Boucler la boucle avec des KPI
Pour que le processus RSE soit complet, après avoir identifié les leviers, mis les bons outils en place et créer une culture pour fertiliser l'ensemble, il convient d'en effectuer le suivi précis avec des indicateurs. A la région Île-de-France particulièrement, la culture du contrôle de gestion imprègne tous les services en interne. "Nous avons des KPI environnementaux et sociaux précis afin de contrôler le ROI de toutes nos actions RSE. Le suivi des indicateurs est présenté deux fois par an avec mesure de l'impact, nous taguons nos fournisseurs pour améliorer le suivi, et nous avons dédié une personne au sourcing pour agir en tant que facilitateur dans les relations opérateurs économiques et acheteurs", énumère Marc Sauvage. Se mettre en capacité de démontrer par des données chiffrées tangibles les actions menées sur les achats donne corps à toute la démarche.
Jusqu'où aller sur les critères RSE ?
En termes de démarche RSE, les objectifs nationaux donnés à la commande publique sont un taux de 25 % de causes à vocation sociale, ce qui comprend les clauses d'insertion, et 30 % à vocation environnementale. Pour atteindre ces objectifs, les directions des achats ont de plus en plus facilement recours à des critères RSE plus ou moins fortement pondérés. Mais attention à ne pas avoir la main trop lourde. "Nous sommes dans une zone grise où les acheteurs publics ont peu de repères", estime Stéphanie Dinter-Crocq, ancienne acheteuse aujourd'hui key account manager chez EcoVadis, organisme d'audit et de notation extra-financière. Si mettre des critères RSE dans les appels d'offre publics ne pose pas de problème, en faire un critère de sélection s'entoure de précautions. "Comme le démontre le cas de la ville de Nantes qui a été retoquée par le Conseil d'état pour avoir utilisé un critère social relatif à la politique générale de l'entreprise et non directement lié à l'objet du marché", détaille Nicolas Dussert, directeur des ventes Europe du sud chez EcoVadis.
Depuis 2018, un acheteur public a la possibilité de demander des détails sur la politique RSE d'une entreprise mais cela ne doit pas être discriminant au moment de la sélection, si l'objet ou les conditions d'exécution du marché ne sont pas directement liés. "Il n'est pas simple de savoir jusqu'où aller tant certains critères sont difficiles à relier à un marché. Par exemple, s'il est possible de relier l'émission de CO2 à un achat de ramette de papier, il est beaucoup plus hasardeux, voire impossible, de lier un critère de corruption qui, lui, sera vraiment lié à la stratégie globale de l'entreprise plus qu'au marché", explique Stéphanie Dinter-Corcq. L'experte en viendrait presque à souhaiter plus de jurisprudence en la matière pour servir de guide aux acheteurs publics et leur permettre des actions plus concrètes.
L'autre difficulté en introduisant trop de critères RSE serait d'être si exigeant qu'on n'obtienne pas de réponse à l'appel d'offre. Un trop faible nombre de participants peut annuler la démarche. Une démarche longue et coûteuse. Mieux vaut donc éviter de pêcher par excès et cibler l'exigence.
RSE et smart cities, quand deux gros chantiers se rejoignent
Pour faire mouche, il faut oser mutualiser les projets. Qu'est-ce qu'une ville intelligente, si ce n'est une ville qui améliore la vie des citadins, tout en faisant appel à une gestion plus efficace des territoires ? En d'autres termes, il s'agit en théorie d'utiliser la technologie pour amoindrir au maximum l'impact de l'homme sur l'environnement. "Un projet smart est souvent technologique mais aussi sociétal et environnemental", estime Lionel Ferraris, directeur des politiques publiques et de l'innovation à l'UGAP. Pour Pierre Nguyen, expert technique en innovation en charge des projets de territoires intelligents au sein de l'UGAP, c'est en conjuguant RSE et smart cities que l'on peut réconcilier les objectifs liés aux contraintes budgétaires avec les problématiques d'efficience des achats et d'impact environnemental. "Sur les projets de smart cities, la notion de retour surinvestissement est importante et sert régulièrement dedéclencheur au déploiement. Bien souvent, les premiers chantiers portent sur l'éclairage public car l'énergie représente le deuxième poste de dépense des collectivités. De plus, les économies sont telles qu'elles permettent de financer d'autres projets smart. Pour les acheteurs, c'est donc un puissant levier." La région Île-de-France l'a bien compris et n'a pas hésité à lier les enjeux smart et les enjeux RSE. Marc Sauvage en est convaincu : "Dès le début du projet de développement de la plateforme Île-de-France smart services, nous avons eu une vision transversale avec un objectif de cross fertilisation. Le projet en lui-même est le fruit d'un dialogue compétitif qui incluait un volet RSE dont l'objectif de base était que le groupement qui développerait la plateforme le fasse en ayant le moins d'impact possible, que ce soit dans le choix des infrastructures de base jusqu'aux services délivrés", indique-t-elle. La région a ainsi fait le choix d'aller vers des développements technologiques écologiquement responsables. Parce que in fine la cible visée est bien la sobriété dans la consommation.
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