Quels axes de travail avez-vous dégagés ?
Afin de créer de la valeur ajoutée supplémentaire, il est nécessaire de travailler sur les leviers "besoins" (Design to Cost, analyse fonctionnelle, etc.), l'ingénierie contractuelle (dialogue compétitif / technique, pilotage pro-actif des contrats, etc.) et la maîtrise de l'exécution des contrats, c'est-à-dire en amont du cahier des charges et en aval de la signature des marchés. Concernant l'amont, il convient d'investir sur la connaissance des secteurs d'activités, des fournisseurs, des offres et des pratiques de marché. Il s'agit de connaître tout ce que nos partenaires, historiques ou potentiels, sont capables de nous offrir pour répondre à nos besoins. Nous avons parfois des besoins très spécifiques qui sont définis dans nos cahiers des charges et sur lesquels nos fournisseurs doivent répondre précisément. Par ailleurs, il existe également des solutions innovantes "sur étagère", chez nos partenaires, que nous devons être en mesure de capter et proposer à nos métiers. Nous, acheteurs, avons accès à de nombreux acteurs, donc à des informations extrêmement importantes, et tout notre enjeu est de les mettre à disposition des métiers. Le paradigme qui prévalait jusque dans les années 2000 a changé : l'information n'est plus le pouvoir. Le pouvoir, c'est la capacité à exploiter ces informations, de les mettre en exergue et à disposition de nos métiers.
Nous avons également, sur l'amont, la dimension du conseil auprès de nos métiers en matière de prescription et de stratégie achats. Il faut être capable d'accompagner nos métiers dans la rédaction du cahier des charges et dans l'élaboration de leur stratégie achats. La stratégie achats n'est pas la chasse gardée de l'acheteur.C'est un acte partagé avec les métiers. Ensemble, nous devons affiner les cahiers des charges pour être en mesure de rendre plus attractives nos consultations, voire aller chercher d'autres fournisseurs que ceux avec lesquels nous avons l'habitude de travailler. Nous devons également avoir plus de flexibilité dans un appel d'offres, ne pas avoir des cahiers des charges trop figés. Tout ce repositionnement sur la chaîne de valeur de la fonction achats se fait dans une logique d'offre de services qui va au-delà de nos missions originelles. Sur l'amont, il s'agit aussi de proposer à nos métiers notre capacité à réaliser des études de marché, de pricing, de costing, etc., afin de les aider à affiner leur besoin et son estimation financière. Pour le moment, nous le faisons de façon trop ponctuelle. Nous devons être en mesure de le proposer sur l'ensemble de nos métiers et de nos contrats.
À l'aval, l'objectif est de mieux contribuer au pilotage et à l'exécution des contrats. Lorsque le Contract Management est réalisé par le métier, l'acheteur doit lui fournir l'appui nécessaire au pilotage des contrats. Ce dernier doit impliquer le futur Contract Manager en amont de la contractualisation pour sa bonne appropriation des enjeux du marché. Sa mission est aussi de fournir les données consolidées relatives à l'exécution des contrats (consommations, etc.) et de permettre d'anticiper et mettre en oeuvre les avenants et les réclamations. Dans la logique d'offre de services, l'acheteur pourra aussi réaliser le Contract Management pour le compte des métiers, par exemple sur des projets industriels ou sur les marchés sans prescripteur.
Comment comptez-vous améliorer votre connaissance fournisseurs ?
Nous devons mieux connaître nos fournisseurs, pas uniquement sur le périmètre EDF SA ou Enedis, pour lequel nous disposons d'un ERP commun. Au sein du Groupe EDF, il existe plusieurs ERP. Nous ambitionnons de mettre en place un outil de Supplier Relationship Management performant pour l'ensemble du groupe : il s'agit du projet Supply'R. Cet outil permettra de bien connaître nos fournisseurs sur le plan financier, mais aussi en termes de qualité de prestations et de réclamations. Supply'R est en cours de développement. La première version est disponible depuis ce début d'année et couvre plus de la moitié des dépenses du groupe. L'ensemble du périmètre sera couvert par l'outil fin 2020. Le nerf de la guerre, c'est l'exploitation des données ! Avoir des outils de data visualisation est essentiel, notamment sur cet aspect SRM.
J'imagine que la direction achats ne travaille pas seule sur ce projet. Comment vous assurez-vous de la pertinence de votre démarche en interne ?
Nous travaillons avec les métiers pour définir leurs attentes et vérifier que la vision sur laquelle nous nous positionnons est en conformité avec leurs besoins. J'ai fait valider notre positionnement sur la chaîne de valeur en juin 2019 par le comité exécutif du Groupe.
Quelle organisation allez-vous mettre en place ?
Depuis un an, nous redessinons l'intégralité de nos organigrammes et de nos emplois pour développer de nouveaux métiers relatifs au category management, au demand management et aux achats projet, ainsi que pour mettre en place des contract managers. Nous travaillons, en parallèle, sur nos processus et nos outils IT. Nous envisageons de mettre cette transformation en oeuvre à partir du 1er octobre 2020.
Tous ces champs ont été étudiés par des groupes de travail réunissant 130 salariés de la direction des achats Groupe. La transformation doit être conduite et portée par les équipes, c'est à elles d'exprimer leurs attentes. L'approche a été "bottom up". Le succès repose dans un cadre où les discussions entre les salariés sont facilitées et les initiatives encouragées. Nous, comité de direction de la direction des achats Groupe, avons validé par étapes successives. Pour cela, nous réfléchissons selon une approche risques et opportunités et non plus en fonction des processus et de leur strict respect.
Nous proposons des parades aux risques identifiés, des alternatives, des écarts aux processus si cela crée de la valeur pour le groupe. Nous mettons en place une fonction achats plus large, avec certains acteurs qui travaillent sur le temps long (connaissance des marchés, des segments d'achats, des fournisseurs, achats projet, etc.) et d'autres missionnés sur le temps court (acte d'achat, négociation, et contractualisation). Par ailleurs, une partie de nos ressources sera dédiée à la donnée et à sa qualité (partie étude et gestion de données). Nous souhaitons notamment créer plusieurs postes de data analysts. Cette évolution doit se concrétiser dans les prochains mois.
Nous faisons évoluer notre façon de travailler pour basculer d'un mode pyramidal à un travail en mode projet, de type audit ou conseil, où l'on va chercher la ressource ou la compétence nécessaire au moment opportun. Je souhaite que nous travaillions de manière plus souple avec des organigrammes plus plats. Avec des équipes qui ne sont pas constituées de manière permanente, mais de façon variable dans le temps. Ces nouvelles façons de travailler passent aussi par un changement des pratiques managériales : un management plus collaboratif, dans un souci de responsabilisation de chacun des acteurs.
Vous allez donc créer de nouveaux métiers. À ressources "iso " ou allez-vous recruter de nouveaux profils ?
Il s'agit d'accompagner un changement culturel fort. Pour nous seconder, nous avons fait appel à un cabinet spécialisé chargé de mettre en place un dispositif d'écoute supplémentaire à destination des salariés, en sus de leur manager et des représentants du personnel. Nous déploierons ensuite un plan de formation pour accompagner nos acheteurs dans l'évolution de leur métier.
Lire la suite en page 3 : Les outils dont vous disposez vous permettent-ils de négocier ce grand virage ? - Qu'en est-il de la conformité de vos achats au regard des évolutions règlementaires ? - Et... sur les délais de paiement ?
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