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Smart cities : l'avenir de l'espace urbain ?

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Smart cities : l'avenir de l'espace urbain ?

Les villes intelligentes gagnent du terrain. Aujourd'hui, il y a en 18 en France, contre 9,6 en moyenne en Europe. Combien seront-elles demain ? Gros plan sur ces laboratoires d'innovation à ciel ouvert où l'on réinvente le vivre ensemble.

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"Les villes ne sont pas intelligentes ; ce sont leurs habitants qui le sont". D'emblée, Francky Trichet met les points sur les i. Cette figure de la métropole nantaise, à la fois adjoint au maire en charge de l'innovation et du numérique et enseignant chercheur à l'université, n'entend pas la smart city comme une "ville cyborg", produit froid d'une technologie toute puissance, mais au contraire comme un territoire humain où "les intelligences de tout un chacun seraient mises en réseau" - ainsi qu'il décrit sa vision "à la nantaise".

D'autres l'entendent différemment. Expression dans l'air du temps, la ville intelligente doit sans doute à son jeune âge une définition encore un peu floue. Spécialiste du sujet, l'Autrichien Rudolf Giffinger en a néanmoins fixé certains attributs, au nombre de six : une administration intelligente, une économie intelligente, une mobilité intelligente, un environnement intelligent, un mode de vie intelligent et, last but not least, des habitants intelligents...Tout un programme que les collectivités les plus audacieuses se sont mises en quête de suivre...

A la pointe de cette démarche, la France comptabilise non moins de 18 villes intelligentes (de 100 000 habitants et plus) sur son territoire; contre 9,6 en moyenne en Europe, selon les résultats d'une récente étude menée par la commission européenne. Un hommage à la vivacité de son réseau d'innovation numérique, principal moteur de cette épopée vers un nouvel eldorado urbain.

Innover, pourquoi ?

"Rien ne sert d'innover pour innover", souligne néanmoins Fabrice Carbonel, chargé de mission auprès du président chez Bosch France. Accompagné de ses partenaires, le groupe allemand a notamment contribué à la transformation de la principauté de Monaco en espace urbain 3.0. Un chantier à ciel ouvert dont il a fait son projet pilote pour tester son savoir faire en matière de ville intelligente.

Engagée il y a trois ans, cette démarche a un enjeu double : confronter les technologies nouvelles à la réalité du marché, et inventorier, en temps réel, les services d'une ville optimisée par le numérique : capteurs vidéo avec analyse d'image ; paiement NFC ; chaudières connectées ; smart-parking... "Tout doit être pensé de manière globale", explique Fabrice Carbonel, qui insiste sur la nécessité d'adopter pour ce faire une stratégie pragmatique. "Un smartphone sert avant tout à appeler. Une fois cela garantit, il est possible de réfléchir à d'autres fonctionnalités. Il en va de même pour les villes intelligentes".

Lire en page 2 : Une ville en coconception

Une ville en coconception

Cela pose une question intéressante : conçoit-t-on une ville intelligente de la même manière que l'on a conçu les villes moins intelligentes qui l'ont précédée ? La révolution numérique a entraîné dans son sillage un certain nombre de bouleversements dont les technologies innovantes ne sont que la face tangible. Sur un plan sociétal, il a aboli le règne de "l'individu" au profit du "collaboratif".

C'est pour aligner l'urbanisme avec ce changement de paradigme que la start-up parisienne UFO a conçu Unlimited Cities Pro. Outil "de représentation et d'évaluation de la qualité de vie urbaine", selon Maud Beau, sociologue-urbaniste et directrice adjointe de la structure, il permet aux commanditaires - des collectivités, mais pas uniquement - de "mettre au travail" l'imagination de la société civile.

"Il ne s'agit pas de remettre en question l'expertise des acteurs de l'urbanisme mais nous croyons que cette dernière gagnerait à s'enrichir de la connaissance qu'ont les habitants de leur territoire", précise Maud Beau. Pour ce faire, UFO intervient en amont des projets urbains - de préférence avant la programmation - en créant des images hyper-réalistes du projet envisagé que les habitants sont ensuite invités par des médiateurs en immersion dans la ville à "mixer", c'est à dire manipuler - via une tablette. Pour ce faire, ils disposent de six curseurs : densité, nature, mobilité, vie de quartier, créativité et numérique. Selon qu'ils les fassent baisser ou monter, les images sont modifiées sur l'écran.

Des immeubles apparaissent, disparaissent, la nature s'étend, rétrécit etc. En tout, 15 000 combinaisons sont possibles, ce qui n'empêche pas l'utilisateur de pouvoir nuancer encore plus son travail en agrémentant l'image ainsi créée d' un commentaire. Parmi les fonctionnalités de l'outil, l'évaluation du bilan financier permet notamment de vérifier la faisabilité de son projet tout en étant sensibilisé aux contraintes budgétaires des collectivités. Il est également possible d'accéder à une galerie d'images comprenant l'ensemble des projets créés ou bien encore de consulter les données statistiques, critère par critère. En fin de parcours, l'ensemble des informations collectées sont remontées, prêtes à être analysées.

