DossierÉclairage : comment réduire sa facture de 30 %
L'éclairage public est le deuxième poste de consommation d'une commune, derrière les bâtiments. Or, face à l'augmentation drastique du coût de l'énergie, les collectivités doivent apprendre à gérer et optimiser le parc de points lumineux existant. Un véritable défi, pour les acheteurs publics.

Sommaire
1 Un parc d'éclairage très peu renouvelé
Selon l'Ademe, l'éclairage public représente 50% des consommations d'électricité d'une commune. Plus de la moitié des points lumineux sont composés de matériel obsolète et énergivore, et 40% des luminaires ont plus de 25 ans. La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte a amené nombre de collectivités à se lancer dans la rénovation de leur parc d'éclairage. Les technologies disponibles promettent une réduction des consommations et de la facture d'électricité de 50 à 75 %.
2 Un taux de renouvellement de 3 %
"Si l'on considère que 90% du coût d'un point lumineux, sur 25 ans, résident dans son fonctionnement (énergie et maintenance), chaque nouvelle source lumineuse installée endette la collectivité sur l'avenir", pointe Philippe Badaroux, le président de BH Technologies et animateur du groupe de travail sur l'éclairage public au Cluster Lumière. Sur le Salon des maires et des collectivités locales, en novembre dernier, sa conférence sur le thème "Comment optimiser son éclairage public ?" a fait salle comble. Et pour cause, à l'heure de la réduction des dotations de l'État aux collectivités, les décideurs publics sont à l'affût de bonnes pratiques et de partage d'expérience. "Les collectivités locales sont prises dans un piège, car le coût de leur éclairage va augmenter de façon drastique, alors que leurs budgets se réduisent à peau de chagrin", explique Philippe Badaroux.
Comment sortir de cette équation ? "Il y a quelques années, on pensait qu'il fallait remplacer les luminaires par du matériel moins gourmand, explique-t-il. Mais cette solution est tellement coûteuse, que le taux de renouvellement n'est que de 3 %. Quand bien même les nouveaux luminaires seraient plus efficaces de 50%, cela ne concernerait donc que 3% du parc, qui devrait donc être capable d'abaisser la facture de la commune." Ce constat mathématique aboutit à la conclusion qu'il faudrait attendre 45 ans pour diviser par deux sa consommation. Résultat : ce n'est pas en renouvelant le matériel qu'une ville fera des économies drastiques, mais en gérant l'existant. Comment ? En menant une étude fine de ses besoins.
Les certificats d'économie d'énergie (CEE)
Savez-vous que vous pouvez financer une partie de vos travaux d'éclairage public grâce aux certificats d'économie d'énergie (CEE) ? Les travaux de rénovation de l'éclairage public sont en effet éligibles, sous certaines conditions, au dispositif des CEE. Ces derniers financent une partie des travaux, ce qui réduit le temps de retour sur investissement des installations. Non cumulables avec les autres aides de l'Ademe, ces CEE peuvent être valorisés financièrement (une seule fois). Primes, chèques, bons d'achat, avoir sur une future livraison, prêt bonifié... plusieurs options sont possibles. À charge, pour les services techniques et services achats des collectivités, de comparer les offres des opérateurs. Plusieurs d'entre eux proposent un simulateur de calcul des CEE sur Internet. Pour Bruno Lafitte, "la valorisation financière des CEE ne permettra pas à une collectivité de financer son investissement mais de sélectionner le meilleur produit en lui apportant un coup de pouce financier."
La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte a amené nombre de collectivités à se lancer dans la rénovation de leur parc d'éclairage. Les technologies disponibles promettent une réduction des consommations et de la facture d'électricité de 50 à 75%.
3 De nouvelles solutions technologiques
4 Armoires de commande et abaisseurs de tension
Après avoir effectué un inventaire de ses points lumineux et réalisé un diagnostic de la situation, une collectivité pourra envisager plusieurs options afin de gérer l'existant. Le marché propose, aujourd'hui, des solutions, pour la plupart matures, qui permettent de gérer et d'optimiser les instants d'allumage, de régler les flux en fonction des heures de pointe et d'abaisser la puissance de fonctionnement au cours de la nuit. Des solutions technologiques dont les effets sont visibles immédiatement sur la facture EDF : entre 35 et 40% d'économies d'énergie réalisées par an.
