Comment décarboner les industries européennes ?
Comment faire évoluer les systèmes de production dans un contexte où le marché mondial de l'énergie entraîne une volatilité des prix, mettant à rude épreuve l'ensemble des ménages européens. Pistes de réflexion avec Patrice Geoffron, Directeur du CGEMP (Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières), Professeur d'économie à l'Université de Paris Dauphine-PSL
Je m'abonneEn quoi les politiques de décarbonation américaines et chinoises ont-elles un impact négatif sur notre industrie ?
Même si la courbe des émissions de gaz à effet de serre n'a pas été inversée, une concurrence très vive s'installe dans les filières décarbonées : on a déjà « touché du doigt », avec les panneaux photovoltaïques, l'effet d'une concurrence avec la Chine (capable de massifier des productions à une échelle supérieure à celle de l'Europe) ; et, maintenant, le président Biden veut convaincre qu'il est possible d'avoir une Amérique « great again », et de recréer massivement des emplois, dans les industries » vertes ». Au milieu de cette concurrence décomplexée, qui bouscule les règles l'Organisation Mondiale du Commerce, l'Europe est à la fois fragmentée et fait montre de moins de réactivité qu'outre-Atlantique dans l'action publique. Mais, au-delà des turbulences actuelles, elle présente le cadre le plus constant en matière de lutte contre le changement climatique et offrira un cadre attractif pour les entreprises les plus résolument engagées dans une trajectoire de décarbonation (avec un accès à une électricité bas carbone, une logistique verte, ...). À l'inverse, les États-Unis sont en guerre interne entre républicains et démocrates, les premiers luttant pour contrarier les efforts de transition environnementale.
Selon vous quels sont les 3 leviers à utiliser pour encourager la décarbonation de l'industrie ?
Le premier est la conséquence de la guerre : l'Europe a la garantie de payer l'énergie fossile plus cher que partout ailleurs, et nous ne reviendrons pas à la situation antérieure, de sorte que la décarbonation est donc un impératif économique. Deuxièmement, il faut des outils contractuels qui donnent de la visibilité comme les « contrats pour différence » ou les « power purchase agreements » qui réduisent la fluctuation des prix (l'électricité ou du gaz vert, du CO2, ...). Enfin, l'accès à des infrastructures décarbonées est essentielle (chaînes logistiques, transport de CO2, numérique responsable, ...).
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Quelle est votre position sur l'European raw material act ?
L'Europe doit tirer dans l'urgence les enseignements de la crise énergétique des « fossiles », et anticiper ses prochaines dépendances. L'ERMA est un ensemble de propositions législatives visant à renforcer la résilience de l'UE en matière de matières premières critiques visant à atteindre trois objectifs principaux : augmenter et diversifier la production de matières premières critiques au sein de l'UE ; renforcer la « circularité » de leur exploitation (recyclage, notamment) et soutenir la recherche et l'innovation. L'ERMA est une initiative importante, mais il est évident que chacun de ses trois volets est un défi (notamment pour rendre acceptable l'exploitation de mines en Europe) et que le sourcing en matière première restera une fragilité structurelle de la décarbonation de l'UE.