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[Tribune] Vers la fin de la fonction achats ?

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L'utilisation sur ces masses de données d'outils de descriptive analytics, puis de predictive analytics, va permettre de réaliser en automatique des reportings précis par famille d'achats, par type de fournisseur, de détecter des tendances, d'identifier des anomalies, de générer des "early warnings", de développer des "advanced should costing", de proposer des modèles prédictifs...

L'association de technologies de machine learning, dans une logique d'autoapprentissage, va démultiplier les capacités des outils de predictive analytics. Pour fluidifier la prise de décision et transformer les données en action, il sera possible d'aller vers du "cognitive procurement" avec une interface homme-machine basée sur le langage naturel.

Enfin, la technologie de la blockchain (en tant que registre non modifiable) garantira la traçabilité des flux physiques, documentaires et financiers à moindre coût. Elle permettra aussi, par le biais des smart contracts, d'automatiser les termes contractuels (déclenchement automatique des paiements, des pénalités en fonction de l'exécution ou non de clauses spécifiques).

En résumé, toutes ces technologies vont profondément impacter les deux premières missions des achats. Avec des reportings précis, plus de traçabilité, de prédictibilité, ces technologies vont favoriser une meilleure gestion des coûts et de la trésorerie. S'agissant des risques, ils seront davantage sous contrôle, qu'il s'agisse de risque de défaillance fournisseur, de tensions sur des marchés, de mauvaise exécution contractuelle, de non-respect des législations...

Peut-on dire que ces technologies vont se substituer aux achats sur ses deux premières missions, d'optimisation économique et de gestion des risques ? Pour certaines familles d'achats non critiques, il semble envisageable d'aller vers une désintermédiation de la fonction depuis les phases de sourcing jusqu'aux étapes de SRM. Mais le big data et les potentialités de l'intelligence artificielle doivent être appréhendés comme la possibilité de se libérer du temps (on estime entre 20 à 50 % le temps consacré par un acheteur à chercher de l'information), de l'énergie, de permettre d'augmenter son intelligence des situations, sa pertinence...

Ces technologies offrent au contraire la possibilité pour la fonction achats de se renforcer sur sa troisième mission de création de valeur et d'accompagner les entreprises dans la transformation de leur business model.

Nous entrons dans une nouvelle ère économique où...

- la valeur des biens dépendra plus de l'intelligence que l'on y injectera que des matériaux utilisés ;

- -l'usage se substituera à la possession ;

- le service sera personnalisé sous peine de ne pas être valorisé ;

- le consommateur deviendra un consom'acteur ;

- les stratégies de Corporate Social Responsibility seront au coeur de la valorisation actionnariale des entreprises ;

- l'entreprise se définira par la puissance de ses réseaux, mais ces réseaux seront de plus en plus complexes à manager : demain, un client pourra être un concurrent et un fournisseur à la fois...

Cette nouvelle ère économique induit la transformation du business model des entreprises. Sur l'ensemble des paramètres de cette transformation, la fonction achats est à même de pouvoir contribuer de façon significative. Pour cela, elle doit, elle aussi, se réinventer, réinventer ses relations avec les fournisseurs, repenser son rôle de vecteur d'innovation... Elle doit adopter une posture entrepreneuriale... Elle sera alors au coeur de la création de valeur. L'urgence est de réfléchir différemment, d'être créatif et... de ne pas avoir peur ! La peur paralyse et favorise le repli et non l'ouverture.

En réponse à notre interrogation initiale : va-t-on vers la fin de la fonction achats ? La réponse est non : nous allons vers sa réinvention !

Natacha Tréhan est maître de conférences en management des achats à l'Université de Grenoble Alpes et chercheur au Cerag.


 
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Nathacha Tréhan

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