À l'instar de la ville de Troyes, qui a abaissé sa consommation de 56% en un an, les villes peuvent opter pour des solutions de gestion abritées dans des armoires de commande. "En ville, une armoire gère entre 50 et 100 candélabres et représente un investissement allant de 5 000 et 10 000 euros. Ce qui représente un coût d'investissement d'environ 150 euros pour chaque point lumineux", détaille Philippe Badaroux. Quid du retour sur investissement ? "Il est très rapide, entre trois et cinq ans", ajoute-t-il.
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Autre technologie prisée par les villes : les variateurs de tension, qui adaptent la lumière en fonction des passages (piétons, voitures). La ville de Troyes, qui gère 8 700 points lumineux, a ainsi intégré dans 192 de ses armoires de commandes (sur un total de 220) des régulateurs et des abaisseurs de tension. Engagée depuis 2005 dans une démarche vertueuse, la ville a investi 1,2 million euros HT, (dont 400 000 euros financés par le Syndicat d'énergie, dont la ville est adhérente). "Nous avons réalisé d'importantes économies sur notre facture EDF : pour la période octobre 2010/septembre 2011, nous avions payé 649 000 euros. Pour la période octobre 2013/septembre 2014, nous avons payé 463 000 euros. Côté consommation électrique, le constat est encore plus flagrant, car nous sommes passés de 6 500 000 kWh à 3 300 000 kWh ; la puissance installée a donc été presque divisée par deux", explique Jean-Pierre Gyéjacquot, ancien directeur général adjoint de la ville de Troyes et directeur général de la TCAT (Transports en commun de l'agglomération troyenne) depuis octobre dernier.
Après avoir effectué un inventaire de ses points lumineux et réalisé un diagnostic de la situation, une collectivité pourra envisager plusieurs options afin de gérer l'existant. Le marché propose des solutions technologiques dont les effets sont visibles immédiatement sur la facture EDF.
5 Les leds pour l'éclairage piéton
Plus cher mais moins énergivore qu'une lampe à sodium, un appareil led offre un éclairage blanc beaucoup plus directif, se pilote plus facilement via le driver intégré dans l'appareil et s'adapte bien aux problématiques de l'éclairage piéton (rues, squares...). Un appareil led dure aujourd'hui entre 10 et 12 ans. Le seul problème : lorsque la led du candélabre est morte, c'est l'ensemble qu'il faut changer. "Les fabricants travaillent afin que l'on puisse, à terme, changer uniquement la platine lumineuse de l'appareil", indique Joël Lavergne, le responsable du domaine éclairage public de la Ville de Toulouse.
Autre défi, pour les prestataires : proposer des systèmes de gestion des leds via des SI et drivers bien adaptés. "Il ne sert à rien de s'équiper de led avec une durée de vie de 100 000 heures si le driver, lui, a une durée de 10 000 heures !", pointe le délégué général de l'Association française de l'éclairage (AFE), Alain Azaïs.
Les prestataires led mettent, aujourd'hui, en avant des solutions complémentaires qui s'inscrivent dans les projets "smart cities" des collectivités. C'est le cas de Soitec, positionné sur ce marché porteur, qui commercialise depuis le début de l'année une nouvelle gamme de têtes de candélabre qui accueille un boîtier de contrôle ou une série de capteurs qui favorisent une remontée d'informations géolocalisées (détection de présence, trafic, pollution...). "En optant, lors de la commande, pour des boîtiers de contrôle et des capteurs configurables à distance, les acheteurs s'assurent de pouvoir faire évoluer leurs dispositifs sans besoin d'interventions sur le terrain", explique Jacques Le Berre, directeur marketing de la division éclairage de Soitec.
6 Couper ou non l'éclairage ?
Pour faire des économies significatives, pourquoi ne pas tout simplement couper l'éclairage dans certaines zones ? Pour le délégué de l'AFE, ce geste est une aberration. "Couper, c'est revenir en arrière, renier le progrès", déclare-t-il. Mieux vaut abaisser l'éclairage de 60 ou 80 %, ce qui générera des économies tout en continuant à assurer aux citoyens un minimum de sécurité.
