Clause Molière : le conseil d'Etat valide la présence d'un interprète sur les chantiers
Un appel d'offres pour un marché de travaux publics peut prévoir la présence d'un interprète pour exposer les droits sociaux et les règles de sécurité des travailleurs. Inattendue, c'est la décision rendue par le Conseil d'État lundi décembre 2017, qui rejette un pourvoi du ministre de l'Intérieur.
Je m'abonneUn appel d'offres pour un marché de travaux publics peut prévoir la présence d'un interprète sur un chantier pour exposer les droits sociaux dont disposent les travailleurs et les règles de sécurité qu'ils doivent respecter sur le chantier. C'est la décision rendue lundi 04 décembre 2017 par le Conseil d'État.
Les faits
La région Pays de la Loire a lancé en avril 2017 une procédure en vue de la passation d'un marché public de travaux pour un lycée à Laval. Les documents du marché imposaient aux entreprises qui entendaient se porter candidates de prévoir le recours à un interprète.
Estimant que les "clauses d'interprétariat" prévues par la région constituaient une entrave à la libre concurrence, le préfet de région et le ministre de l'Intérieur ont, tour à tour, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes pour faire annuler cette décision.
Que nenni, puisque le Conseil d'État a reconnu la légalité de cette mesure, relevant dans sa décision "que ces clauses doivent être appliquées sans occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché". Il estime ensuite que l'une et l'autre présentent un lien suffisant avec le marché. Enfin, il juge que tant la clause relative à une information sur les droits sociaux des personnes embauchées sur le chantier, qui doit porter sur les droits essentiels, que celle relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs poursuivent un objectif d'intérêt général.
Clause Molière: affaire à suivre
"Cette décision est surprenante à plusieurs titres", analyse Louise-Marie Nicolas, avocat au sein du cabinet Bird&Bird. En premier lieu, car elle est rendue sur conclusions contraires du rapporteur public qui, le 22 novembre dernier, avait conclu à l'irrégularité de la clause d'interprétariat. En second lieu, sur le fond, "on s'attendait à plus d'analyse du Conseil d'État. Le juge estime que la clause présente un lien suffisant avec le marché sans pour autant livrer une analyse particulière sur ce lien avec l'objet du marché, lien qui n'est pas du tout évident. Le Conseil d'État nous dit par ailleurs qu'elle n'est pas discriminatoire, alors qu'une une entreprise étrangère qui recrute un interprète pourrait supporter des coûts plus importants qu'une entreprise française".
Enfin, s'agissant du caractère proportionné de la mesure que constitue la clause d'interprétariat, le Conseil d'État l'admet, "sans rechercher si une autre mesure que la clause d'interprétariat ne permettrait pas d'atteindre le même objectif (le droit du travail prévoyant déjà des mesures)", estime l'avocate.
Autre information importante rendue dans cette décision: le Conseil d'État souligne par ailleurs que ces "clauses d'interprétariat" ne doivent pas être confondues avec les clauses dites "Molière", qui visent à imposer l'usage exclusif du français sur les chantiers. "Si cette décision semble marquer la fin des débats sur la clause d'interprétariat, sous réserve de cas très particuliers, elle ne concerne pas la clause Molière. Si demain cette clause Molière devait être attaquée devant le juge administratif, on peut encore imaginer qu'elle soit jugée irrégulière", conclut Louise-Marie Nicolas.
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