Des outils pour répondre à la criticité de certaines importations
PwC a établi une cartographie des dépenses d'achat de quatre secteurs industriels français et des taux d'importation associés représentant 70% du volume annuel d'importation en France, soit 382 milliards d'euros d'achats importés sur ce périmètre initial. Les quatre secteurs industriels sont : "Santé-pharmaceutique", "Agroalimentaire", "Electronique" et "Industrie manufacturière".
Afin de sélectionner les catégories de produits et services à fort enjeux de relocalisation, PwC a développé un indice de criticité[1] issu d'une analyse économétrique et a conclu à une première sélection de 113 catégories, représentant 285 milliards d'euros d'importations. Cette première sélection a fait l'objet d'un examen approfondi en collaboration avec les donneurs d'ordre membres du CNA et d'autres responsables de la chaîne d'approvisionnement : directions générales, directions des opérations et directions des achats de plus de 50 organisations privées et publiques.
A l'issue de cette étude, 58 catégories de produits ont donc été identifiées comme "les plus propices et les plus prioritaires pour des relocalisations". Pour 20 d'entre elles, qui correspondent à des marchés émergents ou en transformation, il s'agit davantage de se doter de capacités de production nouvelles en France et en Europe ("localisation") que de relocaliser une production mature et délocalisée par le passé. (Il s'agit, à titre d'exemple, des anticorps monoclonaux dans la santé, des emballages en mono-matériaux recyclables dans l'agroalimentaire, des cellules de batterie lithium-ion dans l'électronique ou encore des services d'usinage de métaux avec fabrication additive dans l'industrie manufacturière).
"Il y a un enjeu stratégique sur la filière recyclage et emballages, notamment pour développer des monomatériaux. La Chine s'empare du sujet. A nous de nous positionner sur l'ensemble de la filière de l'amont à l'aval. Sur le secteur des batteries, la compétence est présente en France et en Europe, tout le défi est de collaborer. lI y a également un potentiel sur la santé et l'innovation : nous avons les compétences", précise Isabelle Carradine.
Pour les 38 autres catégories prioritaires, il s'agit de rapatrier la production sur des marchés matures. Le montant des importations concernées est d'environ 115 milliards d'euros. Si la production de 20% de ces 115 milliards d'euros de produits importés devait être relocalisée en France, elle permettrait de créer environ 75 000 emplois directs et 220 000 emplois indirects[2]. "Une relocalisation d'activités productives en France sera d'abord la conséquence d'une évolution des politiques d'achat puis des méthodes de production", commente Jean-Luc Baras, président du CNA.
Quels facteurs de succès pour une relocalisation de production ?
Le succès d'une relocalisation dépend de la combinaison de plusieurs facteurs et notamment les coûts de production, les compétences disponibles, l'écosystème de fournisseurs, l'environnement réglementaire, le financement de l'investissement (Quoi relocaliser et pour qui relocaliser ? Où relocaliser ? Comment - cadre fiscal et réglementaire ? Qui investit pour relocaliser ?)
Pour certaines des catégories de produits "les plus propices et les plus prioritaires" pour des relocalisations, un premier travail d'identification des facteurs de succès d'une relocalisation a été engagé, notamment pour les cellules de batteries lithium-ion / polymères ; les produits réfractaires (briques et électrodes graphite) ; les composants électroniques : semi-conducteurs, transistors et diodes ; les produits d'injection plastique. Ces résultats constituent le point de départ pour des études d'investissement et d'implantation à venir.
PwC et le CNA souhaitent poursuivre leurs travaux afin d'aboutir à des projets concrets de relocalisation
Les partenaires ont pour objectif de proposer à Régions de France, à la Direction générale et des entreprises et la Délégation aux territoires d'industrie, au Conseil national de l'industrie de lancer un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour sélectionner les territoires et les écosystèmes les plus appropriés et mobilisés pour accueillir des relocalisations (Où relocaliser ?)
Il s'agit également de collaborer avec le ministère de l'Economie et des Finances (DGE) et les membres du Conseil national de l'industrie et des Comités stratégiques de filières (CSF), afin de formaliser ensemble les facteurs de succès de relocalisation de production pour chacune des catégories de produits (Comment relocaliser ? : cadre réglementaire et fiscal, prise en compte du coût total, investissement minimum requis). L'objectif serait d'atteindre vingt à trente de projets avec leurs facteurs et leviers de succès et les écosystèmes susceptibles de les accueillir qui pourraient être présentés lors d'un prochain Conseil national de l'industrie.
En parallèle, le CNA et PwC ont également lancé un groupe de travail focalisé sur les achats publics qui a identifié six axes de travail pour approfondir le lien entre les politiques d'achat des collectivités locales et leur rôle dans le développement économique.
Focus sur la localisation des achats publics
Les achats publics de l'Etat représentent officiellement 89 milliards d'euros (mais en réalité sans doute près de 150 Mds €) et ceux des collectivités locales environ 80 milliards d'euros. Ce chiffre est estimatif car l'intervention des collectivités locales est composée d'achats via la commande publique, mais également de subventions ou de délégations de service public (ex. rames de TER) qui ne sont pas reprises dans cette nomenclature, mais dont les effets sur le développement économique sont similaires.
Ce groupe a identifié les axes de travail suivants :
- Afin de permettre des relocalisations de productions, les collectivités locales impliquées dans ces premières réflexions sont prêtes à des à des coopérations (faire masse critique par exemple pour l'achat de tablettes pour les collèges / lycées afin de rendre possible la création d'une ou plusieurs unités de montage en France)
- Si des modalités d'appel d'offre pour localiser les achats agroalimentaires (cantines scolaires par exemple) sont connues, ses modalités restent à approfondir pour des achats de biens manufacturiers et notamment le matériel ferroviaire ;
- Approfondir le lien entre les politiques d'achat des collectivités locales et leur rôle dans le développement économique
- Améliorer la connaissance de leur flux de fournisseurs, notamment en incluant celle des fournisseurs de second rang (les fournisseurs de leurs fournisseurs)
- Faire des propositions en matière d'évolution de la réglementation
PwC et le CNA poursuivent leurs travaux afin d'aboutir à des projets concrets de relocalisation
Les partenaires ont proposé au ministère de l'Economie et des Finances (DGE) et au Conseil national de l'Industrie (CNI), de collaborer et de formaliser ensemble les facteurs de succès de relocalisation de production pour un nombre plus large de catégories de produits. L'objectif serait d'atteindre une quarantaine de projets avec leurs facteurs et leviers de succès et les écosystèmes susceptibles de les accueillir qui pourraient être présentés lors de la Semaine de l'Industrie (novembre 2020).
Voir les analyses sectorielles en page 3
[1] L'indice prend en compte sept critères de dépendance de l'économie nationale à ces importations dont valeur et part des importations extra-UE, part des importations de la demande totale (domestique et exportation), balance commerciale, évolution tendancielle des importations, etc.
[2] Le ratio entre emplois directs et emplois indirects est souvent considéré comme étant de 1 à 3 ou 1 à 4
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