Son message à destination des décideurs publics de petites collectivités : "Un maire qui décide de couper l'éclairage dans son village de 500 habitants va économiser entre 1 500 et 2 000 euros par an. Des économies faibles, au regard du risque encouru en cas d'accident causé pour faute d'éclairage." Alain Azaïs ajoute que le marché propose, aujourd'hui, des solutions à des coûts abordables, pour une petite commune : "On peut obtenir immédiatement 40 % d'économies rien qu'en changeant un ballast d'alimentation. Il faut compter 200 euros pour le matériel, pose comprise. Le candélabre fonctionnera à 100% de 17 à 20 heures, à 65% de 20 à 23 heures et 20% de 23 à 6 heures du matin et de nouveau à 100 % à partir de 6 heures." Cette gestion fine de l'éclairage public est aujourd'hui possible.
Opepa, pour un éclairage sur mesure
Lancé en septembre 2014, Opepa est un outil de prédiagnostic de l'éclairage public gratuit en ligne. Simple d'utilisation, il permet aux services techniques et aux élus des collectivités de disposer d'une première analyse des économies financières et énergétiques atteignables en cas de rénovation. Il s'appuie sur une comparaison entre l'état actuel du patrimoine de la collectivité et le matériel par lequel elle pourrait être amenée à le remplacer. "Avec cet outil, une collectivité saura si oui ou non cela vaut la peine de se lancer dans un diagnostic de son éclairage public, cela via quatre scénarios de rénovation types par ordre croissant en termes d'investissement", explique Bruno Lafitte.
La réflexion au sujet des leds - technologie d'avenir mais également technologie de remplacement des luminaires -,doit intervenir après un investissement dans une bonne gestion de l'existant.
7 Coup de projecteur sur la ville de Toulouse
"Le travail mené jusqu'alors consistait à abaisser la hauteur des luminaires ; les appareils étaient donc plus directifs et éclairaient vers le bas. On s'est aperçu que ce type d'initiative avait pour conséquence de ne plus éclairer les façades, car seul le sol était éclairé. Certaines rues étaient donc plongées dans le noir, provoquant une montée du sentiment d'insécurité. Nous avons donc décidé de rééclairer un peu", explique Émilion Esnault, conseiller municipal en charge de l'éclairage public à la mairie de Toulouse.
La ville a décidé de moduler l'éclairage, via des leds bipuissance, en fonction des usages et des heures et diminuer ainsi drastiquement sa facture d'électricité. "Nous économisons à peu près 30% et 1 GWh par an. Nous voulons aller encore plus loin en baissant l'éclairage aux heures où il n'y a personne, tout en pouvant le rallumer si quelqu'un passe. Là où nous pouvons gagner encore plus, c'est en remplaçant des luminaires anciens à ballon pour réaliser une économie de 80 %."
8 La fiabilité du matériel avant le coût
La ville, qui vient de signer une convention "ville intelligente" avec des PME, travaille actuellement sur le développement d'une technologie permettant de détecter les formes, plus fine que la "simple" détection de présence. Sur un marché devenu ultra-concurrentiel, difficile de distinguer le bon grain de l'ivraie et miser sur les bons prestataires. "Nous faisons souvent des essais pour être certains de la robustesse du matériel. Ce n'est donc pas forcément le coût, que nous regardons, à l'achat, mais la fiabilité du matériel pour ne pas avoir à le changer dans deux ans", ajoute l'élu.
Joël Lavergne, responsable du domaine éclairage public de la ville de Toulouse, précise : "Nous essayons de travailler avec des fabricants référencés ayant une certaine expérience et de définir avec eux en amont les problématiques urbaines sur le terrain que nous espérons voir traitées dès la conception de l'appareil (vibrations, températures, joints, qualité réseau électrique...)". La led, appareil 100% électronique, étant très sensible aux perturbations sur les réseaux.
Toulouse, c'est...
* 67 000 points lumineux sur 47 000 supports.
* 4 000 appareils led.
* Facture EDF : 4,3 Md€.
* Régie interne et contrats de travaux avec entreprises externes (pas de contrat global).
À l'instar de plusieurs autres grandes villes françaises, Toulouse mène actuellement un important chantier pour redimensionner son réseau afin d'accueillir les technologies qui optimiseront son éclairage. Un travail qui a débuté par quelques améliorations de l'existant.
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