Lire en page 3 : Une politique urbaine en open-source

Une politique urbaine en open-source

La transparence, autre critère phare d'une ville intelligente, pousse de plus en plus de villes à embrasser une démarche d'open data.

Objectif : instaurer un rapport de confiance entre citoyens et élus en favorisant la "descente" de l'information. Quoique l'inverse s'applique aussi. Pour une politique urbaine en mode open source, les informations doivent non seulement circuler de la ville vers les habitants mais aussi des habitants vers la ville ou des habitants vers les habitants. C'est la finalité d'applications smartphone à l'instar de "Nantes dans ta poche", dont le lancement est prévu dans sa version bêta mi-mai. A travers un bouquet de services "d'hyper-quotidienneté", cette dernière vise à faciliter le dialogue entre tous.

C'est encore la même logique qui se concrétise dans des fab-labs ou autres tiers lieux d'innovation, où "fabriquer quelque chose n'est souvent que prétexte à créer du lien", explique Francky Trichet. Un phénomène propice à ce qu'il appelle les "frictions créatives". Vivre la ville intelligemment, serait-ce la vivre ensemble ?

Lire en page 4 : Nantes, une ville intelligente

Nantes, une ville intelligente

Classée deuxième ville la plus intelligente de France derrière Bordeaux, la ville de Jules Vernes développe son propre modèle de smart city. Explications, avec Francky Trichet, adjoint au maire chargé de l'innovation et du numérique.

A votre sens, qu'est-ce qu'une "ville intelligente" ?

C'est avant tout une ville humaine où les politiques impulsent, grâce au numérique, une dynamique capable de mettre en réseau les intelligences. Objectif : répondre aux enjeux du développement durable mais aussi du vivre ensemble.

En quoi cela se traduit-il à Nantes ?

Cela prend notamment la forme de divers dispositifs qui visent à rendent la ville plus facile au quotidien. Mi-mai, nous allons lancer une application mobile dont le concept est d'agréger des micro-services : localiser une place de vélo, se renseigner sur les horaires d'ouverture de la piscine... L'idée est aussi de permettre aux Nantais de pouvoir se faire le relais de choses constatées (par exemple : la dégradation de matériel urbain...) en faisant remonter l'information, non pas seulement pour le bénéfice des services de la ville mais pour celui de tous. Nous avons en outre mis en place le paiement sans contact pour les parkmètres. Toujours dans la même optique de facilitation du quotidien, l'ensemble des démarches comme, par exemple, le paiement des factures scolaires, périscolaires etc. a été dématérialisé et s'effectue en ligne.

Quid de l'open data ?

C'est une démarche engagée de longue date, tant sur le niveau de la métropole que du département ou de la région. Nous voulons néanmoins aller encore plus loin et ouvrir notamment ce qui a trait aux décisions prises en conseil municipal. Notre plateforme web de dialogue citoyen s'inscrit dans la même démarche. Il s'agit, via le numérique, de permettre à tout un chacun de faire émerger des projets, donner son avis... C'est également pour favoriser cette dynamique collaborative que nous songeons nous mettre au financement participatif. Un projet prévu pour septembre...

Et côté innovation ?

Nous mettons à disposition différents tiers lieux d'innovation - fablabs ou autres. Le but est de soutenir mais aussi d'animer et de fertiliser certains acteurs. Mais plus encore :à travers ces structures ouvertes où peuvent se rencontrer des ingénieurs, des étudiants, des retraités, nous voulons favoriser le lien social et intergénérationnal. Aujourd'hui au nombre de 3, les fab-labs nantais vont grandir en nombre pour essaimer cette culture de "faire ensemble". Cela va au-delà de la fabrication d'objets en 3D, ce qu'il s'y fabrique c'est du commun - selon une formule qui est aussi un pilier de notre politique urbaine.

En somme, vous mettez la technologie au service de l'humain ?

Oui, cela nous distingue de certaines "smart cities" françaises mais nous rapproche d'autres, comme Barcelone. On croit aux frictions créatives qui surgissent lorsque l'on fait se rencontrer des gens qui n'ont pas l'habitude de ce rencontrer.

La ville change-t-elle de paysage au fur et à mesure de ces évolutions ?

A Nantes on a la chance d'avoir une ile qui est l'un des plus grands chantiers de réhabilitation ultra urbain d'Europe. C'est un lieu où l'on privilégie le développement d'industries culturelles et créatives. De fait, l'île est un laboratoire d'expérimentation urbaine. Dans certains projets de bâtiments, nous impliquons par exemple les futurs habitants qui viennent compléter les expertises respectives du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage de ce que l'on appelle leur expertise d'usage. Ils participent à la conception des espaces. C'est aussi ça, la ville collaborative.

 
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