Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

Publié par le | Mis à jour le

Je m'abonne
  • Imprimer

Du temps et de l'argent

Mais pour relocaliser les achats, les acheteurs ne sont pas les seuls à devoir faire des efforts. Une étude sur la relocalisation des achats menée par PWC et le CNA soulignait que le succès d'une relocalisation dépend de la combinaison de plusieurs facteurs, et notamment les coûts de production, les compétences disponibles, l'écosystème de fournisseurs, l'environnement réglementaire, le financement de l'investissement. "Les acheteurs sont prêts à prendre leurs responsabilités, à prendre des engagements auprès des fournisseurs français, mais le processus de relocalisation doit aussi demander l'engagement des industriels qui doivent investir, des financeurs qui doivent apporter des capitaux, des pouvoirs publics qui doivent faciliter, des régions qui doivent se montrer accueillantes", précise Jean-Luc Baras, président du CNA.

Il reste en effet des freins à la relocalisation des achats. Et si les directeurs achats sont centraux dans le fait de relocaliser leurs approvisionnements, ils ne sont pas les seuls maillons de la chaîne. Ne serait-ce qu'au sein de leur entreprise : ce n'est pas la direction achats qui est décisionnaire, elle doit être autorisée à acheter local. "Le souhait d'acheter local doit venir des acheteurs, mais aussi de leur direction. Heureusement, la prise de conscience est en train de se faire et ce n'est pas uniquement un effet de mode", constate Annie Sorel. Les directeurs achats doivent aider les directions générales dans leur prise de conscience en leur montrant les avantages d'acheter local. C'est donc collectivement que des solutions doivent être trouvées pour relocaliser les achats. L'UFIMH a rédigé un rapport fin juin dernier, dressant des propositions pour réussir la localisation de la production textile française. Parmi les solutions avancées : la mise en place d'une plateforme collaborative pour mettre en relation fabricants de tissu, confectionneurs et distributeurs, ou encore la suppression de la mesure de performance financière imposée de -3% par an à tous les acheteurs publics, qui incite à la délocalisation de plus en plus lointaine.

Autre frein, et pas des moindres : le fait que le tissu industriel français va avoir des difficultés à répondre aux demandes de toutes les entreprises françaises. L'étude AgileBuyer/CNA révélait que 31% des entreprises se disaient contraintes par le manque de disponibilité des produits Made In France. La barrière liée aux coûts des achats Made In France grandit aussi, passant de 13% à 18% en moins de 6 mois. Chantal Pain le confirme : "Il est assez difficile d'alimenter un réseau comme le nôtre avec des fournisseurs français. Or, il est impossible de créer des entreprises de zéro et faire grandir une petite entreprise prend plusieurs années." Olivier Wajnsztok invite à trouver des solutions du côté des fournisseurs européens. L'étude pointait d'ailleurs que la relocalisation des achats aura lieu très essentiellement vers la France (98%), mais aussi vers l'Europe (62%). C'est par exemple le choix qu'a fait Sanofi : "Avant même la crise du Covid, nous avons mis en place un projet de création d'un fleuron européen pour les principes actifs pour être moins dépendants des pays low cost et notamment asiatiques", a partagé Jean-Marc Nazaret, directeur des achats responsables chez Sanofi, lors du webinaire du CNA consacré à la relocalisation.

Quoi qu'il en soit, il faut être conscient que relocaliser ou ne pas délocaliser les achats va demander des efforts pour soutenir les fournisseurs et les aider à évoluer. Ce qui veut dire des investissements. Des investissements qui doivent être rentables. "Est-ce que les consommateurs, qui vivent une crise économique, souhaiteront acheter français ou au contraire à bas coût ? Est-ce que l'Asie va casser les prix pour séduire les entreprises européennes ?", questionne Christophe Durcudoy pour lequel la relocalisation est un pari pour les entreprises, où règnent de nombreuses incertitudes. "Les directions achats sont prêtes à relocaliser car cela apporte réellement de la valeur. Mais pas à n'importe quel coût", conclut Jean-Luc Baras.

La région Grand Est a mis en place un Pacte de relocalisation

Et si la relocalisation des achats passait par les régions ? La région Grand Est a lancé un "Pacte de relocalisation" afin d'accompagner les entreprises de production présentes sur son territoire, et notamment les sous-traitants du secteur automobile. "Ce pacte avait été imaginé avant la crise. L'objectif est d'accompagner les sous-traitants pour les rendre plus modernes et compétitifs, mais aussi les aider à diversifier leur clientèle pour qu'ils ne se cantonnent pas au secteur automobile", explique Lilla Merabet, vice-présidente déléguée à la thématique Compétitivité, Innovation et Numérique à la région Grand Est.

Avec la crise du Covid-19 et les ruptures d'approvisionnement, le pacte de relocalisation s'est légèrement modifié : en plus d'accompagner les entreprises industrielles, il s'attache à définir avec les grands acheteurs du territoire une stratégie d'approvisionnement local. Un audit de leur stratégie d'achats est menée et des outils, comme une cartographie des sous-traitants, sont proposés. "Des dirigeants sont venus nous voir spontanément : ils ont à coeur de penser différemment leur stratégie d'achat, notamment vis-à-vis de l'impact carbone", raconte Lilla Merabet. Le pacte de relocalisation est actuellement à sa phase pilote, avec une dizaine de collaborations engagées.


 
Je m'abonne

Eve Mennesson

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Retour haut de page