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"Les supply ne sont plus linéaires; ce sont des réseaux et les entreprises ont perdu le contrôle"

Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à
'Les supply ne sont plus linéaires; ce sont des réseaux et les entreprises ont perdu le contrôle'

Le cas Hanji met en lumière le manque de visibilité dont souffrent les entreprises sur leurs supply chain... un mois après le dépôt de bilan de l'armateur sud-coréen, certains grands comptes découvrent que leurs marchandises sont bloquées en mer. Une disruption alors gérée dans l'urgence...

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14 milliards d'euros d'inventaire sont actuellement bloqués dans les eaux territoriales américaines suite à la faillite de l'armateur sud-coréen Hanji (7e armateur mondial pour le transport de conteneurs) qui a déposé le bilan le 5 septembre dernier et demandé son placement en redressement judiciaire aux États-Unis afin d'éviter la saisie de ses bateaux par ses créanciers. Sur les dits bateaux -environ 80, soit la moitié de la flotte de l'armateur -, des Hommes qui ne peuvent rentrer chez eux, et des marchandises de tout ordre - produits finis et matières premières- qui attendent d'être livrées... Et derrière ces 500 000 containers, des entreprises qui vont avoir des problèmes de stocks ainsi que des fournisseurs qui ne sont pas payés. Suite à cette disruption et au retard que les entreprises n'avaient pas anticipé, certains magasins craignent des ruptures de livraisons pour les fêtes de fin d'année.

Si pour beaucoup, fournisseurs comme donneurs d'ordres, l'heure est à la gestion de crise, certains grands comptes découvrent seulement maintenant qu'ils sont concernés, relate Guy Courtin, Vice President Industry & Solution Strategy, Retail and Fashion de GT Nexus. "Nous avons des clients qui ignoraient que leurs marchandises étaient transportés par Hanji car leurs prestataires avaient sous-traité des marchés et les donneurs d'ordre n'ont pas une visibilité totale de leur supply chain. C'est en consultant notre plateforme pour voir où en étaient leurs livraisons qu'ils ont découvert être concernés..." Guy Courtin constate que "les supply souffrent d'un manque de transparence depuis les années 80 -90 où toutes les entreprises ont essayé de fabriquer à bas coût en passant par des fournisseurs qui ont eux-même sous-traité. Les supply ne sont plus linéaires; ce sont des réseaux et les entreprises ont perdu le contrôle".

"Il leur faut un miroir physique de la supply chain"

Difficile dans ce cas de gérer les risques et d'être réactif en cas de crise. "Il est primordiale, pour les entreprises, d'avoir de la visibilité. Cela ne permet pas d'éviter tous les risques, mais bien de savoir comment réagir, de réagir plus vite.. et de faire des arbitrages", commente Guy Courtin. "En cas de difficulté, comme dans le cas de Hanji, les entreprises doivent impérativement avoir une visibilité sur l'état de leur stock, sur les commandes et leur historique avec les clients pour pouvoir connaître les impacts et arbitrer sur l'allocation des stocks. Savoir qui elles vont livrer en premier et qui elles vont faire patienter. Quelles nouvelles commandes elles peuvent passer et où. Il leur faut connaître le réseau et ses inventaires pour prendre les meilleurs décisions en fonction du business. Il leur faut un miroir de la supply chain physique."

Or toutes les entreprises n'ont pas cette visibilité en temps réel.... Lire la suite en page 2


Or toutes les entreprises n'ont pas cette visibilité en temps réel. D'où l'utilité de digitaliser sa supply. GT Nexus, par exemple, propose une plateforme qui agrège toutes les données issues des systèmes d'information des entreprises et de leurs fournisseurs en mode cloud. "Ces données, nous les collectons, nous les agrégeons et nous les consolidons. Les donneurs d'ordre ont ainsi une visibilité sur la finance - nous collectons les données des institutions financières et offrons donc l'historique des marchés- et sur le physique, en temps réel", explique Guy Courtin. Mais nous ne faisons pas que les mettre à disposition: nous accompagnons les entreprises dans la conception de leur supply". Sur la plateforme de partage d'informations GT Nexus, 28 000 sociétés inter-agissent en réseau.

Devoir de vigilance

Les clients de GT Nexus accèdent également à des données "green". "Nombre de nos clients veulent savoir avec qui ils travaillent dans le monde dans le cadre de leur "devoir de vigilance". Tous ne sont pas au même niveau d'exigence. Ni de connaissance... il est difficile d'avoir une visibilité sur ses fournisseurs de rangs 5 ou 6 quand on a déjà pas de visibilité sur ses fournisseurs de rangs 2 ou 3. Il faut procéder par étapes! Columbia ou Puma, par exemple, remontent toute la chaîne." A l'heure des réseaux sociaux prompts à dénoncer et à propager les mauvaises pratiques des grandes firmes et d'Amazon qui a nourri la culture de la rapidité, les entreprises savent qu'elles doivent s'investir en RSE, mais aussi et surtout livrer très vite les produits à un consommateur volatil qui veut tout tout de suite, sous peine d'aller voir ailleurs. Les supply se doivent d'être fiables et très réactives. "C'est le consommateur qui force les entreprises à changer", abonde Guy Courtin "et les supply doivent réagir intelligemment à la demande".

Au delà des questions immédiates que vont devoir gérer les entreprises concernées par la faillite de Hanji - comment se réapprovisionner en urgence, à quel prix, etc. -, à moyen terme - comment avoir à l'avenir les données me permettant de réagir plus vite et comment digitaliser l'ensemble de ma chaîne pour mieux gérer les risques - se pose celle de l'avenir du transport maritime qui, en surcapacité, souffre du ralentissement des échanges, et pourquoi pas de la réindustrialisation de la France.

Pierre Cariou, professeur à Kedge Business School et expert en économie maritime et portuaire estime pour sa part que "cette vulnérabilité des chaînes logistiques internationales pourrait avoir des répercussions à plus long terme sur la relocalisation de la production de ces mêmes biens près des zones de consommation", explique-t-il dans une vidéo (voir ci-dessous) intitulée "Naufrage de l'armateur Hanjin : la crise du transport maritime" et postée sur les réseaux sociaux. Voilà qui plaira à Jean Lou Blachier qui travaille actuellement sur le sujet "réindustrialisation de la France", dans le cadre d'une mission confiée par Emmanuel Macron alors qu'il était ministre de l'Economie.



 
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