Le cadeau d'affaires, un achat qui doit passer au peigne fin ?
Dans le business, le cadeau d'affaires a toujours été légion. Aujourd'hui, il n'est pas question de tout révolutionner. Mais plutôt de professionnaliser cet achat pour compresser les budgets et/ou les pratiques abusives. Transparence et agilité sont de rigueur.
Je m'abonneLe cadeau d'affaires, notamment en fin d'année, une coutume presque incontournable ? La réponse se doit d'être mesurée tant cette pratique, si usitée dans les années 70, suscite aujourd'hui des controverses. "Elle fait l'objet de chartes éthiques dans les entreprises qui vont jusqu'à en interdire son usage", énonce en préambule Constance Macqueron, consultante au sein d'Epsa Groupe. Peu courants, ces exemples invitent néanmoins ceux qui veulent continuer à remercier leurs interlocuteurs pour leur collaboration annuelle à davantage cadrer ce type de dépenses. Les directeurs achats seraient-ils alors voués à investir plus massivement ce créneau, largement gardé par les commerciaux, dans les années à venir ? Pour l'heure, ils restent peu nombreux à s'y risquer, d'après Constance Macqueron. "Ils ont l'habitude de gérer l'approvisionnement des goodies mais marchent un peu sur des oeufs quand ils abordent les cadeaux d'affaires, surtout s'ils ressentent une méfiance de la direction commerciale".
Une décision politique ?
Effectivement, le cadeau d'affaires n'est pas qu'un achat objectif. "Renfermant une dimension politique, c'est un acte d'achat qui doit être manié avec précaution. Un excès de formalisme et de contrôle soudain pourrait nuire au bon déroulé des relations commerciales", met en garde Olivier Audino, président de Sourcing Force. En clair, il appartient à la direction générale de valider ou non la préhension de ce poste par la direction des achats. Cela peut résulter d'une volonté de réduction budgétaire. "Au-delà de 100 k euros, c'est un budget annuel sur lequel il peut être intéressant de se pencher dans un objectif d'optimisation des coûts", estime Olivier Audino. Le directeur achat peut aussi se voir allouer la casquette de contrôleur de risques afin de prémunir son entreprise d'éventuelles infractions à venir. "Ce cadrage s'avère bénéfique même si les montants ne sont pas conséquents. La difficulté résultera dans la conduite du changement et dans son acceptation par les utilisateurs", évalue Olivier Audino. L'activité des acheteurs va alors se porter sur la manière dont vont être distribués les cadeaux aux clients plutôt que sur leurs coûts intrinsèques...
Concentration des volumes
Dans tous les cas, l'important est de disposer d'une cartographie précise des dépenses actuelles. Cela va permettre d'identifier les montants, le type de cadeaux offerts et les différentes populations cibles. L'idéal est de parvenir à nouer des partenariats avec les quelques fournisseurs stratégiques, dès que le volume le permet, sur chaque tranche de dépenses afin de dégager des économies. La tâche peut être ardue tant le panel de cadeaux disponible est vaste. "La simplification du processus d'approvisionnement est aussi un moyen de faire gagner du temps aux clients internes et leur évite de commettre certains impairs", rappelle Constance Macqueron. Cela va surtout impacter les gammes traditionnelles et pérennes, comme les vins, les paniers gourmands ou les montres par exemple. "Cela va être plus complexe, et moins rentable, sur des cadeaux "Premium" qui sont personnalisés et adaptés à chaque profil. Néanmoins, les fournisseurs peuvent être validés en amont par le directeur achat" , consent Olivier Audino. Niveau tendance, les cadeaux d'affaires ne répondent pas à un automatisme strict d'une année sur l'autre, donnant la part belle à l'originalité. "Les voyages semblent progressivement se faire distancer par les abonnements en tout genre (spa, golf...)", indique Olivier Audino. Récompensée par la médaille d'argent au concours Lépine 2019, la marque Milan Noir devrait remporter les suffrages en cette fin d'année, avec ses innovantes trousses de toilettes amovibles pour les bagages cabines. "Les cadeaux de "marques" rencontrent de plus en plus de succès", constate Nathalie Cozette, directrice d'Omyague.
Mieux vaut prévenir...
