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Une entreprise peut désormais rompre un contrat public unilatéralement

Publié par Anne-Sophie David le - mis à jour à
Une entreprise peut désormais rompre un contrat public unilatéralement

Dans un arrêt rendu le 8 octobre dernier, le Conseil d'Etat a ouvert une brèche qui permet désormais à une entreprise de se désengager d'un contrat public en cas de manquement de la personne publique. A l'acheteur public de bien l'anticiper dans son contrat.

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Petit rappel des faits : le Mucem de Marseille (Musée des civilisations de l'Europe et de la méditerranée) avait passé un marché de location de photocopieurs avec la société Grenke location qui s'engageait à acheter, auprès d'un fournisseur désigné, cinq photocopieurs pour les donner ensuite en location au Mucem pour une durée de 63 mois moyennant un loyer trimestriel de 5 563 euros.

Les conditions générales de ventes prévoyaient que le loueur pouvait résilier unilatéralement le contrat avec indemnités au cas où le musée interrompait le paiement des loyers. Ce qui est arrivé. Le musée a contesté cette résiliation devant la juridiction administrative qui, in fine, donna raison à l'entreprise. Sous certaines conditions.

Deux conditions cumulatives sont exigées

Depuis quelques années, tribunaux et cours administratives rendaient des décisions qui allaient dans le sens d'une possible résiliation unilatérale du contrat par le cocontractant privé. C'est ce que vient confirmer le CE dans cet arrêt du 8/10/2014 : il est désormais possible de prévoir, dans un contrat public, la possibilité pour le cocontractant privé de le résilier unilatéralement pour mauvaise exécution par la personne publique de ses obligations contractuelles dès lors que, d'une part, le contrat ne fait pas participer directement à l'exécution d'un service public (ce qui est cas des photocopieurs) et, d'autre part, que le cocontractant privé ait préalablement donné la possibilité, via une mise en demeure, à la personne publique de s'opposer à la résiliation pour un motif d'intérêt général.


Pour Hervé Huguet, directeur du cabinet de conseil en achat public Citia, "c'est une problématique que l'on va retrouver partout où il y a des systèmes de location ou de crédit-bail. Si, pour des raisons d'économies, une collectivité s'aperçoit qu'elle paye trop cher, elle va résilier le contrat. Derrière, le vendeur peut demander à ce que la collectivité paye jusqu'au bout car c'est stipulé dans le contrat. Si elle arrête de payer avant, elle devrait payer en plus une pénalité. C'est la double peine."

Mieux vaut prévenir

Cette décision accroit-elle le risque pour les acheteurs publics ? "Oui s'ils ne rédigent pas de contrat et achètent sur la base des conditions générales de vente. Cette décision permet de les responsabiliser davantage afin qu'ils n' engagent pas des deniers publics sans penser aux conséquences", estime Maxance Barré, manager au sein du cabinet CKS spécialisé en achats publics.

Pour limiter le risque, l'acheteur devra bien penser à intégrer une clause permettant de limiter sa responsabilité. A défaut de pouvoir interdire à l'entreprise co-contractante la possibilité d'une résiliation unilatérale (puisque le CE le permet désormais), il lui faudra indiquer clairement les conditions car, comme le rappelle Maxance Barré, le CCAP (cahier des clauses administratives particulières) prime sur les conditions générales de vente de l'entreprise. "Comme dans les marchés publics il y a une hiérarchisation des pièces contractuelles, le CCAP a toujours plus de valeur que les conditions générales de vente qui sont annexées à l'offre du candidat. En cas de litige, c'est le CCAP qui s'appliquera. Donc le simple fait pour une personne publique de rédiger un contrat, la protège déjà de ce genre de problème."

Pour Hervé Huguet du cabinet Citia, cette décision "va obliger les acheteurs publics à anticiper et être sûrs de leurs besoins. S'ils le sont, il y a peu de raison de changer en cours de route."

 
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