelles.
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