Sur ce créneau, l'offre est pléthorique et évolutive. Le tout est de parvenir à cadrer les pratiques pour ne pas risquer d'être accusé de corruption ou de trafic d'influence. La prévention peut passer par la définition d'une politique éthique axée sur les cadeaux d'affaires. Dans un souci d'efficacité, les règles qu'elle comporte sont à définir de concert avec les directions générales, commerciales, marketing et juridiques. "Les règles d'attribution doivent être claires et conformes avec la législation en vigueur, quel que soit le pays où se situe le destinataire du cadeau", synthétise Olivier Audino. Il va notamment s'agir de fixer les limites et/ou d'établir une liste de restrictions. "Vous pouvez décider que seuls les déplacements à vocation professionnelle ne soit tolérés ou définir un plafond maximal par cadeau", illustre Laurent Thomas, consultant au sein d'Axys Consultants. En principe, le montant du présent se détermine d'après le chiffre d'affaires annuel. "Il doit aussi tenir compte de la durée de la collaboration et du potentiel d'affaires à venir", ajoute Constance Macqueron. Aux commerciaux de réajuster au besoin selon la relation qui les unit à leur interlocuteur. Le panier moyen serait compris entre 30 et 150 euros d'après Omyague. Pour rappel, la TVA n'est récupérable que lorsque le cadeau n'excède pas 69 euros TTC. Côtés formalité, une déclaration comptable se révèle obligatoire passés 3000 euros par cadeau en France.
En bref, la formalisation d'une politique d'achat en matière de cadeaux d'achats est fortement préconisée. "Elle permet d'amorcer progressivement le changement dans les mentalités", prévient Olivier Audino. Son cadre doit être suffisamment ouvert, au moins au départ, pour remporter l'adhésion des utilisateurs...
Un outil web pour un meilleur suivi des dépenses ?
Les directions marketing et commerciales se veulent sans cesse étoffer et mettre à jour leur panel de cadeaux d'affaires pour surprendre leurs clients, contraignant le service achat à établir le contact avec les différentes marques pour la négociation du prix et du délai. " Ces processus sont longs et fastidieux d'autant que l'achat de cadeau d'affaires peut être un acte ponctuel voire unique " , résume Nathalie Cozette, directrice d'Omyagué. En réponse, cet organisateur de salon sur le thème des cadeaux d'affaires lançait, en septembre, une Marketplace dédiée, regroupant plus de cent marques, soit aux environs de 2000 produits régulièrement actualisés. Baptisée Data Gifts, cet outil web est personnalisable et intégrable aux solutions intranet de l'entreprise. En amont, il suffit au directeur achat de composer un portefeuille de cadeaux à tarifs négociés. " Cela diversifie l'offre et simplifie la tâche de la direction des achats qui reste ainsi maître de la décision finale " . En effet, si les utilisateurs peuvent librement consulter le catalogue disponible, le panier ne peut être validé sans l'accord du service achat. Cette solution n'induit pas de frais de mises en service, le modèle économique est fonction de la formule choisie.
"Les MarketPlaces sont économes en temps et en argent"
Témoignage de Nativité Navaro-Lacombe, directrice des achats de RCI Banque and Services
Depuis 2017, RCI Banque and Services, filiale du Groupe Renault, s'est lancée dans un vaste plan de transformation de la fonction achat ; le but étant de mieux l'organiser pour apporter davantage de services à ses clients internes. En ce début d'année, c'est sur la mise en place de MarketPlaces que misait la direction des achats pour la passation des commandes de cadeaux d'entreprise. L'une d'elle se voit ainsi réservée aux goodies, une autre aux vins et spiritueux. "Auparavant, le panel de fournisseurs non core business n'était pas suffisamment sous notre contrôle et les clients internes, à savoir essentiellement les collaborateurs appartenant à direction des ventes Diac, ne se retrouvaient pas forcément parmi l'offre disponible" , explique Nativité Navaro-Lacombe, directrice des achats de RCI Bank and Services. Prochainement, ce sont les cadeaux d'affaires "haut de gamme (maroquinerie, bijouterie...) qui devrait se voir répertoriée de la sorte. "Nous venons d'établir la liste des fournisseurs que nous aimerions y voir figurer, conformément aux commandes réalisées l'année passée". Les références disponibles au catalogue seront révisées annuellement d'après les retours des clients internes et du club achat assistantes, mis en place en 2017. "Nous réunissons ce club à raison de trois à quatre fois par an car ce sont ses membres qui connaissent le mieux les attentes de leurs clients". Plutôt que de nouer des accords avec une myriade de fournisseurs, la direction des achats s'engage ainsi dans des contrats-cadre, incluant un dispositif de rétrocommissions, pour optimiser les dépenses. Et s'estime largement gagnante. "Cette solution est économe en temps et en argent et s'avère confortable pour tous ses usagers", ajoute Nativité Navaro-Lacombe. La structuration de ce poste de dépenses ne s'arrête pas là. RCI Bank and Services est signataire de la Charte éthique du Groupe Renault en matière de corruption. "Chaque fournisseur a reçu une charte à signer sur ce sujet". Quant aux collaborateurs, ils ont dû suivre une formation de sensibilisation en ligne sur l'anti-corruption.