Achats d'énergie : les acheteurs publics sont sur le pied de guerre
Les acheteurs publics et notamment les collectivités se mettent en ordre de combat au même titre que les nouveaux entrants sur les marchés d'énergie (gaz et électricité) pour respecter les échéances fixées par la loi. Ce nouveau type d'achats, jugé très technique, peut pousser certains à favoriser le regroupement ou avoir recours à la centrale d'achats. Plan d'attaque avant le jour J.
Je m'abonneLe temps presse. Si le secteur privé semble en ordre de bataille face à l'échéance de la fin des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité et l'ouverture à la concurrence, le secteur public semble à la traîne. Et de nombreuses villes à l'exemple de Saint-Etienne sont en train de finaliser dans l'urgence leurs marchés de gaz et/ou d'électricité. Les élections municipales auraient-elles freiné la mise en place d'une telle politique d'achat?
"Le sujet de la déréglementation des tarifs du gaz et de l'électricité n'est pas nouveau", relève Thomas Duffes, chargé de mission énergies renouvelables au sein de l'association Amorce, association au service des collectivités territoriales et des professionnels. "Et de nombreuses collectivités ont anticipé la problématique dès 2004, comme la ville de Lorient et le Syndicat intercommunal d'énergies de la Loire". Si l'acheteur public se contentait jusqu'à présent de souscrire un abonnement pour se fournir en énergie, il doit dorénavant analyser les offres et recenser son patrimoine. La fin des tarifs réglementés à échéance 2014 et 2015 oblige désormais les acheteurs publics à s'intéresser de près à ce type d'achat qui leur était totalement étranger jusqu'à présent.
Disposer des ressources en interne
Sans compter que ce nouvel acte d'achat peut aller jusqu'à révolutionner l'organisation interne de la commande publique. Ou tout du moins faire travailler ensemble des services qui auparavant agissaient en silo. "La déréglementation des tarifs engendre une mutualisation des compétences dans les collectivités. Et mobilise à la fois les services juridique, la commande publique mais aussi le service énergie", confirme Thomas Duffes d'Amorce. Pour affronter ce nouveau marché, la collectivité doit évaluer ses compétences techniques et ses moyens humaines en interne pour assurer le suivi de ce dossier. Si la collectivité ne possède pas ces ressources en interne, elle devra néanmoins s'attacher "à conserver son pouvoir de décision finale". Pour cela, certaines conditions concernant la transmission périodique des données de consommations et d'indicateurs doivent être imposées au fournisseur.
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En amont, "il faut rencontrer les fournisseurs historiques et alternatifs de manière informelle afin qu'ils puissent au mieux anticiper les demandes des collectivités et être à l'aise sur les cahiers des charges", souligne le chargé de mission énergies renouvelables d'Amorce. "Il faut bien veiller à différencier les tailles des sites afin de pouvoir allotir au mieux en fonction de leur consommation". Mais les achats d'énergie sont également "un excellent prétexte pour regarder ce que l'on consomme. Ainsi, avant d'entamer une quelconque négociation, il faut déjà analyser ce que l'on dépense et ses abonnements sur les points de livraison. Un travail de consolidation des consommations qui peut engendrer des économies de centaine de milliers d'euros", assure Thomas Duffes.
La solution du groupement de commande
Les volumes mis en jeu ainsi que la complexité de ce type d'achats tend à favoriser l'émergence des groupements de commande. Caroline Flaissier, Directrice Marché & Infrastructures de Total Energie Gaz, filiale du groupe Total confirme : "Pour ce type d'achat, le groupement est conseillé mais celui-ci doit être réalisé par région et par même type de consommation". C'est le cas notamment, de la ville de Lyon. "Avant de lancer notre marché nous avons fait une étude sourcing auprès de 12 fournisseurs de gaz dont l'UGAP ; et une étude benchmark auprès de 9 établissements publiques dont 7 collectivités, un hôpital et le Sigeif (Syndicat Intercommunal pour le Gaz et l'électricité en Ile-de-France). En parallèle nous avons décidé de nous grouper avec la Ville de Villeurbanne, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Lyon et le CCAS de Villeurbanne. Nous avons donc constitué un groupement de commande d'intégration partielle dont le coordonnateur est la Ville de Lyon", explique Odile Grange , acheteuse Transport/Logistique/Energie/Sport à la commande publique de Lyon. Pour cela, un appel d'offres a été lancé en juillet pour la mise en place d'un accord cadre auprès de 5 titulaires maximum. Ce futur accord-cadre concerne une puissance totale de 465 GWh sur 4 ans pour plus de 550 sites. "L'analyse se fait en fonction de 3 critères : la valeur technique, la relation client et la sécurité d'approvisionnement", poursuit Odile Grange. "Nous avons demandé des services comme : le suivi des consommations, bilan annuel, information de toute évolution législative ou réglementaire,..." Au final, cet achat devrait représenter environ 31 000 k€ sur les 4 ans. Enfin, ce marché lié à de l'achat de gaz concerne des bâtiments administratifs et n'aura donc aucun impact sur la facture des habitants.
Les exemples de groupement pour l'achat d'énergie sont nombreux. On peut citer le Service des achats de l'Etat (SAE) ou encore UniHA, le réseau coopératif d'achats groupés hospitaliers pour l'achat de gaz naturel pour un volume prévisionnel de 2000 Gwh pour un volume prévisionnel de 94 M d'euros TTC au tarif réglementé de vente. Avec un gain minimum envisagé de plus de 12 millions d'euros. De même, pour aider les acheteurs publics, des adhérents de la FNCCR ( Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), association de collectivités territoriales spécialisées dans les services publics locaux de distribution d'électricité, de gaz, d'eau, d'assainissement, etc. organisent dès à présent des groupements de commandes d'achats de gaz naturel et d'électricité. De son côté, la centrale d'achats Ugap propose via la signature d'accords-cadres une solution d'achat groupé de gaz naturel dans le cadre de son offre nouvelle "Energie & Environnement". La ville de Paris a notamment eu recours à cette solution.
Autant de solutions temporaires qui peuvent se révéler efficaces pour des collectivités peu ou pas préparées à ce type d'achats. Mais, à l'avenir, l'achat d'énergie reste un beau défi pour les collectivités qui vont devoir monter en compétences.