Les PPP, une aubaine ou une malédiction pour l'État ?
Lancés en juin 2004, pour développer le financement privé d'infrastructures délivrant des services publics, les partenariats public-privé (PPP) ont des avantages et des inconvénients. Éclairage de Stéphane Saussier, un des professeurs en charge de la formation dédiée aux PPP à l'IAE de Paris.
Je m'abonnePouvez-vous refaire un point sur l’historique des PPP ? Traduisent-ils une faillite des sources de financement des grands chantiers publics ?
Stéphane Saussier : Les contrats de partenariats ont été lancés en juin 2004, en France, avec l'idée de développer le financement privé d'infrastructures donnant lieu à des services publics pour lesquels les opérateurs ne pouvaient être rémunérés directement par les usagers (hôpitaux, prisons, écoles, etc.). Ce sont des contrats globaux, donnant lieu à des loyers de la part de la puissance publique en fonction de la capacité des opérateurs à atteindre des performances contractuellement établies. Si ces contrats se sont peu développés au début, notamment à cause de l'incertitude juridique les entourant, ils se multiplient largement aujourd'hui, avec plus de 120 contrats signés. Si les besoins de financements privés ne sont pas indifférents au lancement de ces nouveaux PPP, il n'en reste pas moins que ces contrats globaux ont de réels avantages économiques mais aussi des risques qu'il est nécessaire d'anticiper.
Quelles bonnes pratiques pourraient être mises en œuvre pour éviter les récents ratés des PPP (Ballard, Vinci, hôpital sud-francilien) ?
Les raisons qui font que pour certains PPP les promesses espérées ne se réalisent pas in fine sont diverses. Un mauvais projet à l'origine, un manque de concurrence, des choix contractuels inadéquats, un suivi de la relation ex post* défaillants menant à trop peu ou trop de renégociations. Toutes les étapes d'un PPP (choix du projet, évaluation préalable, dialogue compétitif, choix contractuels, suivi du contrat, adaptation de la relation contractuelle) sont cruciales et doivent être pensées rationnellement. C'est coûteux, mais c'est la condition pour qu'un PPP se passe bien. Les quelques exemples de PPP contestés illustrent bien souvent qu'une de ces étapes n'a pas été prise au sérieux et que la dimension partenariale de ces accords est déficiente.
*suivi ex post : après l'établissement d'un contrat (a contrario, on parlera de suivi ex ante ou avant contrat).
La capacité des acteurs à se poser les bonnes questions quant à l'utilité du projet, la manière de le mener (le contrat de partenariat n'est qu'un outil parmi d'autres), les écueils à éviter et leur volonté d'investir dans le partenariat, c'est-à-dire de ne pas considérer le PPP comme un moyen de déléguer le projet dans sa totalité vers l'extérieur. Nous avons maintenant des retours d'expériences significatifs sur les performances des PPP (en France et surtout en Grande-Bretagne sur les contrats de partenariats, en Europe et dans le monde sur les concessions et les marchés publics). Les risques à maîtriser et les moyens d'y parvenir sont largement connus.
Dans le cadre de la formation que vous dispensez à l’IAE de Paris, vous insistez sur l’importance des outils d’aide à la décision dans la mise en place des PPP. Quels sont-ils et sur quels points insistez-vous dans votre enseignement ?
La caractéristique de l'enseignement proposé est tout d'abord de ne pas se focaliser sur les aspects juridiques mais sur les aspects économiques. Si les aspects juridiques sont importants, ils sont maintenant largement stabilisés et surtout ils ne doivent pas éclipser la nécessaire évaluation économique d'un projet à mener en PPP. Ensuite, la formation ne se focalise pas sur un seul type de PPP. Lorsqu'on parle de PPP, on pense généralement aux contrats de partenariats. Cette formation envisage les PPP dans leur ensemble (marchés publics, délégations de service public, contrats de partenariats, CREM,etc.) en insistant sur le fait que certains types de PPP sont plus appropriés que d'autres selon les circonstances et les caractéristiques des projets envisagés.
Enfin, la formation propose des retours d'expérience qui ne se limitent pas aux seuls cas français. Dès lors les outils proposés sont à la fois généraux – proposer une grille de lecture commune pour l'ensemble de ces PPP afin de bien cerner leurs avantages économiques respectifs et pointus – par exemple sur la manière de mener une évaluation préalable ou un dialogue compétitif.
Le PPP à la française, une exception culturelle de plus ou nos voisins font-ils mieux et depuis plus longtemps ? Quelle est la réflexion sur ce sujet à l’échelle européenne ?
L'équivalent emblématique le plus proche du contrat de partenariat lancé est probablement le PFI anglais, lancé au début des années quatre-vingt-dix. Plus largement, les PPP se développent dans bon nombre de pays européens et il existe, depuis 2007, une task force européenne chargée d'accumuler de l'expérience sur ces projets et de dégager les bonnes pratiques au niveau européen (l'EPEC - European PPP Expertise Centre). Le contrat de partenariat n'est donc pas une exception culturelle. Néanmoins, des différences existent d'un pays à l'autre. La France prend une place particulière puisque c'est le pays européen dans lequel le montant des PPP signés a été, pour la première fois au premier semestre 2011, le plus élevé (avec plus de 5,5 milliards d'euros).
Au mois de mars 2012, l’IAE de Paris ouvre une nouvelle formation destinée aux salariés dans le cadre de la formation continue : “Acteurs publics – opérateurs privés : Initier et maîtriser vos PPP”. Ce parcours s’adresse aux professionnels du public et du privé (secrétaires généraux, financiers, responsables de projet, juristes, économistes, ingénieurs, etc.) qui peuvent être amenés à concevoir et suivre des réalisations dans le cadre de PPP. Les spécificités des PPP seront étudiées par secteur (énergie, télécommunications, installations ferroviaires, etc.). Les grilles d'analyses économique et juridique seront présentées par des retours d'expérience sur les PPP en France et à l’international.
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