[Juridique] Marchés publics, les candidats évincés ont des droits
L'information donnée au fournisseur évincé avant la signature du marché peut, en fonction de son contenu, renforcer la confiance ou susciter la méfiance. La vigilance s'impose.
Je m'abonneL 'information des candidats évincés occupe une place de plus en plus importante dans la relation acheteurs-fournisseurs pour deux raisons diamétralement opposées. D'une part, elle est gage de confiance et de transparence dans la relation avec les fournisseurs pour comprendre les raisons ayant fondé le choix de l'acheteur public. D'autre part, elle est souvent le premier signal déclenchant, chez un fournisseur, le désir de contester devant le juge la procédure pour laquelle il n'a pas été retenu.
L'information obligatoire
Deux cas de figure doivent être distingués. Dans le cadre d'un Mapa, l'acheteur, dès qu'il décide de rejeter une candidature ou une offre, notifie à chaque candidat ou soumissionnaire le rejet de sa candidature ou de son offre. Ce n'est que sur demande écrite du candidat évincé que l'acheteur a l'obligation de communiquer les motifs du rejet dans un délai de 15 jours à compter de la réception de cette demande. Bien que le texte de l'article R. 2181-2 du Code de la commande publique donne une liberté totale aux acheteurs pour signer leur Mapa sans informer les candidats évincés ni attendre un délai minimum, nous considérons que cette opacité des Mapa va à l'encontre des principes de transparence de la commande publique dégagée par les jurisprudences nationales et européennes. Idem pour l'effet utile du référé précontractuel qui peut vite se trouver neutralisé en Mapa. En outre, la rapidité et l'opacité ne sont pas favorables à une bonne qualité de communication entre acheteurs et fournisseurs ; de telles pratiques peuvent susciter des interrogations légitimes de la part des opérateurs privés.
Nous recommandons aux acheteurs de fournir une information a minima sur les notes obtenues par le candidat évincé et celles de l'attributaire, ainsi que son classement pour assurer une parfaite sécurité juridique des opérations en Mapa. En outre, un délai minimal de cinq jours suite à la transmission de cette notification par voie électronique est recommandé - même s'il n'est pas obligatoire - pour assurer la sécurité juridique de la procédure et éviter toute signature précipitée du marché public.
En second lieu, et pour ce qui concerne les procédures formalisées - i.e. au-dessus des seuils 139 000, 214 000, 428 000 et 5 350 000 euros HT -, l'acheteur doit notifier à chaque candidat ou soumissionnaire concerné le rejet de sa candidature ou de son offre en lui indiquant les motifs, dès qu'il a fait son choix d'évincer un candidat. Il faut comprendre que cette obligation de transmettre cette information est immédiate. Le contenu des informations à fournir est le suivant : l'identité de l'attributaire ; les notes du candidat évincé et de l'attributaire ; le classement respectif de chacune des offres ; la date à laquelle l'acheteur compte signer le marché. Fréquemment oubliée des acheteurs, cette dernière mention conduit à un gel de la procédure pendant un délai de 11 jours, dit délai de stand-still.
L'information spontanée à la demande du candidat
L'article R. 2181-4 du Code de la commande publique autorise un candidat évincé à revenir vers l'acheteur pour lui demander plus d'informations. Dans ce cas, l'acheteur doit aviser des caractéristiques et des avantages de l'offre retenue dans un délai maximal de 15 jours à compter de cette demande. Ce délai ne remet pas en cause le délai de gel de la procédure mentionné ci-dessus. Le contenu des informations à donner n'est pas réellement détaillé par les textes ; il peut s'agir d'une information concernant le prix global des offres, un délai d'exécution ou, de façon plus générale, l'appréciation d'un critère des offres. L'acheteur devra être vigilant à fournir les informations requises sans toutefois mettre en porte-à-faux la régularité de la procédure ou l'offre du candidat retenu. Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'informations obligatoires ou spontanées, l'acheteur ne communique que des "informations" et non des "documents". Il n'existe aucune obligation de fournir le rapport d'analyse des offres à un candidat évincé qui en fait la demande avant la signature du marché. Traditionnellement, le rapport d'analyse des offres est considéré juridiquement comme un document administratif non communicable avant la signature du marché.
Il faut rappeler ici que la rédaction, en fin de procédure, d'un rapport détaillé d'analyse des offres permettra rapidement aux services achats d'en extraire une synthèse pour assurer l'information complémentaire demandée. Le Code de la commande publique renforce les exigences de transparence tout au long de la passation des marchés publics et cette exigence accroît la confiance entre administrations et opérateurs privés.
Par Raphaël Apelbaum & Alain de Belenet, avocats associés, LexCase
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